Interview : Yvon Farnoux (YF) – Séverin Henry (SH)

 

YF : Bonjour Séverin Henry, tout d’abord félicitations pour cette récompense. Quel a été votre premier sentiment lors de la remise de ce prix, avec un peu de recul ?

SH : Mon premier sentiment a été un sentiment de fierté pour la reconnaissance d’un travail intense. En effet, cela a été un travail extrêmement intense pour mon équipe et moi-même. J’étais heureux de voir que tout ce travail est bien reconnu et récompensé par des pairs, par plus que des pairs, par des gens qui montrent la voie. Le fait d’avoir cette reconnaissance venant d’un groupe de directeurs financiers d’envergure ayant eux-mêmes gagné le prix, rend la récompense encore plus belle et donne encore plus de fierté.

 

YF : Selon vous, qu’est-ce qui a fait basculer le jury en votre faveur ? Vous sembliez très surpris lors de la remise des prix !

SH : C’est vrai que j’ai été surpris lors de la remise du trophée car très honnêtement je pense être quelqu’un d’assez humble par nature, et cela c’est un peu ressenti lors de la présentation. Je suis quelqu’un qui n’aime pas trop être dans la lumière. Cette humilité couplée avec l’aspect très collectif que j’essaie d’apporter dans mon management, dans la façon dont je travaille avec mon équipe, de mettre les autres en avant, de faire grandir les autres, de les pousser vers le haut, d’essayer d’en tirer le meilleur de chacun d’entre eux et de les reconnaitre pour leur travail, j’ai l’impression que c’est cela qui a pu jouer en ma faveur.

 

YF : Est-ce que l’aspect Fintech, votre secteur d’activité a aussi influencé le jury ?

SH : Le secteur d’activité, je ne sais pas car mon concurrent aussi chez Ledger faisait partie de la Fintech.

Ce qui a joué aussi est le fait d’être un projet très complet qui touche à énormément d’aspects du métier de directeur financier, notamment l’accès au financement, la croissance externe, la mise en place d’outils, le recrutement des équipes, le management ; c’est un tout qui reflète bien l’intensité des douze derniers mois passés avec l’équipe plutôt que l’aspect Fintech. D’autant plus qu’en 2022 les Fintechs ont connu un retournement de marché, des dévalorisations dans les entreprises « tech » qui ont beaucoup perdu. C’est un peu moins à la mode qu’il y a un an.

 

YF : Quelle a été la réaction de vos équipes ?

SH : Ils étaient très heureux et très fiers de voir leur travail récompensé. Fiers de voir que l’on parle de nous au sein de l’entreprise. En fait, il y a peu de façon de mettre en valeur les équipes finance. Dans une entreprise, ce sont souvent des équipes qui sont peu mis en avant bien qu’elles portent des projets qui sont évidemment essentiels à l’entreprise mais beaucoup moins visibles que les équipes « sales », business ou marketing. Cependant, de voir que par le biais de leur leader, leur équipe a été reconnue en interne et aussi en externe, cela leur a mis beaucoup de baume au cœur et leur donne de la motivation. Ils se rendent compte que ce que l’on construit ensemble, c’est quelque chose de grand, d’impactant, cela les motive beaucoup.

 

YF : Votre équipe a-t-elle été associée à votre participation au prix ?

SH : Je ne l’ai pas impliquée pour deux raisons :

  • La première, c’est que l’entreprise est en phase de croissance et que l’on a énormément de charge de travail, de projets différents et j’essaie de faire attention de ne pas leur rajouter du travail qui peut être perçu comme ne pas être utile à 100 % pour eux. J’essaie donc de les protéger de cela.
  • La deuxième raison – je ne sais pas si c’est un bon réflexe – c’est un prix qui peut être perçu comme un prix individuel et je n’avais pas envie que mon équipe se sente utilisée à mes fins personnelles. C’est une récompense individuelle issue d’un travail collectif, comme en sport collectif, un peu comme un ballon d’or sans équipe, cela ne sert à rien. J’ai préféré leur rendre hommage, les féliciter publiquement pour leur travail plutôt que de les impliquer dans la préparation d’un travail qui me met en valeur, aussi par humilité comme expliqué précédemment.

