Discours d’Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, en ouverture du congrès Financium, le 8 Décembre 2015

Bonjour à toutes et à tous,

Je suis ravi d’être parmi vous ce matin. Vous l’avez dit [E. Macron répond ici à Philippe Audouin, président de la DFCG, ndlr], nos concitoyens aspirent à beaucoup de changements, et le pays n’est pas si difficile que cela à réformer. Il suffit d’expliquer les réformes que l’on veut conduire, il suffit de vraiment les vouloir, d’entraîner nos concitoyens, et d’aller jusqu’au bout. Au fond, rien de beaucoup plus compliqué que ce que vous faites au quotidien dans vos entreprises. Mais on s’était habitués, en quelque sorte, à une forme de langueur, où dire les choses relevait d’une audace absolument inconcevable, essayer de les faire d’une sorte d’inconvenance à laquelle on ne pouvait se ranger, et finalement, le quotidien reprenait ses droits. Or, ça n’est plus possible.

Ça n’est plus possible, parce que la situation dans laquelle se trouve notre pays, que vous connaissez, et que vous venez d’évoquer en quelques mots, nous impose précisément de faire face aux mutations qui sont en train de le transformer. Et ce sont ces mutations qui font qu’aujourd’hui, le statu quo auquel on avait pu s’habituer n’est plus une option possible. Que le changement que vous appelez de vos vœux, que beaucoup de nos concitoyens appellent de leurs vœux, n’est pas une nécessité qui s’imposerait de l’extérieur ou qui dépendrait du bon vouloir de l’un ou de l’autre, mais est en fait l’ensemble de défis qui nous sont livrés pour pouvoir précisément faire face à ce monde qui change.

Ces changements sont de plusieurs ordres : politiques, économiques, moraux presque – ce sont ceux que notre pays traverse, et dont les événements des dernières semaines ont rappelé la dureté.

Il y a une réponse de court terme, nous sommes en train de l’apporter, et ce court terme peut-être durera-t-il. C’est ce qui relève de la sécurité intérieure et extérieure du pays, et des actions politiques, diplomatiques et militaires à conduire.

Mais il y a une réponse qui prendra plus de temps, qui, elle, sera économique, sociale, politique, pour partie morale ; c’est celle qui consiste aussi à regarder les défis de notre société telle qu’en elle-même, parce que nous sommes une société où depuis trente ans, être jeune ici signifie avoir une chance sur cinq d’être durablement au chômage. Parce que nous sommes une société où depuis trop d’années, lorsque l’on a un prénom à consonance arabe, réputé d’origine musulmane, je reprends les termes de l’étude récemment sortie par l’Institut Montaigne, on a quatre fois moins de chances d’avoir un entretien d’embauche ; et lorsque l’on a un prénom à consonance juive, presque trois fois moins de chances que celui qui porte un prénom plus classique. Donc nous sommes une société qui a ses fermetures. Qui a ses plafonds de verre. Dans laquelle on n’avance pas assez vite lorsqu’on est à la tête d’une entreprise (et même avoir le sentiment de ne plus avancer du tout au sein de l’entreprise) ; ou bien lorsqu’on est dans certains confins du territoire, dans certains confins des représentations sociales…, alors même qu’on a l’énergie pour faire, la volonté de faire, et cet esprit tenace qui consiste à vouloir avancer.

Donc oui, nous avons des défis au sein même de notre société, au sein de ce qui est notre pays. Et, comme vous le voyez, si nous voulons les relever, ils ne sont pas qu’économiques.

Puis, le défi, c’est aussi celui des mutations. De ce grand changement auquel vous allez réfléchir durant ces deux jours. Et ce grand changement se traduit par une transformation en profondeur de nos usages, de notre façon d’innover, de notre façon d’entreprendre.

Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un environnement parfaitement mondialisé aujourd’hui. Ça n’est pas une réalité neuve pour vous, mais elle est, je dirais, encore plus forte, vivace, aujourd’hui qu’hier. Encore plus rapide.

