Extrait de« Which Parts of Globalization Matter for Catch-Up Growth ? » Ce papier a servi de base à une remarquable présentation de Paul Romer lors d’une conférence organisée par le FMI les 7 et 8 mars 2011: « Macro and Growth Policies in the Wake of the Crisis », disponible sur internet. On recommande également d’écouter l’intervention de Adair Turner, président du FSA, l’autorité de supervision financière au Royaume-Uni, lors de cette conférence : « Measures of increasing financial intensity. »

 

Pour saisir les bénéfices potentiels de la mondialisation, il nous faut une meilleure compréhension des échanges dans le domaine des « idées » et de la manière dont ils interagissent localement avec les différents systèmes réglementaires. Et pour comprendre cela, les modèles traditionnels de commerce international de biens et de services font hélas plus de mal que de bien.

 

Dans les manuels d’économie, le traitement standard des gains liés au commerce international repose sur le modèle des avantages comparatifs. Dans une version simple, ce modèle retiendra un seul facteur de production, le travail, deux pays et deux biens produits, disons la viande et les pommes de terre [et expliquera comment se font les échanges commerciaux entre les deux pays, ndlr]. Mais supposons maintenant qu’on appelle ces deux biens « une pression artérielle plus basse » et « un taux de cholestérol plus bas ». Dans le pays riche, un travailleur peut fabriquer des pilules qui génèrent 10 unités de chacun de ces « biens ». Dans le pays pauvre, qui utilise une technologie moins avancée, un travailleur peut produire des pilules qui permettent une réduction de 5 unités de pression plus basse du sang et de 3 unités de moindre cholestérol. Comme d’habitude, on peut utiliser ce cadre pour montrer comment le commerce des pilules peut améliorer le niveau de santé dans le monde par rapport à l’autarcie. [Le pays pauvre se spécialisant dans les pilules pour la pression artérielle, c’est-à-dire là où il a l’avantage comparatif le plus grand, et le pays riche dans celle pour le cholestérol, ndlr] Mais on rate ainsi l’essentiel de l’histoire. Le commerce de pilules est à l’évidence un signe d’inefficacité. Le mode efficace de commerce consiste à faire en sorte que les travailleurs du pays pauvre utilisent les mêmes formules de pilules que ceux du pays riche. Si les règles en vigueur dans ces deux pays permettent aux travailleurs du pays pauvre d’accéder sans frais aux formules, nous aurons des gains importants liés à la mondialisation et aucun commerce conventionnel de biens et services.

 

Juste pour être sûr que je ne sois pas dénoncé à la police des idées, cela ne montre pas que les restrictions au commerce sont bonnes. De même que cela ne montre pas que la propriété intellectuelle est mauvaise (ou bonne). Cela montre que nous avons besoin d’un vocabulaire plus riche, un vocabulaire qui envisage que les idées telles que les formules pharmaceutiques puissent circuler entre les frontières. Si les flux de biens et services sont les seules choses qu’on voit et qu’on décrit quand on parle de mondialisation, on va rater des forces plus profondes à l’œuvre et peut-être porter un jugement erroné. Le commerce conventionnel peut être le signe d’un niveau inefficace de transferts en matière intellectuelle.