Les Fables de la Finance : Maître Blaireau
Maître Blaireau, un jour, lassé de son chômage
Créa son entreprise de plats préparés
A la lisière des forêts, sous le ramage :
Aux Délices des sansonnets.
L’épicerie très vite eut une clientèle :
La famille écureuil, la fouine et le renard,
Le furet, le putois, la martre et le busard
La biche, le lapin, toute sa parentèle…
Blaireau-Potin vendait de la soupe en sachet
Au gland, à la lentille, au thym, à l’aubépine
Dans un autre rayon, c’étaient des ballottines
Au ver de vase ou au cafard lyophilisé.
Mais dans sa boutique, le rayon herbivore
Se vida en trois mois. Il n’y eut que Renard
Pour acheter le ver de vase et le cafard,
(Nourritures choisies pour la gent carnivore).
Pour écouler ce stock, il lui fallut un an.
En forêt la devise en cours est la roupille
(Divisible elle-même en mille peccadilles)
En fin d’année, Maître Blaireau fit son bilan :
Il avait investi deux cents de ces roupilles
Pour constituer ses stocks : cent pour l’un cent pour l’autre.
La marge était égale et pour l’un et pour l’autre :
De cinquante pour cent pour la soupe aux lentilles,
Et même pourcentage pour les ballottines.
A vendre celles-là il n’avait donc gagné
Que cent roupilles mais quatre cents pour les sachets !
Le blaireau faisait triste mine !
Quatre fois il avait reconstitué le stock
Quatre fois il avait investi cent roupilles
Ce qui faisait quatre cent mille peccadilles
Comme avait bien compté le coq…
Si la soupe en sachet était bien plus rentable
Fallait-il supprimer le rayon carnivore ?
Ne constituer un stock que pour les herbivores ?
Le blaireau prit conseil de son coq et comptable
Qui, lui, préconisa quatre fois plus de marge
Sur la ballottine ver de vase et cafard…
La solution allait ruiner maître Renard !
Le négociant en gros allait-il accepter
De baisser ses tarifs, et le coût du transport
De remplacer le ver de vase par du porc
De consentir à son client des prix tirés ?
Le blaireau n’en menait pas large :
Vendre cher très peu ? Bon marché énormément ?
L’un et l’autre cas de figure équivalaient !
Le blaireau ignorait que ce qui importait
Ce n’était pas la marge mais le rendement !
Pour prospérer il a cru bon
De supprimer l’un des rayons
Il ne vend plus que des sachets
Et le renard a déserté.
Moralité :
Quand on est un blaireau on ne peut sans dommage
Confondre marge et rendement !
Le traiteur a perdu un client…
La leçon vaut bien… un fromage !
George Fine