Parce qu’à la mondialisation du porte-container a succédé la mondialisation des nouvelles technologies de l’information. Et donc, cette mondialisation, elle est quasi-totale, quasi-immédiate, et elle a progressivement abattu des barrières.

Des barrières d’usage, des barrières d’accès à certains marchés, mais aussi des barrières sectorielles. Lorsqu’on innove, lorsqu’on produit aujourd’hui dans l’industrie, on fait aussi du service. Lorsqu’on fait de la génomique, de plus en plus, on fait du big data, de l’objet connecté. Lorsqu’on innove dans la biologie, on a besoin des sciences nucléaires de plus en plus, des nouvelles technologies, des neurosciences, et de l’intelligence que fournissent également la transformation des usages liés à cet internet.

Et tous ces changements non seulement vont plus vite, sont au premier jour presque à chaque fois déjà mondiaux, mais en plus, ils viennent perturber, raviner des pans entiers de nos économies, en venant menacer des qualifications jusqu’ici établies, en venant bousculer des acteurs que nous pensions invincibles, en venant nous conduire à repenser des secteurs entiers de notre activité.

L’Etat lui-même, en tant qu’actionnaire, le sait qui, il y a quelques années encore, avait cette belle Poste dans les mains. Elle prend, Dieu merci, ce tournant du numérique. Mais, est-ce que le plan stratégique de la Poste peut encore être de distribuer du courrier ? De moins en moins. Mais le modèle est en train d’être repensé, et la Poste, en quelques années, est devenue une banque de proximité, un acteur décisif de la silver economy, et un partenaire de plus en plus privilégié des sociétés d’assurance. Parce qu’il a joué sur son avantage comparatif.

Et combien de secteurs, dont vous êtes, sont en train de repenser en profondeur leur action, leur positionnement stratégique, parce que cette transformation est là, qui vient tout bousculer. Nous avons tout pour réussir dans cette transformation. Le pays est solide, les infrastructures sont fortes, les compétences nombreuses, et nous avons un système de sécurité sociale qui fait que nous devrions prendre le maximum de risques. Et en même temps, nous avons tous les anticorps pour l’empêcher.

Parce que les acteurs en présence détestent ce qui advient. Parce qu’on vient les menacer sur leur terrain de jeu. Parce qu’on vient les contester dans leur légitimité. Et parce que nous avons collectivement trop installé l’idée que réussir demain, ce serait en quelque sorte répliquer les modèles de réussite d’hier. Je ne suis pas persuadé d’avoir besoin de vous convaincre ce matin, mais je le dis avec force : la nostalgie n’est pas le meilleur moyen de dessiner notre futur. Ce monde qui advient, il aura d’autres formes, il a d’autres formes.

Des pans entiers de notre économie vont être transformés, peut-être tomber. D’autres vont se créer, que nous ne connaissons sans doute pas, et que je ne m’aventurerai pas ici à décrire. On en voit certains points. La mobilité se transforme en profondeur, elle devient plus une solution qui est apportée à un individu qui veut aller d’un point A à un point B, plutôt que la simple production de voitures, de trains, que sais-je. L’énergie va progressivement se transformer, qui n’est plus le défi qui consiste à apporter un électron jusqu’au pied du domicile, mais à donner la capacité à chacun de réguler son environnement, de consommer moins, mieux, et d’avoir là aussi une solution énergétique.

Et donc tout cela se transforme, qui est à la fois beaucoup plus déconcentré, qui repose sur l’intelligence de chacun, mais qui suppose que nous transformions nos capacités collectives à nous organiser. D’abord, en ayant plus de rapidité, et pour ce faire, il faut que nous puissions innover plus vite, plus fort. C’est pourquoi le prochain texte [de loi, ndlr], la stratégie que je suis en train de préparer, des nouvelles opportunités économiques, aura pour but de permettre, dans tous les secteurs où cela est nécessaire, d’accélérer, de simplifier la capacité à innover, à créer de nouvelles activités, à les financer également plus facilement. Et je vais y revenir.

