« L’habitude est une mauvaise manie », titrait il y a peu un article du New York Times faisant référence à des travaux d’experts en neurosciences et en psychologie. Citant une étude de l’université Duke, 45 % de nos choix quotidiens reposent sur des habitudes plutôt que sur un acte réfléchi.

 

Voilà qui peut troubler notre vie privée et même devenir préjudiciable à la vie professionnelle.

 

À la question : « pourquoi faire de cette manière ? », vient très souvent la réponse « parce qu’on fait comme cela depuis toujours ».

Mais cette réponse est devenue incompatible avec la réalité des entreprises, soumises à des chocs à répétition de toute nature – dont une véritable explosion réglementaire – et plongées dans un océan d’incertitude économique.

 

Les entreprises réalisent tous les jours des économies partout où cela est possible et cherchent à toute force à augmenter la productivité. Mais nombre de dirigeants ont le sentiment d’avoir atteint les limites du possible dans ces domaines et de ne plus disposer de réelles marges de manœuvre.

Ils se trompent. De fabuleux gisements d’efficacité existent à qui veut se donner la peine de s’interroger sur l’ensemble des processus utilisés dans l’entreprise.

 

Il faut décrire avec précision ce que l’on fait, et faire ce que l’on a décrit. À la clé, une entreprise plus agile, plus flexible et bien sûr des économies significatives.

 

Connue sous le vocable anglo-saxon de « business process management », cette pratique, initiée par les grands groupes multinationaux, doit aujourd’hui passer la porte des PME. D’abord parce que l’environnement économique ne laisse guère de choix. Ensuite parce que des outils logiciels, beaucoup plus accessibles, sont disponibles pour accomplir cette tâche.

 

Comment procéder ? Sur la base de mon expérience de directeur financier, je recommande une sorte de trithérapie qui se compose de la documentation des processus, à laquelle on ajoute une dose de lean management, le tout couronné par la recherche de la satisfaction clients.

Les directions administratives et financières sont déjà incitées à développer ces mesures puisqu’elles ont l’obligation de communiquer aux commissaires aux comptes la documentation des processus de l’entreprise dans le cadre des procédures d’audit. Or, plus les processus seront documentés et appliqués, plus l’audit sera facilité. Au passage, en passant d’un fastidieux audit complet, générateur de souffrance, à un audit substantif, on réduit les honoraires des commissaires aux comptes.

 

Mais l’histoire peut ne pas s’arrêter là. Cet existant, vécu comme une contrainte, doit se transformer en opportunité pour toute l’entreprise.

Une documentation très détaillée sur un processus conduit inévitablement à s’interroger sur le « pourquoi » de celui-ci. Faut-il supprimer ce processus s’il se révèle inutile, ou au contraire l’optimiser pour rendre l’organisation plus efficace ?

Ce questionnement est indispensable quand l’entreprise se développe. En effet, la croissance induit souvent une plus grande séparation des tâches. Il faut donc davantage  de contrôle pour éviter les fraudes et prévenir les risques d’erreur. Au passage, cela renforce la gouvernance de l’entreprise.

 

Cette démarche amène naturellement à appliquer les enseignements du lean management office. C’est la voie que j’ai proposée chez Sage.

Nous avons procédé à une analyse approfondie de la majorité de nos processus métiers afin de traquer ceux qui n’apportent aucune valeur, tout en rationalisant et optimisant les autres. Un exemple simple : un mot de passe sur un fichier que jamais personne ne demande prouve qu’il ne sert à rien et qu’on peut le supprimer.

 

Nous cherchons donc à travailler sur la planification des tâches, sur la volumétrie de nos processus métiers et le temps estimé pour chacun, ce qui nous permet de mieux mesurer notre capacité de production.

Faire c’est bien, mais faire savoir c’est encore mieux. La direction financière a donc décidé de se doter d’un service de communication propre, afin de mieux communiquer avec les autres directions de l’entreprise. À cet effet, nous avons recruté une responsable de la communication qui nous conseille dans nos prises de parole internes et propose des outils d’animation (allant de la formation jusqu’à l’animation de notre site Intranet par exemple).

 

Car cette quête de l’efficacité concerne toute l’entreprise. Elle doit être étendue aux achats, à la facturation des clients, au service juridique, aux services généraux, à la paie, ou à la direction des ressources humaines… La direction des systèmes d’information participe également à cet élan et documente également ses processus.

 

Cette connaissance intime de tous les rouages de l’entreprise peut se révéler également très utile pour peu qu’on s’interroge sur le côté stratégique d’une activité et qu’on imagine son externalisation.
Comment d’ailleurs communiquer précisément à un prestataire externe les missions qu’il devra prendre en charge, les niveaux des services, les économies attendues et l’évolution de l’activité transférée si ce socle de connaissances n’a pas été documenté?

 

L’autre grande vertu de la documentation de processus est la recherche de la satisfaction du client.
Lorsque vous avez mesuré le temps pris par une tâche, vous savez prévoir la charge correspondante. Si votre engagement de niveau de service est H24, vous serez en mesure d’adapter votre charge avec précision.

Forts des moyens nécessaires, vous pouvez vous engager sur le chemin de la qualité de service, travailler sur la qualité de vos services et viser à dépasser l’attente de vos clients en suscitant le fameux  « Waouh effect » si cher à nos amis anglo-saxons.

Et que vous dire alors de l’impact sur la motivation de chaque collaborateur, acteur de la satisfaction client et réel ambassadeur de la direction financière ?

 

Pour ceux qui rétorquent que c’est impossible à réaliser en raison du poids des habitudes dans leur entreprise, je reprendrais la conclusion de l’article du New York Times cité au début de ce billet : « Comme un logiciel éternellement bloqué en version bêta, le cerveau a ses bugs mais sa malléabilité lui permet de faire de fréquentes mises à jour ».