Les normes comptables IFRS et américaines imposent depuis quelques années la comptabilisation de changements de juste valeur d’éléments d’actifs ou de passifs, soit en résultat net de l’exercice, soit en capitaux propres. Dans ce dernier cas, la contrepartie comptable de cette écriture a lieu, soit dans un tableau à part regroupant ces « autres éléments du résultat global » (other comprehensive income), soit dans un seul tableau qui les regroupe avec le compte de résultat classique. On l’appelle alors « état du résultat global » (statement of comprehensive income). Cette deuxième option est très peu suivie et à juste titre à notre avis car le contenu informatif de ces autres éléments de résultat est faible et ils pollueraient pour une bonne part la lecture du résultat net.

 

Àquoi correspondent ces autres éléments du résultat global ?

En IFRS, six points, et en normes américaines les quatre derniers de notre liste :

 

1. Les changements de juste valeur (fair value) des actifs immobilisés corporels

En normes IFRS, les entreprises peuvent valoriser leurs actifs corporels en juste valeur à l’actif de leurs bilans. La plus-value latente fait alors partie des autres éléments du résultat global et des capitaux propres. Ultérieurement, en cas de baisse de la juste valeur, cette baisse est d’abord imputée sur les autres éléments du résultat global jusqu’à effacer leur montant cumulé en capitaux propres, puis, le cas échéant, passe dans le compte de résultat directement comme il se doit.

Très peu de groupes ont opté pour cette possibilité en raison de la complexité de sa mise en œuvre, Portugal Télécom est une exception. Cette option est à différencier de celle permise au moment du passage aux IFRS qui a, par exemple, vu Publicis réévaluer son immeuble du haut des Champs-Elysées (13 500 m² de bureaux et de commerces) de 5 M€ à 164 M€ en 2004 dégageant une plus value latente brute de 159 M€, inscrite en capitaux propres. L’immeuble est dorénavant amorti sur cette base, la valeur historique ayant simplement été réévaluée en 2004 et ne l’a pas été depuis.

Nous pensons qu’un groupe qui recourrait à cette option se singulariserait et signalerait ou confirmerait une situation financière peu brillante puisque ayant besoin d’extérioriser des plus values latentes.

 

2. Les changements de juste valeur des actifs immobilisés incorporels

Le principe est le même que pour les actifs immobilisés corporels.

 

3. Les changements de valeur des engagements de retraite dus à des changements d’hypothèses

Actuellement en normes IFRS, ils peuvent être inscrits dans le compte de résultat ou passer en autres éléments du résultat global, ou être comptabilisés par la méthode du corridor. Avec la nouvelle version de la norme IFRS qui s’appliquera à partir de 2013, la totalité des changements de valeur induits par un changement d’hypothèse en matière de mortalité, de taux de turnover, de date de départ en retraite, d’augmentation des salaires ou des prestations de retraite, devra passer en autres éléments du résultat global. Il en est de même des différences entre les taux de rentabilité attendus sur les actifs des plans de retraite (le taux d’intérêt d’obligations à long terme d’émetteurs de première qualité) et les taux effectivement réalisés chaque année puisque passe dans le compte de résultat lui-même la rentabilité attendue.

Quel est le contenu informatif de ces variations pour l’analyste ? Faible à notre avis. Tout au plus attirent-ils son attention sur des hypothèses qui ont été prises et qui ne sont plus d’actualité, indiquant éventuellement l’agressivité comptable plus ou moins forte des dirigeants.

 

4. Les écarts de conversion dus à la consolidation de filiales présentant leurs comptes dans une devise autre que celle de leur maison mère

Sur ce point rien que de très classique, le même principe s’applique depuis longtemps en normes françaises. Le contenu informatif de ces éléments est faible pour l’analyste puisque ces écarts de conversion ne font qu’acter un changement dans le montant comptable de la quote-part des capitaux propres des filiales consolidées revenant à la maison mère dû à des variations de change.

 

5. Les changements de juste valeur des actifs financiers classés comme disponibles à la vente

Ils sont réévalués au bilan, la plus-value latente n’est pas extériorisée au compte de résultat mais passe en autres éléments du résultat global et donc dans les capitaux propres. Le jour où l’actif est cédé, le supplément de valeur obtenu par rapport à la dernière valeur réévaluée au bilan, grossi de toutes les plus-values passées en autres éléments du résultat global, se retrouve au compte de résultat pour constituer la plus-value avant impôt, différence entre le prix de vente et le prix de revient historique.

Quand une perte de valeur doit entraîner une dépréciation de l’actif financier disponible à la vente, celle-ci passe en compte de résultat.

 

6. La partie efficace d’une couverture d’un risque financier

Rappelons en effet qu’en l’état actuel de la norme sur les instruments financiers (IAS 39), les variations de juste valeur de la partie jugée non efficace de la couverture en cash flow hedge passent en compte de résultat. Les variations de juste valeur de la partie jugée efficace de la couverture passent eux en autres éléments du résultat global et en capitaux propres. Plus précisément, ceci ne s’applique qu’aux couvertures en cash flow hedge (par exemple les intérêts sur une dette à taux variable) et non aux couvertures de juste valeur (fair value hedge, par exemple la valeur d’une dette à taux fixe).

Lorsque la transaction couverte se produit, les éléments comptabilisés précédemment en autres éléments du résultat global sont alors virés au compte de résultat pour neutraliser le gain ou la perte de valeur sur l’élément couvert puisque la couverture avait été jugée efficace.

 

_________________________________________________________________________________________________________________

 

(1) J.ENGELBERG, P.GAO et C.A.PARSONS (2012), Friends with money, Journal of Financial Economics, vol.103, pages 169-188.

 

Fin de la première partie. La suite demain.