 

YF : Avez-vous une anecdote à nous relater lors de l’entretien avec le jury ? Sinon, y-a-t-il eu une question qui vous a déstabilisé ?

SH : Je suis arrivé très stressé, en plus la technique ne marchait pas, donc j’ai eu un début catastrophique. Je pense que cela s’est ressenti et le jury a vu que je n’étais pas tout à fait à l’aise. Ensuite, cela s’est très bien passé. En fait ce que j’ai trouvé incroyable, c’est que j’ai eu six questions à la fin extrêmement pertinentes et profondes. Il est agréable d’être au milieu de personnes qui comprennent ce que l’on veut dire. Par exemple, j’en ai retenu une : « Comment est-ce que l’on se positionne en tant que directeur financier dans l’entreprise lorsque l’on a des fondateurs importants avec des investisseurs de tous les pays, des fondateurs qui ont créé cette relation depuis le début ? ». C’est une question que je trouve très pertinente. Je trouve que le jury a été très bienveillant, j’ai passé un très bon moment. Je m’attendais à me faire griller. Et en fait pas du tout : j’ai passé un agréable moment. De ce fait, je serai heureux l’année prochaine de participer à la sélection des candidats et de faire partie du jury.

 

YF : Pouvez-vous nous décrire en quelques mots les points significatifs de votre projet ?

SH : C’est un projet sur trois axes.

  • Donner à Qonto la puissance financière nécessaire à son développement.
  • Mettre en place la structure, les outils, l’équipe qui permettent de répondre aux besoins de l’hypercroissance.
  • Accélérer le développement de l’entreprise via la croissance externe.

Le succès de ce projet se mesure d’abord par son impact, une levée de fonds record de 486 MEUR avec des investisseurs internationaux de premier plan. Ensuite, une direction financière qui est passée de 8 à 25 personnes en un an et qui s’est dotée d’outils, de processus, de structure, de cadre qui nous permettent d’être beaucoup plus efficaces. Puis, une opération de croissance externe d’envergure assez significative qui nous permet de quadrupler notre présence sur le marché allemand. Ça, c’est vraiment l’impact chiffré du projet. Et au fond, ce qui le rend très fort, c’est un projet extrêmement complet avec des aspects métiers très techniques mais aussi des aspects humains et managériaux. Ce résultat collectif n’a été obtenu que grâce à la collaboration entre les équipes et à la coordination que nous avons pu avoir pour avancer sur autant de fronts à la fois, en effectif réduit et en croissance, et arriver à ce résultat. C’est un projet qui a duré un an, de septembre 2021 à septembre 2022.

 

YF : Avez-vous rencontré des difficultés ou avez-vous surmonté des obstacles durant ce projet ?

SH : En ce qui concerne le financement : nous l’avions très bien préparé et nous n’avons donc pas rencontré de difficulté particulière. Si on a une leçon ou une difficulté à retenir, c’est que lorsque l’on fait autant de choses à la fois dans un temps aussi court et que l’on a des équipes sous tension, on rencontre des difficultés managériales. Est-ce que l’on a les bonnes personnes au bon endroit au bon moment pour nous aider ? On a tendance à étoffer l’équipe car on n’a pas le temps de les aider à se développer. Dans la deuxième partie du projet, on a réussi à les accompagner, à aider les collaborateurs à prendre une nouvelle envergure. Le plus difficile n’était pas dans la réalisation des tâches mais plutôt dans leur coordination.

On a la chance de faire partie d’une très belle aventure entrepreneuriale et également d’avoir une marque employeur assez forte dans l’écosystème dans lequel on évolue ; cela nous permet d’avoir accès à un vivier de talents très important. Cela ne suffit pas, il faut bien intégrer également afin que le collaborateur sache ce qu’il a à faire. On a mis en place un programme onboarding dès le premier mois pour bien intégrer le collaborateur.

