Avec un taux de chômage de 24 %, l’Espagne est actuellement dans une situation critique. Les jeunes diplômés sont particulièrement touchés et n’hésitent pas à partir à l’étranger. Cette fuite des cerveaux est devenue un problème national, le pays voyant la génération la plus éduquée de son histoire partir et, pour une grande partie, probablement ne jamais revenir. On l’appelle la « génération perdue ». L’exemple espagnol a ses spécificités : une récession économique sans précédent, un État au budget chancelant et un tissu d’entreprises basé sur des PME familiales traditionnelles, peu demandeuses en hauts diplômés.

La situation en France, certes moins grave, reste néanmoins inquiétante. Les jeunes diplômés sont les premiers pessimistes concernant l’avenir : selon un baromètre IFOP, 51 % de ceux qui recherchent un emploi pensent qu’ils ont peu de chances de trouver un poste dans les six prochains mois. Mais, contrairement aux Espagnols, très peu imaginent leur avenir hors de France. Les explications à cette situation sont connues.

Il y a bien sûr la crise, qui ferme le marché aux entrants au profit de ceux qui sont en poste. Des diplômes pas toujours adaptés aux besoins des entreprises, couplés à un marché du travail rigide, entraînant la frilosité de ces dernières et un long « sas d’entrée » dans la vie active, via stages et CDD.

Reste une raison majeure : la baisse des recrutements des employeurs traditionnels. Les grands groupes, concentrés sur leurs efforts de productivité et leur développement international, recrutent moins en France. Et l’État, miné par ses déficits, a aussi réduit fortement ses besoins en diplômés.

L’une des pistes pour développer l’emploi est donc l’essor de la création d’entreprise. Or, le taux d’entrepreneuriat en France est faible et reste inférieur à celui d’autres pays de l’Union européenne. Nous nous lançons dans la création par nécessité plutôt que par opportunité. Au-delà des aspects culturels, notre pays est loin de promouvoir suffisamment l’entrepreneuriat, ne serait-ce qu’au niveau du système scolaire qui y incite peu les jeunes.

Par ailleurs, nos médias et une partie de la classe politique ont plus tendance à culpabiliser les entrepreneurs à succès qu’à les mettre en valeur. Notre système bancaire, traditionnellement peu enclin à les accompagner, l’est encore moins dans l’ambiance de défiance actuelle à son égard. Et le sujet de la création d’entreprise reste encore le grand absent des débats électoraux qui s’achèvent.

 

Cet article est une reproduction d’une contribution originale pour la revue échanges, publiée en juin 2012.