Le tourisme s’est emparé des enjeux de transition afin de limiter les effets de la crise climatique. Le paradoxe demeure avec un secteur touché par les aléas (Delaplace et al. 2018) mais générant des impacts forts sur l’environnement. La difficulté pour les offices de tourisme (OT) réside dans l’intégration de la dimension environnementale dans leurs outils de pilotage.

 

Une vision incomplète de la performance

La performance est au cœur du pilotage des destinations touristiques. Malgré la dépendance du secteur à son environnement naturel qui le rend attractif, un constat s’impose : les tableaux de bord des OT soulignent une approche partielle de la performance. En effet, l’OT néglige la prise en compte des pressions environnementales exercées par les activités touristiques. Les principales informations recensées dans les outils de gestion des OT reprennent principalement des indicateurs socio-économiques, managériaux (subventions, recettes générées, coûts de fonctionnement, budget opérationnel etc.), territoriaux (taux de fonction touristique ou d’occupation, nombre d’offres etc.) ou de fréquentation (nombre de nuitées, profils clientèles, panier moyen consommé etc.). Ce constat suppose que la performance des OT reste enfermée sous le prisme financier et économique en omettant l’intégration d’indicateurs environnementaux qui pourraient être déclinés en impacts environnementaux (pressions physiques et évaluation monétaire) et en performance environnementale (éco-efficience et éco-efficacité des actions et moyens) (Bartolomeo, 2005).

 

Le calcul du risque résulte de la multiplication de l’aléa par l’exposition et la vulnérabilité, reflétant ainsi la complexité interconnectée de ces composantes dans le contexte financier et gestionnaire.

Le casse-tête de la mesure de la performance

La prise en compte des indicateurs environnementaux dans le pilotage de la performance montre des verrous méthodologiques des OT. Quels sont les facteurs à prendre en compte dans l’identification de nouveaux indicateurs de performance (IP) ? Divers éléments sont à considérer : les thèmes liés à la performance examinée, les résultats des activités analysées, les parties prenantes concernées, l’échelle de référence, la composante propre à l’indicateur, ainsi que la finalité d’utilisation (de moyens, de résultats, d’efficience ou de conséquences). Ces éléments visent à aboutir au « bon indicateur », à savoir mesurable, observable, contrôlable, simple, clairement défini et facile d’interprétation (Jacquet, 2011). Cependant, la complexité de ce processus réside dans la collecte et le traitement de la donnée, ainsi que dans la manière dont ces données sont utilisées par les décideurs.

Exploration d’indicateurs d’impacts

Pour reprendre la grille proposée dans la théorie du Donut (Raworth, 2018), il convient d’adapter les limites planétaires au niveau local. Appliqué au tourisme, il est question d’intégrer une notion de seuil dans les IP dans le cadre de l’utilisation de ressources naturelles. Dans ce sens, le concept de capacité de charge touristique (CCT) défini comme le nombre de touristes qu’un lieu peut recevoir sans en être durablement modifié (Coccossis et al., 2001) distingue trois types d’indicateurs. La durabilité qui donne une image globale de l’état du système, le tourisme durable, qui décrit la relation générale entre le tourisme et l’environnement (ratio touristique). Enfin, la capacité de charge touristique qui représente les impacts du développement touristique. En complément, dans une logique de causalité afin d’améliorer la compréhension de l’environnement, le modèle PER (Pression, État, Réponse) proposé par l’OCDE (2005) permet de regarder les interactions entre activités et ressources. Le modèle appréhende trois types d’indicateurs : de pression (intensités d’émission ou d’utilisation des ressources), d’état (qualité de l’environnement et quantité de ressources disponibles) et de réponse (implication de la société).

 

Soumis aux aléas climatiques, le secteur touristique engendre de manière antagoniste des pressions environnementales majeures, tout en étant dépendant de cet environnement, illustrant une tension entre vulnérabilité et impact.

Intégration des risques climatiques

Les aléas climatiques vont directement affecter les territoires touristiques (dégradations des milieux naturels, etc.) accélérés par certaines pratiques touristiques consommatrices de ressources naturelles et facteurs de pollution (Dubois, 2006). Aussi l’intégration des facteurs climatiques dans la gestion des destinations est étroitement liée aux IP. En effet, cette approche holistique offre une vision complète des interdépendances entre activités touristiques, ressources naturelles et impacts potentiels sur la performance globale du secteur. Il convient donc de lister les aléas pouvant impacter le tourisme (CGDD, 2011). Ces derniers sont à considérer au regard des spécificités des territoires et en fonction de facteurs conjoncturels. Aussi l’analyse des vulnérabilités passe par plusieurs étapes : caractérisation territoriale (atout, faiblesse, menace, opportunité), enjeux écologiques et naturels (intégrant la gravité et probabilité d’occurrence des aléas) (Farmer, 1967). Il convient enfin d’étudier le poids économique et environnemental des activités touristiques afin de distinguer les interactions entre pratiques touristiques et consommation des ressources. La finalité réside dans une synthèse des risques et de leurs impacts par activités touristiques (ex. conflits d’usage) permettant d’anticiper, d’atténuer et d’adapter le secteur aux défis environnementaux liés au climat.

 

Bibliographie

Coccossis, H., Mexa, A., Collovini, A., Parpairis, A., Architecte, Konstandoglou, M. (2001). Définir, mesurer et évaluer la capacité de charge dans les destinations touristiques européennes. Rapport Final. Laboratoire de Planification Environnementale, Laboratoire de l’Université de l’Égée, Grèce.

Commissariat général au développement durable (2011) Guide d’accompagnement des territoires pour l’analyse de leur vulnérabilité socio-économique au changement climatique, Études & Documents.

Delaplace, M., Kadri, B., Levet-Labry, E., Safaa, L. (2018) Risques, résilience et pérennité des destinations touristiques : une introduction, Études caribéennes.

Jacquet, S. (2011). Management de la performance des concepts aux outils. Centre de Ressources en Économie Gestion.

Haut Conseil pour le Climat (HCC), 2021, Renforcer l’atténuation, engager l’adaptation.

Organisation de coopération et de développement économique (1993). Monographies sur l’environnement n°83. Corps central d’indicateurs de l’OCDE pour les examens des performances environnementales. Rapport de synthèse du groupe sur l’Etat de l’Environnement.

Raworth, K. (2018). La théorie du donut. L’économie de demain en 7 principes, Paris, Plon.

 

Cet article a été publié sur le Finance&Gestion 407.

 

Conseil : développer des indicateurs de capacité de charge touristique
  • Niveau de stress hydrique saisonnier
  • Seuil de performance énergétique touristique
  • Perte de la biodiversité due au tourisme
  • Pic de pollution impactant l’attractivité
  • Empreinte carbone de la destination.
Points à retenir
  • Secteur dépendant de la nature et vulnérable au changement climatique
  • Vision imparfaite de la performance tournée vers l’économie
  • Identifier un seuil d’intensité environnementale pour fixer un cap au OT
  • Intégrer les risques et aléas pour plus de résilience.