 

YF : Quelle a été votre principale motivation pour participer à ce Prix ?

SH : Ma première motivation était de mettre en lumière le travail de l’équipe finance. Ma deuxième motivation est que cela a été un bon moyen pour moi de prendre du recul sur ce que l’on a fait car on avait été jusque-là à cent à l’heure ! Cela m’a donné la possibilité de m’arrêter et de faire un retour sur image sur ce que l’on a fait, comment on l’a accompli, pourquoi cela a marché et de prévoir la suite. D’un point de vue personnel, cela m’a permis de me confronter à un exercice nouveau, de prendre la parole en public. En effet, dans mon rôle de DAF, je serai amené à prendre la parole devant des investisseurs et des actionnaires. C’est un bon exercice de structurer sa pensée, de présenter son projet et d’essayer d’être convaincant. Et enfin, c’est une bonne opportunité d’élargir son réseau. C’est très enrichissant.

 

YF : Quels conseils donneriez-vous à un Directeur financier qui voudrait postuler au Prix du Jeune Financier de l’année ?

SH : Je leur conseillerais de ne pas hésiter à se lancer. J’ai un peu hésité à me lancer, j’ai eu un peu peur, compte tenu de l’investissement que cela demandait. Préparer ses dossiers et structurer ses idées demande beaucoup de travail, et on est très pris. C’est un investissement conséquent qui permet de faire le point sur ce qui a été accompli et de faire un arrêt sur image. C’est un moyen de se remettre en question et de rencontrer beaucoup de monde, d’enrichir son réseau. Et dans une carrière le réseau est important car il permet de créer des opportunités. Si on la chance de gagner, c’est très gratifiant. Même sans gagner, être finalistes, c’est gratifiant pour les équipe ! Il y a certes un investissement en temps mais il n’y a pas de gain sans effort. Sur l’aspect technique, il faut bien préparer son pitch et être transparent, naturel, et parfois montrer sa vulnérabilité.

 

YF : Quels sont vos prochains challenges ? Quelles sont les nouveaux défis pour Qonto ?

SH : En 2023, notre défi est de devenir rentable dans un contexte économique et une conjoncture un peu moins favorables. Cela signifie ajuster notre modèle d’hypercroissance à l’environnement actuel. Investir un peu moins sur la croissance, faire un peu plus attention aux marges et à notre trajectoire de croissance.

Notre objectif numéro un est de faire de Qonto une entreprise financièrement indépendante. Une licorne, c’est souvent une entreprise non rentable qui a besoin de fonds pour se développer très vite car elle n’est pas capable de s’autofinancer. Notre défi c’est également d’améliorer nos prévisions et notre précision afin de faire face à l’incertitude économique. C’est aussi d’avoir des outils qui nous permettent d’être beaucoup plus réactifs et plus flexibles sur la façon dont on pilote l’entreprise et son activité.

 

YF : Quelle est l’œuvre artistique, cinématographique ou littéraire qui reflète le mieux votre état d’esprit du moment ? Et pourquoi ?

SH : La lecture du moment qui ne reflète pas mon état d’esprit permanent mais qui m’a fait réfléchir et qui m’a énormément interpellé est Le monde sans fin de Jean-Marc Jancovici. Cette lecture m’a fait prendre conscience de la situation dans laquelle se trouve la planète, le climat, et le besoin d’action. Cela m’a ouvert les yeux sur un sujet sur lequel je n’ai jamais été sceptique mais sur lequel évidemment on entend des choses et d’autres. C’est très clair, c’est très factuel. En tout cas, le constat qu’il fait ne prête pas à discussion. C’est très détaillé et argumenté. Ensuite, c’est à chacun de faire sa propre idée. Dans ma vie personnelle, cela me fait réfléchir sur notre mode de consommation. Chez Qonto  nous sommes aussi en pleine réflexion sur ce sujet. C’est le moment de prendre notre part de responsabilité. Dans les start-ups et scale-ups on est généralement en retard sur ses sujets sociétaux. Cela devient des drivers essentiels dans le monde du business.

