Le retour aux fondamentaux

Trois ouvrages marquent un certain retour aux fondamentaux de l’économie moderne.

 

Mokyr J, La culture de la croissance,  Les origines de l’économie moderne

Eds Gallimard, 568 pages

La lecture du dernier livre de J.Mokyr est recommandée en ces temps de crise. Il s’interroge sur les origines de la culture de croissance qui anime la société occidentale et sur les entrepreneurs de croissance qui ont marqué son histoire. Il relativise l’importance des facteurs traditionnellement invoqués – le charbon anglais, la culture protestante, les   institutions démocratiques –  pour expliquer l’avènement de la société industrielle. Il attribue cette expansion à l’éclosion des savoirs utiles comme moteurs de progrès technique. « La culture technique partagée a changé les attitudes envers le monde naturel, considéré comme domesticable afin de servir l’intérêt matériel de l’humanité ». L’auteur rappelle les apports des principaux entrepreneurs culturels qui ont marqué l’histoire : Galilée, Bacon, Newton, les philosophes du siècle des Lumières…  Il montre que ces penseurs de la République des Lettres échangeaient leurs idées grâce à leurs livres et leurs lettres et que cette confrontation a permis l’émergence de nouvelles visions du monde réel. C’est la diversité des cultures européennes qui a le plus contribué, au fil des siècles, aux plus grandes avancées scientifiques et techniques. C’est pourquoi il attribue la « stagnation séculaire » actuelle à l’universalisation de la culture contemporaine.

Joel Mokyr est un historien économique américano-israélien né aux Pays-Bas. Il est professeur d’économie et d’histoire à la Northwestern University.

 

Brunel S, Pourquoi les paysans vont sauver le monde ?

Eds Buchet Chastel, 259 pages

L’auteure rappelle certains fondamentaux oubliés dans le débat public. « Les terres cultivées n’occupent que 12 % des terres émergées libres de glaces et seulement 2 % de ces terres sont cultivées intensivement ». Pour produire les 3,5 milliards de tonnes de céréales nécessaires aux 10 milliards d’humains des années 2050, « il faudra augmenter la productivité de 14 % par décennie ».  La faim n’a pas disparu : « Près d’un milliard de personnes en souffrent toujours dans le monde. Et en France, 9 millions de pauvres n’ont pas les moyens de faire trois repas corrects par jour»… L’auteure dénonce ceux qui stigmatisent l’agriculture française –  la « plus performante du monde » – pour promouvoir une filière bio coûteuse en aides publiques, exigeante en main-d’œuvre introuvable et « produisant des denrées qui n’ont pas encore démontré qu’ils sont meilleurs pour la santé »… Elle soutient que le bio a sa place dans les campagnes, mais seulement pour valoriser de petites surfaces.  Elle pose des questions dérangeantes : pourquoi opposer les modèles ? Quels sont les limites des circuits courts ? Quels sont les avantages alimentaires du bio ? Comment prévenir le retour de contaminations ou de pénuries ? Comment mieux protéger les sols, la biodiversité, l’eau ? Dénonçant l’agribashing, elle plaide pour une agriculture diverse, responsable et surtout, productive.

Sylvie Brunel est géographe après avoir milité dans l’ONG Action contre la faim. 

 

Heisbourg F., Le temps des prédateurs, la Chine, Les Etats Unis, La Russie et nous

Eds O.Jacob, 242 pages

L’auteur s’interroge sur les risques de « tiers-mondialisation » de l’Europe. Il retrace l’histoire (depuis 1793 !) des forces et des faiblesses respectives des Etats Unis, de la Rssie, de la Chine et de l’Union européenne. Il constate qu’en deux siècles, la hiérarchie des puissances s’est inversée. Il déplore le déclin inexorable du vieux continent, marqué par quatre guerres et de profonds désaccords entre certaines nations. Il observe que la puissance stratégique d’un Etat-nation est désormais fondée sur sa capacité d’innovation technologique. Il compare les avantages et les inconvénients respectifs des alliances de l’Europe avec la Chine, la Russie et les Etats Unis. Il conclut que si les prochaines élections portent à la présidence des Etats Unis un leader respectueux des institutions et des conventions internationales, ces derniers constitueraient le partenaire le plus naturel de l’Union européenne. L’essai de F.Hesbourg délivre une savante leçon de diplomatie internationale mais laisse entrevoir de sombres perspectives européennes.

F.Hesbourg est conseiller spécial à la fondation pour la recherche stratégique.

 

 

Les dernières publications managériales

La littérature portant sur la gouvernance et le management des entreprises est marquée en 2020 par plusieurs ouvrages originaux.

