L’information selon laquelle le Crédit Agricole envisagerait de se désengager, d’une manière ou d’une autre, de ses activités de brokerage actions (recherche et ventes d’actions) amène à s’interroger sur le business model et le modèle d’organisation de ces activités.

 

Le brokerage actions constitue une activité à faible marge et à fort coefficient d’exploitation (ratio revenus/coûts), très cyclique. La plateforme nécessaire fixe à un certain niveau le seuil de rentabilité et donne de l’importance à la notion de «taille critique». C’est une activité difficile à rentabiliser dans les grandes organisations et qui requiert beaucoup de réactivité dans une adaptation permanente du dispositif. C’est ce qui fait la spécificité de la culture et de l’organisation du « broker ».

 

C’est ainsi qu’au début des années 2000, BNP Paribas avait décidé, ce qui était « contrariant », d’externaliser ces activités chez le principal broker français indépendant, Exane, dont il acquit 49 % – la majorité du capital restant détenue par les managers et salariés d’Exane. Certains pensaient que cet « éloignement » de la recherche et la vente d’actions pénaliserait l’activité ECM de BNP Paribas. Il n’en a rien été. Il faut dire que l’évolution de ces activités (très tournées vers les investisseurs institutionnels et les hedge funds) et le durcissement de « la muraille de chine » avec les activités de corporate finance, ont conduit partout à des liens plus lâches, tout du moins pour les actions entre « origination » et distribution.

 

A l’opposé de ce modèle, la Société Générale, SGCIB, a intégré plus fortement ses activités de brokerage actions avec ses activités de dérivés actions pour développer les synergies en termes de plateforme (capacités d’exécution, programme trading) et dans l’approche des investisseurs. Par ailleurs, elle a mis en place aussi une synergie entre la recherche d’actions et ses autres recherches (dérivés, crédit, taux d’intérêt et de changes, et commodities) pour cultiver une approche pluridisciplinaire dite « cross assets », orientée en particulier vers la clientèle hedge funds.

 

Le Crédit agricole, doté d’un brokerage actions surdéveloppé par rapport à ses autres activités « actions », notamment les dérivés, avait adopté une position intermédiaire, s’appuyant sur des brokers « hors les murs », mais qu’il s’attachait à intégrer plus fortement dans Calyon, devenu CA CIB. Il dispose, en effet, de deux brokers leaders dans leur domaine : Chevreux, leader en actions françaises, hérité de l’acquisition de la banque Indosuez, CLSA, trouvé dans le portefeuille du Crédit Lyonnais, et qui est un des principaux broker en Asie, farouchement indépendant, et menant également des activités de corporate finance (IPO en particulier) dans cette zone.

 

L’acquisition de CLSA a beaucoup de sens pour une grande banque de la région. C’est le sens des négociations menées avec la grande banque chinoise, CITIC, pour constituer une joint-venture, incluant également Chevreux. Ce désengagement, qui pourra éventuellement prendre d’autres formes, peut s’expliquer dans la mesure où ces brokers ont, premièrement, une vraie valeur de fonds de commerce. Deuxièmement, ils sont surdimensionnés par rapport aux autres activités « actions » de CA CIB. Et enfin, ils s’accommodent mal avec une révision à la baisse des ambitions du Crédit agricole dans les activités de banque d’investissement.

 

Quand on élargit le spectre, on constate que les grandes banques d’investissement conservent une activité de brokerage actions «intégrée», soit, comme chez SGCIB, « synergisée » avec les dérivés actions et l’approche hedge funds (et l’activité de « prime brokerage »), soit rendue autonome au sein de la banque d’investissement, pour celles qui ont une taille critique et une position leader le justifiant, comme UBS. Mais il s’agit partout d’un business model complexe et en adaptation permanente.

 
Ce post est repris du site Investment Banker Paris.