La désindustrialisation de la France, 1995-2015, Nicolas Dufourcq, Odile Jacob, 394 pages.

L’introduction du livre résume son objet : « La désindustrialisation est un moment majeur de l’histoire de la France, et pourtant, elle est couverte d’un halo de mystère ». Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIfrance, a interrogé 47 chefs d’entreprises (comme Plactic Omnium, Tournus, Essilor) et anciens ministres (comme Renaud Dutreil, Jean-Pierre Chevènement…) et, afin d’expliquer quand, pourquoi et comment l’économie française s’est désindustrialisée plus rapidement que les autres pays de l’Union européenne. La valeur ajoutée industrielle ne représente plus que 11 % du PIB et 2,7 millions d’emplois en France, contre 25 % du PIB et 7,5 millions d’emplois en Allemagne. Le repli industriel français a été amorcé au cours des années 1970, puis s‘est accéléré entre 1995 et 2015, pour ensuite se stabiliser.

Les causes du « désastre industriel » sont multiples et complexes. Certaines sont bien connues : le choc de la concurrence après l’ouverture des marchés, l’imposition de la semaine des 35 heures, l’alourdissement des impôts (notamment de production et de transmission) et des charges sociales, l’inflation réglementaire, la surtransposition des normes européennes la complexité du droit du travail, la rigidité des partenaires sociaux… Mais certaines raisons sont moins invoquées : les échecs successifs des plans de relance de l’industrie, la désintégration de certaines filières et la formation de friches industrielles sous l’effet des délocalisations imposées aux sous traitants par les grands groupes issus des « 30 glorieuses », l’insuffisance de veille stratégique et de protection de la propriété industrielle, le désintérêt des jeunes générations pour les métiers techniques au profit des emplois publics puis des services internet, la fascination des français pour le « mythe post-industriel » et le monde sans usine (fabless) …

L’auteur présente les actions menées par sa banque auprès des PME-PMI, puis il formule des propositions concrètes en faveur de la réindustrialisation de la France. Il estime que la relocalisation des usines implantées à l’étranger sera limitée, et que le renouveau de la French fab sera possible grâce à des synergies avec la French tech et les start’up industrielles, afin de stimuler la recherche appliquée, la montée en gamme et la robotisation des processus. La relance industrielle repose également sur des allègements fiscaux en faveur des PME, sur une simplification des règlements (notamment du droit du travail) des normes et des contrôles, ainsi que sur des relations sociales plus apaisées et une revalorisation de l’enseignement technique. La plupart des interlocuteurs de Nicolas Dufourcq reconnaissent les progrès accomplis depuis 2015, mais ils considèrent que le redressement sera encore long et difficile.

 

Digital4Climate, study about the contribution of digital technologies to reduce carbone mission in Belgium. Accenture et Agoria, avril 2022, 88 pages

L’étude Digital4Climate réalisée par le cabinet Accenture pour l’association belge des entreprises de hautes technologies (Agoria)[1] répond à un questionnement particulièrement actuel , car elle s’efforce de mesurer le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), engendré par les technologies numériques dans les principaux secteurs d’activité belges. Cette étude répond à l’objectif Fit for 55 du « Pacte vert pour l’Europe », qui vise à diminuer de 55 % l’empreinte carbone au sein de l’Union.

L’étude identifie les principales technologies basées sur l’intelligence artificielle et l’internet qui devraient permettre de réduire d’en moyenne 10 % les émissions de carbone dans quatre secteurs clés de l’économie. Dans le secteur industriel, le potentiel de réduction est estimé de 10 à 12 %, grâce notamment aux avancées du machine learning, de la simulation des processus (jumeaux numériques ou digital twins), de l’internet des objets (IoT) et de la cobotique (collaboration homme-robot). Dans le secteur du BTP, le plus émetteur de GES, l’économie serait de 8 % à 10 %, sous l’effet des progrès de la construction assistée (Building Management System ou BMS) et de la modélisation des « bâtiments intelligents » (Building Information Modeling ou BIM). Dans le secteur de l’énergie, la réduction serait plus significative (12 à 15 %), grâce aux technologies permettant d’optimiser la transition énergétique et l’utilisation des « énergies vertes ». Dans les secteurs de la mobilité et de la logistique, les émissions pourraient baisser de 10 % à 14 %, par des systèmes de gestion du « trafic intelligent » et d’optimisation des chaînes logistiques (supply chains), ainsi que par le développement des véhicules autonomes (trains, camions, navires, drones). Une quinzaine de technologies numériques et une vingtaine de bonnes pratiques associées devraient permettre de réaliser près d’un tiers des économies de carbone attendues dans le cadre du Ft for 55.

Les chercheurs d’Accenture considèrent que des économies significatives ne pourront être obtenues sans une coordination par l’Etat (aides à l’investissement, recherche publique) et les associations professionnelles (normalisation des systèmes), des actions engagées par les groupes de l’IA et de l’internet, ainsi que par les ETI-PME et les startups industrielles.

 

Les résultats de cette étude sont transposables aux économies de tous les pays européens et notamment à celle de la France. Ils devraient notamment orienter les actions en faveur de la réindustrialisation du pays, et notamment, la programmation des transitions énergétique et numérique qui constituent une des priorités du nouveau gouvernement.

 

[1] Digital4Climate, study about the contribution of digital technologies to reduce carbone mission in Belgium, Accenture et Agoria, avril 2022, 88 pages.