 

Lorino Philippe, Pragmatisme et étude des organisations

Eds Economica, 356 pages

Le livre démontre la pertinence du pragmatisme pour l’étude des organisations et de leur management, à l’ère de l’intelligence artificielle et du big data. La pensée sur les organisations, de nature académique ou managériale, se partage en deux courants. D’une part, la vision dominante, qui relève du rationalisme cognitiviste, conçoit l’organisation comme une structure logique de traitement de l’information et de la décision, fondée sur des représentations rationnelles de l’action collective. D’autre part, de nouveaux courants de recherche montrent, depuis les années 1990, que cette approche rationaliste sous-estime la nature complexe, mouvante et incertaine des phénomènes organisationnels. Les approches pragmatiques de ces phénomènes   reposent sur une critique radicale des dualismes qui détournent les recherches sur l’organisation : pensée / action, représentation / réalité, conception / utilisation, décision / exécution, valeur / fait, fins / moyens etc… Le pragmatisme souligne l’importance de l’expérience vivante et propose une vision processuelle et relationnelle de l’organisation, vue comme « processus organisant » ou « organizing », à la fois incertain et en mouvement, afin d’établir une compréhension collective et opérationnelle des situations rencontrées. Le livre présente les principaux concepts « pragmatistes » (médiation sémiotique, habitude, enquête, transaction, abduction, valuation) et les illustre à travers des exemples concrets inspirés de l’expérience managériale de l’auteur.

L’auteur (X-Mines) est professeur émérite à l’ESSEC.

 

Sibony Olivier, Vous allez redécouvrir le management, 40 clés scientifiques pour prendre de meilleures décisions

Eds Flammarion, 304 pages

L’auteur s’interroge, comme tous les enseignants-chercheurs de la discipline, sur le statut des « sciences de gestion : le management est-il un art ou une science ? La direction des entreprises repose sur une rationalité limitée, sur le bon sens, sur le jugement et sur l’expérience, plus que sur une rationalité substantive, sur des logiques scientifiques et sur des protocoles   méthodologiques. Le management ne s’applique-t-il pas à des groupes sociaux intégrés dans des organisations parfois improbables et confrontés à des environnements souvent chaotiques. Suivant une approche originale, Olivier Sibony réunit ses chroniques dans la newsletter Time To Sign Off, afin d’identifier les principales erreurs commises par les managers. Il présente une quarantaine d’études de prises de décisions individuelles ou collectives, qui répondent à des situations de gestion variées et résultent de processus créatifs, intuitifs, abductifs  ou déductifs.  Ces exemples originaux sont de nature à inspirer les décideurs des organisations. Ils montrent que la pratique décisionnelle a profondément évolué depuis les année 2000. 

Olivier Sibony assure des enseignements de « Corporate Strategy » au sein des programmes de MBA et d’Executive MBA.

 

Pluchart Jean-Jacques, Les nouveaux systèmes de pilotage des entreprises, enquête sur les mutations des métiers du chiffre et de la donnée

Eds Eska,  160 pages

Destiné à la fois aux professionnels et aux étudiants, ce livre rappelle le cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent les nouveaux modèles de pilotage des entreprises. Il souligne l’importance pour les investisseurs socialement responsables et les sociétés à raison d’être ou à mission, de disposer de systèmes intégrés d’aide à la décision et de reporting sociétal.  Par une vaste enquête réalisée avant puis pendant le confinement, l’auteur  montre tout l’intérêt d’une recherche de synergies entre les différents acteurs de la chaîne de pilotage et de contrôle des performances globales de l’entreprise.

L’enquête restituée dans ces pages fait appel à une méthodologie originale basée sur des sondages et des entretiens en profondeur. Elle compare les plans d’action, les modèles de performance, les systèmes d’information et les procédures de contrôle appliqués par les trois principaux maillons de la chaîne d’information extra-financière de l’entreprise: ses Directions (notamment financières), les développeurs des systèmes d’information, les commissaires aux comptes et les experts comptables.

Les lecteurs de cet ouvrage y trouveront des réponses à de nombreuses questions : comment définir et mesurer la performance globale d’une entreprise ? Comment construire sa batterie d’indicateurs ? Comment organiser la procédure de reporting sociétal ? Comment gérer les données extra-financières dans les entreprises « data-driven » soumises à une obligation de reporting  extra-financier ou à une initiative de reporting volontaire ? Quels sont les principaux systèmes de traitement des donnés extra-financières internes et  externes actuellement exploités dans les PME/ETI ? Comment implanter ces nouveaux outils dans les PME/ETI ? Selon quels référentiels  sont effectuées  les diligences des contrôleurs ? Quels sont ou pourraient être les apports de la digitalisation aux procédures de contrôle de l’information extra-financière ? Quels pourraient être les apports de la blockchain et des smart contracts à cette chaîne ? Quels nouveaux services les cabinets d’expertise comptable peuvent- ils apporter aux PME ?…