La 4e directive (1978) et la 7e (1981) ont vécu. Depuis le 26 juin 2013, elle sont remplacées par une directive unique « relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises ». Elle devra être transposée dans le droit interne des états–membres au plus tard le 20 juillet 2015 , pour application aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

 

Objectifs et champs d’application

La nouvelle directive s’est délibérément placée dans l’optique  d’allègement des charges administratives pour les PME. Elle ne s’applique qu’aux sociétés de capitaux, dont la forme juridique pour chaque État-membre est précisée. Les formes juridiques françaises  sont la société anonyme, la société à responsabilité limitée, la société en commandite par actions et la SAS. Les commerçants en nom propre et, en principe, les sociétés de personnes ne sont pas concernées par la directive. Cependant, les sociétés de personnes dont tous les associés ne sont pas indéfiniment responsables entrent dans le champ de la directive.

Le champ d’application est donc bien plus limité que celui de Code de Commerce. La tradition française a jusqu’à présent été d’appliquer à tous les commerçants  tenus de présenter des comptes annuels les textes pris en application de la 4e directive (Loi, décret, PCG). Rien ne laisse croire que la France changera d’attitude.

Des comptes consolidés ne sont établis que si la société-mère entre dans le champ d’application de la directive. Ce périmètre est en retrait par rapport à celui de la 7e directive. Ainsi, un groupe dont la mère serait une SNC ne serait plus tenu , selon la directive , d’établir des comptes consolidés, même si les filiales sont des SA des SARL.

 

Catégories d’entreprises

La directive définit l’entité d’intérêt public  (EIP) : «  régies par le droit d’un état-membre et dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché règlementé d’un état-membre , des établissements de crédit, des entreprises d’assurance ou désignées par les états-membres comme entités d’intérêt public en raison , par exemple, de la nature de leur activité, de leur taille, ou du nombre de leurs salariés. » Un État-membre aura donc, au titre de ce dernier alinéa, une certaine discrétion pour qualifier une entité « d’intérêt public ». Les entités d’intérêt public sont soumises  aux obligations maximales.

La directive distingue en outre   4 catégories de taille : micro-entreprise, petite entreprise (ou petit groupe), moyenne entreprise(ou moyen groupe), grande entreprise (ou grand groupe), les trois premières catégories bénéficiant, au choix de l’État- membre, d’exemptions et de simplifications. ,tant pour les comptes individuels que pour les comptes consolidés. Les seuils (total du bilan , chiffre d’affaires , nombre de salariés) sont relativement élevés. La très grande majorité des entreprises seront des micro-entreprises ou des petites entreprises. Les petits groupes seront exemptés de l’obligation d’établir des comptes consolidés. Les États-membres pourront aussi exempter les moyens groupes de cette obligation.

 

Composition des états financiers individuels

Le minimum est : bilan , compte de résultat et annexe . Mais les Etats-membres pourront exiger des moyennes et grandes entreprises d’autres états financiers :tableau des flux de trésorerie , tableau de variation des capitaux propres.

Les États-membres pourront en outre exiger  un nombre limité d’informations supplémentaires, à condition que celles–ci soient exigées par la législation fiscale du pays aux seules fins de la perception de l’impôt. On peut penser par exemple en France aux provisions réglementées.

 

Principes comptables fondamentaux

Les principes comptables reprennent l’existant en y ajoutant le principe d’importance relative (jusqu’à présent absent des comptes individuels) et le principe de respect de la substance. Ce principe, extrait du nouveau cadre conceptuel de l’IASB  où il est implicitement inclus dans l’objectif de représentation fidèle, ne doit pas être confondu avec la prééminence du fond sur la forme (substance over form), puisque la forme n’est pas mentionnée en opposition à la substance ; il oblige simplement à comptabiliser « en se référant à la substance », sans faire aucune référence à la forme. Mais un État-membre pourra, s’il, le souhaite, ignorer totalement ce principe. Ce pourrait être  le cas en France. On pourrait voir aussi le principe de prééminence du fond sur la forme disparaître de notre règlement sur les comptes consolidés.

Par rapport au principe  général d’enregistrement au prix d’acquisition ou au coût de revient,  il est ouvert une option d’enregistrement à la juste valeur qui potentiellement va beaucoup plus loin que  l’utilisation qu’en font les IFRS, pouvant donc aller jusqu’à la « full fair value » absente des IFRS. Mais les États- membres auront la possibilité d’écarter totalement ou partiellement ce mode d’évaluation.

Au total, la directive introduit encore plus de diversité potentielle qu’il en existait auparavant, elle n’harmonise donc pas , au contraire. Chaque État-membre pourra faire son marché  se montrer conservateur ou plus ou moins innovateur. Babel est de retour.

 

La suppression de l’exceptionnel

S’inspirant là aussi des IFRS qui ont exclu la notion d’ « extraordinary », une présentation des charges, produits et du résultat exceptionnel est interdite. Il faudra donc trouver des solutions au niveau des sous-totaux et de la présentation du compte de résultat. Les soldes intermédiaires de gestion classiques risquent aussi d’être bousculés. Par ailleurs, la présentation  du bilan pourra se faire en liste ou en tableau et celle du compte de résultat  par nature ou par fonction.

 

Fonds de commerce et goodwill

Le fonds de commerce et son synonyme « goodwill » (écart d’acquisition) dans les comptes consolidés devront être amortis  sur leur durée d’utilisation, comme les autres immobilisations incorporelles. Toutefois , lorsque cette durée ne peut être estimée de façon fiable pour les fonds de commerce (y compris goodwills) et les frais de développement, l’État-membre pourra fixer une durée maximale , entre 5 et 10 ans. Les dispositions françaises, tant dans les comptes individuels que dans le comptes  consolidés ne sont pas conformes à ces exigences et devront donc être modifiées. Dans les comptes individuels français, le fonds de commerce peut ne pas être amorti. Le goodwill dans les comptes consolidés (Règlement 99-02) l’est  obligatoirement.

Rappelons qu’ en IFRS  le goodwill ne s’amortit pas, mais doit être amorti selon IFRS pour PME.

 

Contrôle légal

La directive pose le principe que les EIP, les grandes entreprises et les moyennes entreprises font l’objet d’un contrôle légal.  La mesure d’allègement –phare est de ne pas imposer de contrôle légal aux petites entreprises. Le texte ne va pas cependant jusqu’à interdire à un Etat-membre d’exiger ce contrôle.(considérant 43). Le contrôle légal fait par ailleurs l’objet d’autres discussions au niveau européen.

 

 

En conclusion, cette directive est un texte encore plus ouvert que les textes qu’elle remplace et constitue donc un recul potentiel  , et même inéluctable, de l’harmonisation comptable en Europe. Elle ouvre la porte à des innovations , telles la juste valeur , mais elle permet aux États-membres qui le souhaitent de réformer a minima, sans trop bousculer leur droit interne. On peut penser que la France, qui a obtenu certaines modifications par rapport au projet, fera preuve de conservatisme.

La menace la plus sérieuse, quoique non immédiate, pour la profession est l’épée de Damoclès suspendue au- dessus  du l’audit légal des petites entreprises,  qui sont très nombreuses.

 

Gilbert Gélard , HEC , Diplômé expert-comptable.