Nous avons en particulier besoin d’ouvrir l’accès aux données, et à des données d’intérêt général, car c’est la clé pour créer justement de nouveaux secteurs d’activité et accompagner une mutation plus rapide de pans entiers de notre économie. Ensuite, il faut donner plus d’adaptabilité, plus de flexibilité dans ce grand changement. Comme je le disais, des qualifications entières sont en train d’être attaquées par le numérique. C’est un défi pour notre système collectif, qui va devoir mieux former pour accompagner celles et ceux qui, parfois, faisaient des tâches mécaniques, répétitives, pour demain programmer un robot ou un logiciel, pour en contrôler le travail. En même temps, des tâches à plus haute valeur ajoutée, plus inventives, souvent moins pénibles, sont en train de se déployer. Des métiers moins qualifiés sont aussi en train de se créer. Et sur chacun de ces pans, nous devons donner à notre système de production une adaptabilité plus grande.

D’abord, en donnant plus de place à la négociation au sein de l’entreprise, puis de la branche. Ensuite, en donnant la possibilité, par plus d’expérimentation, plus d’innovation, plus de souplesse, aux secteurs les plus en pointe, eh bien, d’attirer les talents avec plus de facilité. Nous avons commencé à répondre à ce défi en adaptant le cadre fiscal et social des bons de souscription pour créateurs d’entreprises, et des actions gratuites. Mais il faut continuer ce travail, parce que la bataille des talents sera décisive.

L’un des défis sera aussi de créer davantage d’emplois peu qualifiés partout où c’est possible. Par une forme d’aversion étrange, nous avons résisté à ce changement. Comme si, dans notre pays, il était préférable de n’avoir aucune option possible entre les minima sociaux –que je n’ai vu personne poursuivre avec enthousiasme – et  un contrat à durée indéterminée, fermé malheureusement pour tant de jeunes et tant de nos concitoyens peu qualifiés. Il y a un espace, un entre-deux, qui est aussi une façon d’entrer dans le monde du travail, qui est une façon de participer à ce changement pour ensuite avoir la mobilité qui convient dans l’entreprise ou hors de l’entreprise, qui consiste à créer davantage d’emplois peu qualifiés dans notre économie. Pour ce faire, j’ai souhaité qu’on puisse revoir en profondeur les règles, trop lourdes parfois, qui pèsent sur ces professions. Qu’on puisse regarder le sujet des qualifications et des métiers qui se pose légitimement, et également le parcours de croissance des entrepreneurs individuels, qui sont une voie d’accès pour la croissance.

Comme vous le voyez, cette grande transformation suppose plus de capacité à innover, plus de rapidité, une capacité à se battre dans la compétition mondiale, je dirais presque dès le premier jour, et en même temps, plus d’adaptabilité qui va avec les sécurités que proposent notre système. Vous y jouez un rôle absolument central. Vous y jouez un rôle central parce que la clé de réussite de cette transformation économique se trouve dans la capacité à financer différemment notre économie.

Pourquoi ? Nous avons une économie qui, par trop, est encore financée sur le mode d’une économie de rattrapage. Les chiffres sont là pour le montrer. Notre économie se finance encore beaucoup par dettes, avec un système qui fonctionne assez bien, je comprends que tout à l’heure, vous recevrez les dirigeants d’une de nos grandes banques à réseaux. Nous avons une banque forte, et, sur un modèle de banque universel, que je dois dire que beaucoup nous envient, qui ont été moins victimes de la crise que d’autres parce que plus solides, nous finançons bien en dettes notre économie.

