PERRIER Yves et EWALD François, Quelle économie politique pour la France, l’Observatoire, 352 pages.

Yves Perrier et François Ewald soutiennent que face à la dégradation de la position de la France dans le monde, un redressement ne peut être assuré que par un nouveau pacte entre l’État, les entreprises et les français. Ils reconstituent l’enchaînement des facteurs qui ont provoqué le déclin de la France depuis les années 2000, après avoir longuement comparé les modèles économiques et sociaux anglo-saxon, allemand (ou rhénan) et français. Ils analysent « l’ordre américain » qui a engendré un modèle de capitalisme financier de plus en plus contesté. Ils décrivent ensuite l’ordolibéralisme ou l’économie sociale de marché, qui a régi les « trente glorieuses » allemandes (1991-2021), mais qui doit désormais se réinventer. Ils décryptent enfin le « modèle gaullien » marqué par un colbertisme économique au service des « champions nationaux ». Selon les auteurs, la « rupture du pacte social » est intervenue en 1981 avec les nationalisations, puis en 1984 avec le « tournant européen », et à partir des année 1990, avec le « grand désalignement entre l’État et les entreprises », provoqué notamment par le « mythe de la France sans usine ».

Les auteurs constatent que « la France a raté le virage de la globalisation », mais ils estiment qu’elle dispose des atouts nécessaires pour s’adapter à la « grande reconfiguration » qui est engagée sous les effets conjugués d’un déplacement vers l’Asie du centre de gravité mondial, des transitions énergétique et écologique, mais aussi de la primauté du politique sur l’économique. L’État français doit restaurer l’équilibre budgétaire, améliorer ses services, exercer un rôle de stratège afin de planifier les transitions et de faire face aux crises. Les entreprises doivent poursuivre des objectifs à la fois financiers, écologiques et sociaux. Les « citoyens- consommateurs- travailleurs » doivent surmonter leurs contradictions et reprendre confiance. Les auteurs conviennent toutefois que l’État français dispose de moyens d’action limités en raison de l’endettement du pays et de la résistance de ses citoyens à toutes réformes. Ils exhortent les français à conjurer le sort en servant une nouvelle « ambition collective » dans un monde multipolaire.

Yves Perrier a été directeur général d’Amundi et auteur d’un rapport sur la Place financière de Paris. François Ewald est philosophe et professeur honoraire au CNAM.

 

GROSSE François, Croissance soutenable ?, PUG, 214 pages.

Parmi les nombreux ouvrages et articles sur la croissance soutenable, la réflexion de François Grosse mérite une attention particulière, car elle montre qu’une nouvelle approche de l’économie circulaire pourrait être une des solutions au problème de l’épuisement des ressources naturelles. Il analyse les processus de recyclage des principaux métaux et il constate que les politiques européenne et française actuelles ne peuvent contribuer à une croissance soutenable, car elles ne respectent pas un modèle de « croissance semi-circulaire » basé sur trois principes : la croissance de la consommation de matières premières non renouvelables doit être inférieure à 1 % par an ; l’économie doit rejeter au moins 80 % des quantités qu’elle consomme ; le taux d’efficacité du recyclage des déchets primaires (chutes de production ) et ultimes, doit être supérieur à 80 % . L’auteur cite l’exemple du cycle du fer dont la croissance annuelle de la consommation mondiale est en moyenne de 3 %, l’efficacité du recyclage est de 72 % et le temps d’utilisation est de 32 ans. Ces paramètres contribuent à prolonger de seulement 10 ans l’exploitation des réserves de fer (dont la durée actuelle de vie est de 160 ans). Le respect des trois principes édictés par l’auteur permettrait de prolonger de 80 années l’exploitation des ressources mondiales en métaux ferreux.

L’auteur recommande également l’exploitation de chaufferies urbaines faisant appel à la biomasse, de préférence à celle des incinérateurs classiques, et il décrit le projet d’incinérateur- pilote de Monaco, dont il est un des consultants. Il préconise donc de passer du mode actuel linéaire « extraire, produire, consommer, jeter » à un modèle circulaire intégrant tout le cycle de vie de la matière première. Il conclut en assurant que la décarbonation de la planète sera favorisée par un ralentissement de la consommation de ressources non renouvelables et un meilleur recyclage des déchets, qui contribueront à réduire la consommation d’énergie d’origine notamment fossile. Son modèle constitue une avancée significative dans le débat actuel sur la décroissance économique.

François Grosse (X- Mines) est un des meilleurs spécialistes français du recyclage des ressources.

 

CHIU Joanna , La Chine et le nouveau désordre mondial, VLB éditeurs, 324 pages.

Le dernier livre de Joanna Chiu se démarque des nombreuses publications récentes sur la Chine contemporaine, et notamment, sur la stratégie engagée depuis dix ans par le Président Xi Jin Ping. L’auteure fonde son analyse sur des enquêtes menées dans plusieurs régions, soit contrôlées ou revendiquées par la Chine populaire – comme Hong Kong, Taïwan et le Sinkiang -, soit impliquées dans le projet des Nouvelles Routes de la Soie – comme la Grèce, le Montenegro, la Turquie et l’Italie – ou enfin ciblées par ses ambitions commerciales, comme l’Afrique, l’Australie et le Canada. Elle conclut l’ouvrage par une analyse des rivalités et des relations commerciales et géopolitiques de plus en plus compliquées entre la Chine, la Russie et les États–Unis.

L’auteure observe les différentes tactiques menées par les gouvernants, les diplomates, les médias, les banques et les industriels chinois, ainsi que par le « Front uni » de la diaspora chinoise – afin de protéger et de favoriser les intérêts de l’Empire du Milieu. Elle décrit les réactions, souvent contradictoires, de leurs homologues occidentaux et africains. Elle révèle les ambiguïtés des stratégies diplomatiques des « guerriers loups » et commerciales du « gagnant-gagnant » des industriels chinois. Elle décrit le nouvel « axe de convenance » entre une Russie affaiblie et une Chine conquérante, unie par une « alliance objective » contre « l’hégémonie américaine ». Elle entrevoit les perspectives incertaines des relations géopolitiques entre les États-nations, entre les régimes démocratiques et les régimes autoritaires, entre les cultures confucéenne et libérale. Elle introduit par d’utiles rappels historiques, les témoignages originaux recueillis dans la cadre de ses enquêtes à travers le monde.

Joanna Chiu est une journaliste canadienne née à Hong Kong. Elle est notamment correspondante de l’AFP.