Une disposition de la Loi Macron est passée inaperçue. L’immense majorité des dirigeants d’entreprise peut enfin décider à qui ils ouvrent leurs comptes.

 Depuis 2014 on le sait, les TPE (les entreprises qui ne dépassent pas 2 des 3 critères d’un chiffre d’affaires de 700K€, un total de bilan de 350K€ et 10 salariés) peuvent protéger la confidentialité de leurs comptes : concrètement, en déposant au greffe du Tribunal de commerce, il leur suffit de demander à ce qu’ils ne soient pas publiés. Beaucoup de membres de la DFCG ont des filiales TPE. Mais le million d’entreprises au-dessus de ces seuils restaient soumises à l’obligation de publicité.

 

La loi Macron relève les seuils et complique les règles (pourquoi faire simple !) : c’est désormais 800.000 entreprises supplémentaires qui peuvent décider plus librement de leur communication financière : toutes celles qui ne dépassent pas 2 des 3 critères suivants : un chiffre d’affaires de 8M€, un total de bilan de 4 M€ et 50 salariés. « Plus librement » mais pas librement : la loi prévoit que vous pouvez protéger la confidentialité de votre compte de résultat mais pas de votre compte de bilan (sur le même sujet).

 

C’est une bonne décision, dont il faudra un jour remonter à nouveau les seuils : un dirigeant d’entreprise qui ne fait pas appel public à l’épargne n’a aucune raison de rendre publics tous ses comptes à des concurrents ou des acheteurs puissants traquant le moindre élément de marge. On se rapproche de la philosophie américaine de protection de la confidentialité des affaires : une philosophie logique pour les entreprises qui ne sont pas assez grosses pour créer un risque collectif en cas de difficultés.

 

Est-ce que la loi s’applique aux comptes de 2015 ? Là également, pourquoi faire simple ! La confidentialité s’appliquera aux exercices clos à partir du 31 décembre 2015 …déposés après le 5 août 2016 : seules donc les entreprises qui déposent leurs comptes par voie électronique pourront bénéficier des nouvelles règles grâce au délai supplémentaire de 2 mois à compter de la date légale butoir du 31 juillet dont elles bénéficient.

 

La plupart des membres de la DFCG appartiennent à la troisième tranche des entreprises qui dépassent 2 ou 3 des seuils de 8M€ de CA, de 4M€ de bilan ou de 50 salariés. Pour elles, non seulement elles ne peuvent toujours pas empêcher la publicité de leurs comptes, mais attention ! Il semble que le dépôt obligatoire des comptes (qu’un bon tiers des dirigeants d’entreprises ne respectait pas pour éviter justement la publicité), soit désormais beaucoup plus strictement contrôlé (et sanctionné). À suivre !

 

À suivre également, l’évolution du credit management ‘à la française’ face à ces nouvelles règles. Se rapprochera-t-il du modèle américain ? (à savoir : Je me concentre sur l’expérience de paiement suivie au jour le jour par les agences d’information, j’expédie par quantités croissantes et j’arrête dès qu’il y un pépin). Ou gardera-t-il son tropisme comptable ? Auquel cas, le dirigeant d’entreprise qui refuse la publicité devra intégrer que l’information publique disponible sur son entreprise sera plus pauvre et donc ses partenaires plus intéressés à avoir des informations venant directement de lui. À lui de trouver une façon confidentielle et simple de mettre l’information nécessaire à la disposition de ses partenaires.

 

 Jérôme Cazes est créateur de MyCercle, des plateformes permettant aux dirigeants de partager confidentiellement des informations. Il a longtemps dirigé le groupe Coface.