Les Fables de la Finance – Le coup de massue
Vous souvient-il de deux compères
L’un fils de financier
L’autre de savetier
Tous les deux raisonneurs et prospères?
Le premier regardait avec effarement
Le second s’endetter systématiquement
Pour gagner toujours plus
Et jouer les Crésus.
Et lui qui jusqu’alors se prêchait la prudence
Se prit à ce spectacle à rêver d’opulence:
Rolex, Hermès, Ferrari, Vuitton, Louboutin
Il désira ce qu’il voyait chez son voisin.
Il le héla
Le consulta:
– Ami l’aisance où je vous vois m’a convaincu
Et je compte aujourd’hui tout ce que j’ai perdu
En gérant ma fortune comme un père peinard
Sans audace et sans joie ni sans risquer un liard…
Je ne connais pas le secret
De tant de gains et de succès
Dites-moi comment caresser
L’espoir de rentabilité?
Le rejeton du savetier se rengorgea:
– Sur les cent escudos que vous investirez
Empruntez-en quatre-vingt dix et vous verrez
L’espérance de rendement qui montera
Par magie, de dix à quarante-six pour cent…
Le fils du financier prend pour argent comptant
Le calcul et le bon conseil :
Il emprunte l’oseille
La place et la surveille
C’est dans le tapioca qu’il a tout investi
Qui promet à coup sûr un important profit
Voit son pécule enfler
Gonfler puis redonder
Rolex, Hermès, Ferrari, Vuitton, Louboutin
Très bientôt il pourra égaler son voisin!
Puis voilà qu’une guerre éclata en Prussie
Et que les sauterelles attaquèrent en Persie
L’économie encaisse
Et le tapioca baisse
Très insensiblement
Mais foin du rendement!
C’est le coup de massue pour notre grimacier
Que la petite baisse a tout à fait ruiné.
Il s’en va pleurnicher chez son maître à penser:
– Je devais gagner tant et plus mais regardez
Me voilà nu et lessivé
Vous m’avez bien mal conseillé!
– Mon cher ami, vous auriez dû envisager
Dans ce cas, une espérance de rendement
De quarante-six ou de moins quatre pour cent!
Le risque voyez-vous n’est pas à négliger
Si l’on récolte plus à risquer qu’à couver
C’est qu’il y a bien sûr certain prix à payer!
Et l’on ne peut guigner,
Nous dit le Populaire,
Le beurre, l’argent du beurre
Le corps de la crémière…
Sans être un peu joueur!