1- Risque et rentabilité ou le mariage sans divorce possible

C’est l’un des meilleurs indicateurs possibles d’une crise à venir que la croyance à un moment donné qu’il est possible d’obtenir un très beau taux de rentabilité pour un risque faible. Il en a été ainsi des CPDO inventés en 2006 par ABN Amro qui, notés AAA par les agences de notations complaisantes ou incompétentes, offraient un taux de rentabilité supérieur de 1 à 2 % au taux des emprunts d’État notés AAA. Il s’agissait en fait de credit default swaps1 repackagés avec un effet de levier qui en 2008 avaient perdu au minimum 30 % de leur valeur.

Le risque doit être rémunéré sinon il n’est pris que par les têtes brûlées ce qui ne suffit pas pour assurer le développement de l’économie. La rémunération du risque provient du mécanisme de l’actualisation qui fait que les flux futurs espérés sont achetés/évalués avec une décote par rapport à leur montant nominal, décote d’autant plus forte que le flux est lointain dans le temps et/ou que l’incertitude sur son montant est forte2.

De la même façon il ne faut pas se leurrer, de fortes rentabilités ne peuvent provenir que d’un risque élevé. Considérons ainsi à titre d’exemple la rentabilité des capitaux propres de la banque d’investissement d’UBS jusqu’en 2006 :

Si l’on croit que l’on peut durablement gagner deux fois son coût du capital sans prendre plus de risque que la moyenne, sauf à être dans un secteur avec de formidables barrières à l’entrée et sans véritable concurrent (ce qui n’est pas le cas de la banque d’investissement), on se trompe totalement comme l’illustre l’évolution ultérieure de la rentabilité de la division d’UBS :

Il est vrai que ses pertes sur les subprimes ont été d’environ 50 Md$.

Bien évidemment, nous aimerions tous avoir de bonnes rentabilités avec des risques faibles et comme nous les cherchons tous, en investissant dans ces poches de nirvana ou en les achetant, nous faisons baisser les rentabilités futures et rétablissons l’équilibre… logique.

 

2 – Rentabilité demandée et rentabilité obtenue ou la convergence obligatoire

Remarque dérivée de la précédente, il n’est durablement pas possible de gagner une rentabilité sur les capitaux investis (la rentabilité économique) supérieure ou inférieure à la rentabilité demandée compte tenu du risque (le coût moyen pondéré du capital).

Michelin a beau être le leader mondial de son secteur avec une marque à la notoriété établie, avoir inventé des produits révolutionnaires et déposer de nombreux brevets qui constituent autant de barrières à l’entrée, sa rentabilité équivaut, bon an mal an, à son coût du capital :

Cela est d’autant plus vrai que le secteur de l’entreprise est à maturité. La raison en est la concurrence et dans ce domaine comme le dit l’adage : « Il n’y a pas de forteresses imprenables, il n’y a que des forteresses mal assiégées. »

Il est inévitable qu’un jour la rentabilité de Facebook ressemble à celle de Michelin aujourd’hui comme celle d’IBM, de Microsoft puis de Google en ont pris le chemin.

À l’inverse, si la rentabilité est durablement insuffisante, des acteurs feront faillite, sortiront du secteur et celui-ci sera restructuré par des fusions et acquisitions. Que nos lecteurs se rappellent l’état de la sidérurgie dans les années 1980 (en faillite) et de son rebond dans les années 2000 après les regroupements Sacilor – Usinor – Aceralia – Arbed, British Steel – Hoogovens, etc.

3 – La dette, en elle-même, ne crée pas de valeur ou l’illusion de l’effet de levier

Si la dette pouvait créer de la valeur en abaissant le coût moyen pondéré du capital, comment expliquer que les meilleures sociétés de monde dont les performances opérationnelles sont telles qu’elles ne craignent pas la faillite (Apple, L’Oréal, Hermès, Google, BMW, Nestlé…) n’aient quasiment pas de dette et que la plupart du temps elles aient au contraire des liquidités nettes ?

Il existe cependant deux exceptions à ce principe :

• Lorsque dans l’économie les taux d’intérêt réels sont négatifs car la dette est à taux fixe et que l’inflation monte de façon non anticipée comme dans les années 1960 et 1970 en Europe et aux États-Unis. Il y a alors une spoliation des prêteurs remboursés en monnaie de singe qui ne peut pas durer très longtemps. L’invention et la généralisation des emprunts à taux variable rendent douteuse une réédition de ce phénomène dans le futur ;

• dans les LBO où la dette sert d’aiguillon (la dette à rembourser pousse à être plus efficace pour générer des flux de trésorerie disponibles), de bâton (la crainte de la faillite évite le laxisme) et de carotte (l’impact de l’effet de levier de la dette sur la valeur des management packages)3 .

 

4 – Le cash c’est la vérité

Parce qu’une entreprise fait techniquement faillite quand elle n’arrive plus à un moment donné à trouver des liquidités nécessaires à son activité même si la cause du problème est en amont.

Parce que détenir du cash permet d’acheter des actifs à la valeur bradée quand une crise survient (Peugeot et Citroën, Fiat et Chrysler plus récemment).

Parce que les escrocs sont toujours démasqués par le cash (sinon M. Madoff sévirait probablement toujours, vu l’efficacité du régulateur américain), c’est-à-dire une déconnexion entre les chiffres proclamés (performance, actifs sous gestion…) et la réalité de la caisse le soir ou le matin.

Parce que l’analyse financière d’un problème complexe se résout toujours plus aisément en raisonnant cash.

Comme disent les Américains, qui n’ont pas que des défauts, cash is king.

 

5. Les capitaux investis ne peuvent valoir plus que leur montant que si la rentabilité dégagée est supérieure à la rentabilité exigée

Même si il y a peu à espérer de la pérennité d’une surrentabilité (voir le point 2), seule une déconnexion temporaire des deux permet de créer de la valeur comme l’illustrent ces quelques exemples :

[tabs slidertype= »top tabs »][tabcontainer] [tabtext]1.[/tabtext] [tabtext]2.[/tabtext] [tabtext]3.[/tabtext] [/tabcontainer] [tabcontent] [tab]1. Pour plus de détails, voir chapitre 54 du  Vernimmen 2011.[/tab] [tab]2.Pour plus de détails, voir chapitre 19 du  Vernimmen 2011.[/tab] [tab]3. Pour plus de détails, voir le chapitre 50 du Vernimmen 2011.[/tab] [/tabcontent] [/tabs]

Pour lire la suite.