Tandis que les normes comptables IFRS n’ont pas traversé la crise financière sans essuyer quelques dommages, le projet d’étendre leur champ d’application aux PME poursuit son cours. C’est le but poursuivi par le projet « IFRS pour PME », lancé en 2003 par le board IAS à Londres. Un projet de norme est paru en juillet 2009 et la Commission européenne appelle les commentaires des pays membres. A noter que la réglementation française permettrait aujourd’hui son adoption pour les comptes consolidés de toute entreprise qui le voudrait, mais l’interdirait pour les comptes sociaux.

Le 2 mars dernier s’est tenue à Paris une conférence sur ce projet organisée par la DFCG en partenariat avec PricewaterhouseCoopers. A travers les échanges et témoignages des intervenants, issus du monde de l’entreprise et de l’université, s’est dégagé un certain consensus : ne pas multiplier les référentiels (Plan comptable français ou PCG, IFRS complètes, IFRS pour PME) et sur la nécessité d’une gouvernance claire et admise de tous chez le normalisateur.

La DFCG formule depuis longtemps une proposition simple : offrir la possibilité à toute société française d’abandonner le PCG, dès lors qu’elle fait partie d’un groupe consolidant en IFRS, et de faire ainsi l’économie d’un jeu de comptes. Cette solution simplifie la vie des comptables et rapproche la comptabilité du contrôle de gestion par l’adoption d’une langue comptable unique dans le groupe. Elle évite que les comptables et directeurs financiers locaux, si on les empêche de « parler IFRS », ne soient coupés de la direction financière groupe. Elle accroît enfin la sécurité et réduit les coûts de la confection des comptes.

Faut-il pour autant étendre à toute entreprise faisant le choix d’IFRS l’exonération du PCG pour ses comptes individuels ? C’est moins aisé, compte tenu de la complexité et du coût de la bascule vers le plein champ de ces normes.

Dans ce sens, la venue d’IFRS pour PME est plutôt une bonne nouvelle. Ces normes progressent sur un nombre important de sujets. Elles offrent des solutions adaptées à la réalité des affaires et d’ailleurs déjà recommandées en France pour les comptes consolidés. Elles peuvent être pour les entreprises une marche vers les IFRS complètes. En retour, sachant le bon sens dont elles font preuve en général, elles peuvent inciter le normalisateur à plus de simplicité pour les IFRS complètes… qui en ont bien besoin. Il n’est donc pas illégitime, dans un pays de haute tradition comptable comme la France, d’ouvrir le débat : sachant la venue de IFRS pour PME, peut-on autoriser les entreprises françaises qui le souhaitent à s’exonérer de faire leurs comptes sociaux en normes françaises ?

Il faut prendre conscience qu’une telle option changerait en profondeur les pratiques comptables des PME… comme ce fut le cas pour les grandes entreprises cotées en 2005. Certains principes (juste valeur – bien que très limitée dans le projet présenté -, primat de la substance sur la forme et actualisation) représentent une rupture dans l’exercice de la comptabilité. Ceci ne pourra concerner donc que les PME déjà importantes et averties, souhaitant afficher leur capacité à être aux meilleurs standards comptables. Une telle décision devra avoir la pleine adhésion de la profession des auditeurs et des commissaires aux comptes, si précieuse dans son soutien technique aux entreprises et qui l’a montré pour les groupes cotés lors du passage à IFRS en 2005.

On entend immédiatement l’objection technique qu’une telle option romprait la « connexion », très forte en France, entre comptabilité d’une part et l’impôt et le droit des sociétés de l’autre. On fait référence ici au fait par exemple que l’impôt sur les sociétés repose largement sur des agrégats issus de la comptabilité, selon une pratique qu’il serait difficile de remettre en cause. Des solutions ont été évoquées lors de la conférence : des tableaux de passage mises à jour (ils le sont de toute façon sachant les trop fréquentes modifications des lois fiscales !) ; voire une modification en dur du passage du résultat comptable au résultat fiscal en créant une classe comptable spécifique pour cet ajustement fiscal. C’est avec cette même logique que pourrait être géré le passage entre les chiffres IFRS pour PME et les indicateurs comptables retenus par le droit des sociétés ou par les contrats privés de financement.

Le débat a une dimension technique complexe. Mais pour autant, il ne doit pas être figé dans des positions acquises une fois pour toute. Entre les deux extrêmes de l’immobilisme et du changement trop hâtif, la vérité est à sa place habituelle.