Mais notre financement en capital est défaillant. Pour plusieurs raisons, je n’ai pas besoin, là non plus, de vous convaincre que notre système a quelques spécificités qui fait que nous n’avons pas de fonds de pension. Nous avons un autre système, par répartition du financement de nos retraites. Mais, alors même que les Français ont une épargne conséquente, elle est mal orientée.D’abord parce qu’il y a une préférence collective pour l’immobilier. Je ne fais pas partie de celles et ceux qui ont une fascination pour une France de propriétaires, ce n’est pas la meilleure allocation des actifs, et ça n’est pas le meilleur accompagnement de cette France qui se transforme, parce qu’il faut de la mobilité géographique sur le territoire. Et puis elle est massivement investie dans l’assurance vie, laquelle a été victime cette année de plusieurs régulations qui ont en quelque sorte chassé l’épargne de nos concitoyens du financement de l’économie vers le financement de la dette.

Tout le défi qui est le nôtre aujourd’hui, c’est de retrouver justement les voies de financement d’une économie de la distribution, celle que je décrivais il y a un instant, qui a besoin de plus de fonds propres, de plus de capital. Et pour cela, il y a une palette d’outils que nous devons mettre en place pour précisément répondre à ces besoins.

D’abord, en désintermédiant davantage nos financements. C’est une nécessité, et ça n’enlève rien à l’hommage que je rendais il y a un instant à nos grandes banques. Ceci, en développant le crowd-funding, ce que nous avons fait en donnant un cadre réglementaire et législatif à celui-ci. Crowd-funding entre personnes privées et entre personnes morales : là aussi, nous avons construit un cadre permettant de sécuriser les différentes parties prenantes. C’est une opportunité supplémentaire de financement pour certaines de vos entreprises, et qui permet ce lien direct que j’évoquais il y a un instant.

Ensuite, en permettant de finaliser cette réforme que j’ai souhaité conduire il y a quelques mois, qui ouvre aux entreprises la possibilité de se prêter entre elles. Le crédit inter-entreprises est une bonne réforme qui accompagne cette transformation, ce monde qui va plus vite. Et donc, nous avons voulu pouvoir ouvrir le crédit inter-entreprises avec des règles, en particulier en le limitant à une même filière, mais en ouvrant ce qui était jusqu’alors une forme de monopole. Le décret est prêt, nous y avons travaillé ces derniers mois, et il vous sera soumis dans les prochains jours pour consultation. C’est le point décisif pour finaliser cette réforme importante, il définira le montant pouvant être prêté, ainsi que les couples prêteurs / emprunteurs autorisés, et donc c’est dans ce décret que nous définirons la durée maximum, et que nous qualifierons ce que j’appelais il y a un instant une filière au terme de la loi. Et j’attends véritablement sur ce décret vos réactions, vos commentaires, vos remarques pour que nous puissions utilement finaliser cette réforme, dont je crois qu’elle est véritablement une opportunité, en particulier pour les entreprises les plus petites, qui sont aussi parfois les plus fragiles.

Au-delà, pour améliorer le financement en fonds propres de notre économie, il nous faut répondre au défi que j’évoquais il y a un instant.J’ai souhaité qu’on puisse là aussi modifier le statut prudentiel en créant un statut prudentiel ad-hoc pour les organismes gérant les contrats collectifs de retraite supplémentaire d’entreprise. C’est une exception qui nous est permise par la législation communautaire, et qui évitera que l’ensemble de ces régimes de retraites ne soient soumis aux règles de Solvabilité II. C’est une mesure qui nous permet d’utiliser différemment, et donc en finançant mieux notre économie, les quelques 130 Md€ qui sont concernés. Ceci en respectant évidemment les règles du bon conseil et de la bonne allocation d’actifs en fonction du profil de celles et ceux qui souscriront à ces régimes de retraites supplémentaires.

Votre responsabilité dans ce contexte, c’est d’oser inciter la gouvernance de vos entreprises à ouvrir leur capital également. A diversifier leurs actionnaires. Parce que c’est la contrepartie, en quelque sorte, de ce mouvement que je suis en train d’évoquer. Là aussi, il y a des outils multiples à votre disposition, et c’est un des éléments de ce changement.

