La nécessité de réduire le ratio dette/PIB au sens de Maastricht conduira les collectivités territoriales à revoir leurs plans de financement à court et moyen termes même si, en stabilisant ce ratio, elles semblent avoir été plus vertueuses que l’État central. Tous les moyens seront bons pour réduire les risques financiers. Il s’agira de transférer le risque, de le réduire, de se donner les moyens de l’accepter et… de prévoir un plan de secours. Après avoir conduit une analyse de l’exposition aux risques financiers, du positionnement sur le marché et de la description des états financiers de la collectivité territoriale, trois types de risques ont été soulignés : risque de liquidité, de taux et de matières premières.

La tendance est à une prise de risques plus importante

Faire appel au marché financier. Les évolutions en cours des règles dites de Bâle II vont conduire à une hausse des prix et à une réduction des encours offerts. Sachant que 96 % des collectivités territoriales se financent auprès des banques, il conviendrait de recourir davantage aux marchés financiers par le biais d’instruments à court terme (billets de trésorerie) et à long terme (obligations), voire en se groupant pour que l’encours demandé au marché soit d’une taille suffisante pour être considéré. Mais cette recommandation doit être pondérée par une décision récente du Comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières (CESR). Cette décision, applicable en 2011, sera transcrite dans les meilleurs délais dans le règlement général de l’Association des maires de France (AMF). Elle vise à imposer aux Sicav monétaires de n’accepter que des papiers bénéficiant d’une note minimum donnée par les agences de notation. La « lutte » pour les financements longs ne fait donc que commencer.

Développer la culture du cash. Les collectivités territoriales doivent envisager d’allonger la maturité de leur dette et de recourir systématiquement aux lignes de crédit confirmées. Les excédents éventuels à court terme seront investis auprès des contreparties habituelles. Cette stratégie a un coût qui ne sera optimisé qu’en améliorant la qualité de prévision des budgets pluriannuels, comme l’encourage la loi organique sur les lois de finance (LOLF). La culture du cash devra être développée, au même titre que dans les entreprises privées. Cela passera par une communication interne (en direction des maîtres d’ouvrage) et externe (vers les banques et les investisseurs). L’externalisation des fonctions de gestion des flux peut être considérée par les collectivités territoriales dont le budget et les flux ne justifient pas un poste de trésorier à plein temps.

Avoir recours à des financements innovants. Les financements dits innovants seront considérés pour des montants estimés dans le passé comme « insignifiants ». Le crédit-bail et la titrisation, qui ont eu mauvaise presse avec les subprime, seront à nouveau des outils précieux de financement car ils éliminent pratiquement tous les risques de rééchelonnement. Le partenariat publicprivé et la concession vont se développer au profit de tous les partenaires, à condition que le contrat de service soit précis. Les équipes spécialisées des collectivités territoriales seront sans doute plus sollicitées qu’auparavant pour effectuer un travail approfondi d’analyse financière des projets, de « protection » des budgets, de construction de simulateurs de scénarios de validation de la convergence globale du projet et des ressources de la collectivité territoriale. Seront ensuite déduits un plan de trésorerie ajusté des risques — à quantifier aussi précisément que possible — et un bilan financier à caractère analytique pour surveiller que les flux financiers générés par le projet restent suffisants pour répondre aux engagements pris.

 