 

YF : Merci beaucoup pour cette interview.

SH : Merci à vous également.

 

 

Bio synthétique de Séverin Henry

Séverin a une expertise de finance internationale. Il a fait ses armes en M&A chez BNP Paribas de 2010 à 2014 et Danone de 2014 à 2017, avant de rejoindre Uber comme Head of Finance EMEA de 2017 à 2021. Aujourd’hui, il est VP Finance de Qonto depuis juin 2021.

Séverin est diplômé de HEC d’où il a obtenu un Master en Management International en 2010.

 

Présentation synthétique de Qonto

Qonto est une entreprise française de services financiers destinée aux entrepreneurs et petites entreprises. L’entreprise a lancé son service en France en juillet 2017 et s’est étendue en Espagne, en Allemagne et en Italie en 2019. Elle est exploitée par la société Olinda.

Qonto est la première solution européenne de financement des entreprises. Il simplifie tout, des opérations bancaires et financières quotidiennes à la comptabilité et à la gestion des dépenses. Qonto dynamise les PME et les indépendants pour qu’ils puissent aller plus loin.

 

Quelques chiffres sur Qonto :

  • Alexandre Prot et Steve Anavi ont créé Qonto en juillet 2017.
  • 500+ Qontoers satisfaits. (et nous en embauchons plus !)
  • 220 000+ entreprises utilisent Qonto.
  • 622 M€ levés auprès de VCs et business angels dont Valar, Alven, la Banque Européenne d’Investissement, Tencent, DST Global, Tiger Global, TCV, Alkeon, Eurazeo, KKR, Insight Partners, Exor Seeds et Gaingels.
  • Référencé au French Tech #Next40, regroupant les jeunes entreprises les plus prometteuses de la French Tech.
  • 1er compte B2B de gestion financière à obtenir une licence d’Établissement de Paiement.

 

Projet

Qonto simplifie le quotidien bancaire d’une entreprise, le financement, la facturation, la comptabilité, la gestion des dépenses des PME et des indépendants.

Axe du projet : Comment la direction financière de Qonto a joué un rôle de vecteur stratégique dans le développement d’une société en phase d’hyper croissance.

Le projet a été structuré autour de trois axes :

  • Donner à Qonto le moyen de financer son développement.
  • Structurer la direction financière pour faire face aux défis et aux besoins de l’hyper croissance.
  • Accélérer le développement de l’entreprise via la croissance externe.

 

Impact décisif sur le développement de Qonto de la façon suivante :

  • Leveé de fonds en janvier de 486 MEUR avec des investisseurs étrangers de premier plan.
  • Structuration de l’équipe de 8 à 25 collaborateurs en 12 mois, mise en place d’outils et de processus qui ont permis de gagner en efficacité opérationnelle et en puissance de décision.
  • Acquisition au mois de juillet dernier du principal concurrent en Allemagne Penta, permettant de renforcer son positionnement de leadership sur le marché Allemand et multiplier par cinq la base de clients en Allemagne. 

 

Points à retenir
  • Le fait d’avoir cette reconnaissance venant d’un groupe de directeurs financiers d’envergure ayant eux-mêmes gagné le prix rend la récompense encore plus belle et donne encore plus de fierté.
  • C’est un projet très complet qui touche à énormément d’aspects du métier de directeur financier.
  • Le succès de ce projet se mesure d’abord par son impact, une levée de fonds record de 486 MEUR avec des investisseurs internationaux de premier plan.
  • Participer à ce prix est un investissement conséquent qui permet de faire le point sur ce qui a été accompli et de faire un arrêt sur image.
  • En 2023, notre défi est de devenir rentable dans un contexte économique et une conjoncture un peu moins favorables.
  • Notre objectif numéro un est de faire de Qonto une entreprise financièrement indépendante.

 

Pour aller plus loin

Les finalistes 2022 du Prix du Jeune Financier de l’année :

  • Séverin Henry, VP Finance, Qonto
  • Quentin Ricomard, VP Finance Ledger.