Financer davantage notre économie est une nécessité, parce que le capital est au cœur de la bataille de cette transformation. Ceux qui gagnent sont ceux qui accèderont beaucoup plus massivement au capital pour leur projet. Et donc vous le voyez bien, nous devons adapter la structure de financement de notre économie pour faire face à ce défi, et aller bien plus loin que ce que je suis en train d’esquisser ; de l’autre côté, il faut que nos entreprises, de manière croissante, s’ouvrent aux fonds propres, au capital tiers, sans crainte excessive de la dilution. Parce que ces ouvertures sont souvent également l’accès à de nouveaux marchés, l’accès à de nouveaux talents, l’accès à une gouvernance qui apporte toujours à l’entreprise, et nécessaire à cette transformation.

Enfin, cette transformation est possible si on rétablit davantage de confiance dans notre économie, et si on améliore les relations entre les entreprises.C’est sur ce mot que je souhaiterais terminer cette intervention. Parce qu’au cœur de cette économie qui se transforme, de cette grande mutation, il y a aussi, je dirais, le quotidien plus prosaïque qui est le nôtre à tous. Et quand la défiance s’installe dans l’économie, on peut essayer d’innover plus vite, on peut essayer de financer mieux en capital, on peut essayer d’attirer les talents… on est souvent empêtré dans le quotidien, et parfois tué par ce dernier. C’est la réalité encore trop criante du financement de notre économie, et en particulier des relations inter-entreprises.

Je veux ici dire un mot des délais de paiement : il y a encore dans notre pays trop d’excès en la matière. Presque 15 Md€ sont ainsi déplacés des bilans de certaines entreprises vers d’autres, en quelque sorte de celles qui profitent du système aux dépens de celles qui en sont victimes. C’est énorme. Et il y a chaque année près de 15.000 défaillances qui sont liées précisément à ces délais de paiement excessifs. La loi de modernisation de l’économie avait fixé des délais, soixante jours en moyenne, quarante-cinq jours, vous le savez, pour d’autres actes. Pourtant, nous ne cessons depuis trois ans de dépasser toujours davantage ces délais de paiement. 13,6 jours en moyenne cette année. Et les premières victimes sont les plus petits, évidemment, c’est la plupart des 15.000 entreprises que j’évoquais ; ou bien les entreprises qui sont dans les situations les plus à risque, celles qui ont les vrais défis, et qui donc sont parfois très dépendantes d’une trésorerie déjà tendue. Et vous le savez bien, c’est parfois lorsque l’on est en train de repartir sur le fond même de l’activité, lorsque l’on est en train de prendre des risques pour investir ou conquérir de nouveaux marchés, que le délai de paiement excessif peut être fatal. Et donc oui, les délais de paiement excessifs, c’est une lèpre pour notre économie. Elle vient ronger l’économie là où elle repart, bien souvent. Là où elle est en fragilité parce qu’elle se transforme, sans aucune justification macro ou micro-économique, si ce n’est le mauvais comportement.

C’est pourquoi j’ai souhaité que nous renforcions le dispositif en place. D’abord, en engageant l’Etat dans une politique plus volontariste. Nous avons baissé à trente jours nos engagements, nous les baisserons à vingt jours d’ici 2017. J’ai souhaité ensuite que les entreprises publiques, qui étaient exclues du champ de la loi de modernisation de l’économie, soient intégrées dans cette dernière, et donc soient aussi l’objet de contrôle de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). C’est le cas depuis le 6 août dernier.

J’ai souhaité réactiver l’Observatoire des délais de paiement qui rendra, au printemps prochain, son nouveau rapport, en y incluant chaque ministère et chaque payeur public. Et je consacrerai le premier trimestre de l’année prochaine, avec l’ensemble des autres payeurs publics et le gouvernement, à améliorer les pratiques. C’est-à-dire essentiellement les collectivités territoriales et les hôpitaux.