Se couvrir contre les risques : mode d’emploi

Taux fixes ou taux variables ? Répartir les risques. Les niveaux actuels des marchés financiers devraient conduire à emprunter à long terme et à taux fixe. Néanmoins, outre le fait qu’une saine répartition des risques impose le recours à des produits à taux variable, les investisseurs — qui pourraient estimer que les taux longs doivent augmenter —, n’accepteront de prêter que si des offres à taux variable leur sont proposées. Les directions financières des collectivités territoriales devront alors tenter de lisser l’ampleur de leurs décaissements financiers en ayant recours à des contrats d’échange de taux entre fixe et variable. Il sera fortement recommandé de calculer les valeurs actuelles nettes de la dette de la collectivité. Les tableaux de décision et de suivi reprendront des éléments comptables (échéancier, intérêts courus et non échus, montant de la dette globale restant due, montant de la dette à taux variable…). Ils incluront aussi des outils de gestion : montant des charges financières prévues à la fin de l’année fiscale et pour les douze, vingt-quatre prochains mois, montant du remboursement du capital et des intérêts de la dette dans l’hypothèse où les taux observés à la date de calcul restent constants, duration moyenne, accroissement des charges financières dans le cas d’une hausse de 1 % des taux d’intérêt de référence sur les portefeuilles de dettes à taux variables avant et après couverture, gains d’opportunité en cas d’une hausse de 1 % des taux d’intérêt de référence sur les portefeuilles de dettes à taux fixes avant et après couverture, coût de transformation de la dette variable non couverte en taux fixe au jour du calcul, gain ou perte d’opportunité journalier lié au financement à court terme ainsi que quantification du risque de liquidité afférent…

Gérer les risques de change et les variations des prix des matières premières. Les contrats d’infrastructures peuvent être facturés en devises si les fournisseurs étrangers le demandent. La collectivité territoriale ayant des rentrées financières en euros pourra échanger les flux de devises contre leurs contrevaleurs en euros. Des stratégies de couverture de change devront être soigneusement mises en place et suivies en complétant la liste des références mentionnées plus haut. Plus innovantes, certaines collectivités ayant la charge de transports publics ont eu recours à des couvertures contre les risques de variation des prix du pétrole et de l’électricité. Compte tenu des moyens disponibles au sein des collectivités territoriales, il est recommandé de procéder à ces couvertures auprès des fournisseurs de produits de base et de se prémunir contre le risque de change puisque les produits dérivés sur matières premières sont communément libellés en dollars américains.

Se couvrir contre les risques météorologiques. Aussi utiles que les stratégies précédentes, les couvertures contre les risques météorologiques sont aussi plus surprenantes. En effet, des zones géographiques peuvent avoir des besoins antagonistes. Un temps pluvieux, catastrophique pour l’une, s’avérera très utile pour une autre. Il y a donc, entre deux collectivités territoriales, des intérêts « météorologiques » contradictoires. Si ces collectivités territoriales veulent assurer les recettes fiscales attendues, elles auront intérêt à se couvrir l’une avec l’autre. Ce marché connaît une croissance forte et régulière depuis quelques mois avec les supports techniques de Météo-France et de NYSE-Euronext.

Un engagement réciproque entre banques et collectivités territoriales. Tous les produits et stratégies de couvertures de risques mentionnés doivent être parfaitement compris, anticipés, enregistrés sur le plan comptable (en annexe, le cas échéant) — et non sur un tableur Excel accessible à un nombre restreint d’agents — afin de n’en tirer que des bénéfices qualitatifs et quantitatifs. Avant toute chose, il faut écrire un cadre de procédures précis de gestion des flux et des risques financiers et prendre avec les banques les engagements réciproques inscrits dans la charte « Giesler », applicable depuis le 1er janvier 2010 (voir tableau ci-dessous). Il est légitime pour une collectivité locale de développer une politique de gestion de la dette visant d’une part, à profiter des évolutions qui lui sont ou seraient favorables et d’autre part, à prévenir les évolutions de taux qui sont ou lui seraient défavorables. Le recours à une charte de bonne conduite constitue l’instrument qui permet de concilier au mieux le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales d’une part, et le respect des règles de concurrence entre les banques, d’autre part. Cette charte est, en outre, à même d’assurer la complémentarité entre le recours à l’innovation financière — qui a souvent permis aux collectivités territoriales des gains significatifs en matière d’intérêts financiers — et les contraintes spécifiques liées au caractère public.

Ce post est une reprise d’un article publié dans la revue échanges datée août-septembre 2011.