J’ai souhaité au-delà qu’on puisse renforcer les sanctions. Nous l’avons déjà fait à travers la loi consommation, nous irons plus loin encore. Et, par des textes financiers du début de l’année prochaine, nous accroîtrons le plafond des sanctions, qui passera de 375.000 € à 2 M€. Les sanctions seront désormais publiées. J’ai d’ailleurs rendu public, il y a une dizaine de jours, les cinq principales sanctions. C’est une pratique qui n’est pas courante dans notre système. Mais elle n’a pas un caractère de stigmatisation pour le plaisir. Elle doit mettre de la transparence. Le name on shame, comme on vient de l’appeler, a une vertu : c’est que généralement personne n’a envie d’être nommé dans les mauvais élèves. Donc, cela mobilise. Parce que la défiance se nourrit du manque de transparence. Parce que la confiance ne se rétablit que si le marché fonctionne correctement, mais avec des sanctions là où elles doivent se trouver, et des règles de transparence pour les acteurs publics et privés partout.

J’ai commandé ce faisant à la DGCCRF un programme de contrôle ambitieux : 2.300 entreprises ont été contrôlées aujourd’hui, 186 procédures ont été lancées, et 110 sanctions prononcées.

Ce travail continuera, parce qu’il est essentiel, au quotidien, à cette transformation. Nous devons tous être vigilants pour que ce problème soit progressivement réglé, ou en tout cas, que ce point de fuite dans notre économie, qui nourrit le manque de confiance, qui nourrit les comportements parfois déviants, qui décourage les bonnes volontés, ne perdure pas.

Mesdames et messieurs, vous l’avez compris, les défis sont multiples, et je finis par des mesures précises qui relèvent aussi de notre quotidien, parce que les défis commencent maintenant.

Il y a encore beaucoup de réformes à conduire et nous ferions erreur si nous pensions une seule seconde que face à ce monde qui se transforme, nous n’avons aucune carte à jouer, ou en tout cas, qu’une carte de second rang. Je ne partage pas cette idée. Nous ferions aussi fausse route si nous imaginions que face à ce monde qui se transforme, nous pourrions, en jouant sur nos avantages historiques, réussir. Je ne le crois pas une seule seconde. Mais partout où on laisse ceux qui ont l’énergie, l’envie d’entreprendre, d’innover, d’inventer quelque chose d’autre, et de le faire vite, ils y arrivent.

Mon rêve, c’est que le CAC 40 de demain, je le dis sans animosité avec celles et ceux qui représentent le CAC 40 d’aujourd’hui, change progressivement de visage, parce que ce sera la vitalité de cette économie, parce que cette économie de la distribution, si nous y prenons part, et mon souhait est que nous y prenions part à plein, viendra perturber les lignes. Elle va perturber toutes les lignes : celles de la façon de gouverner, celle de la façon de diriger les entreprises, celles aussi qui consistent à s’organiser collectivement. Mais nous avons notre carte à jouer. Nous sommes collectivement les acteurs de cette grande transformation, parce que si une chose doit être comprise des temps que nous vivons, c’est qu’il ne faut pas simplement regarder le gouvernement ou les pouvoirs publics en pensant qu’ils ont la réponse. Ils ne sont pas non plus l’origine de tous les maux si d’aventure on avait décidé de passer de l’autre côté du cheval. Les pouvoirs publics sont là pour donner un cadre, avec transparence et stabilité, pour mener toutes les réformes nécessaires. Mais nous sommes collectivement les acteurs de ce changement. Parce que cette transformation, elle s’est profondément déconcentrée. Parce qu’elle est dans la main de chacune et chacun. Et à la fin de la partie, la question se posera de savoir qui veut être progressiste, et qui veut être conservateur.

Et pour finir, ce bon mot de Chesterton, qui n’avait pas connu cette grande transformation, mais qui vivait au cœur de la précédente. Il qualifiait ces deux camps de manière assez simple, et je me retrouve dans ce distinguo : les progressistes sont ceux qui ont décidé de continuer à faire des erreurs, les conservateurs sont ceux qui décident à tout prix de protéger les erreurs d’hier. Donc continuons à en commettre, résolument, avec enthousiasme, parce qu’elles permettront peut-être de corriger celles du passé. Merci pour votre attention.