Le 27 juillet 2010, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a dévoilé ses nouvelles recommandations sur l’expertise indépendante associée aux offres publiques. Rappelons que les obligations des sociétés cotées en la matière sont définies, depuis le 18 septembre 2006, par le titre VI du livre II du règlement général de l’AMF. Ces dispositions imposent à la société visée par une offre publique l’obligation de désigner un expert indépendant :

– lorsque l’offre considérée est susceptible :

• de générer un conflit d’intérêt,
• de porter atteinte à l’égalité entre les actionnaires (ou aux porteurs des instruments financiers visés par l’offre) ;

– préalablement à la mise en œuvre d’un retrait obligatoire.

L’émetteur qui réalise une augmentation de capital réservée avec une forte décote doit également désigner un expert indépendant.

La mise à jour par l’AMF de ses recommandations du 28 septembre 2006 s’appuie sur les pratiques observées depuis quatre ans et sur les échanges entretenus par l’AMF avec l’APEI (Association Professionnelle des Experts Indépendants), seule association reconnue par l’AMF à s’être dotée d’un conseil de surveillance et d’un contrôle qualité indépendant de ses membres. Ces modifications et précisions confirment, à notre avis, trois points clés :

– les conflits d’intérêt doivent être traités sérieusement par les conseils (d’administration ou de surveillance) ;
– une véritable évaluation est nécessaire pour l’avis motivé du conseil ;
– les experts doivent être véritablement indépendants et professionnels.

 

Les conflits d’intérêts doivent être traités sérieusement par les conseils

En premier lieu, l’AMF invite à bien préciser les éventuels conflits d’intérêts. Ainsi, la lettre de mission du conseil doit expliciter le fondement règlementaire de l’intervention de l’expert indépendant et décrire, le cas échéant, la nature des conflits d’intérêt qui conduisent l’organe de décision de la société visée à recourir à une expertise indépendante. Des éléments que devra reprendre l’expert dans le préambule de son rapport.

Il appartient en particulier à l’expert d’examiner si les situations de conflits d’intérêts identifiées peuvent avoir des conséquences économiques et financières défavorables pour les porteurs de titres visés par l’offre. Lorsqu’existent des accords entre l’initiateur et les dirigeants de la société cible (ou les personnes qui la contrôlent), ou des opérations connexes à l’offre, l’expert doit établir que ces accords ou opérations ne sont pas de nature à remettre en cause l’équité du projet d’offre. Il en est de même lorsque l’offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes. La restitution du résultat de ces analyses doit bien entendu figurer dans les conclusions du rapport d’expertise.

L’AMF précise également que si des actionnaires minoritaires, ou des tiers intéressés à l’offre, se sont manifestés auprès de la société ou de l’expert indépendant afin de faire valoir leurs arguments relatifs aux conditions de l’offre publique, l’expert peut en faire état dans son rapport et indiquer le cas échéant les raisons pour lesquelles il a ou non tenu compte dans son analyse des points de vue ainsi exprimés.

 

Une véritable évaluation est nécessaire pour l’avis motivé du conseil

En premier lieu, l’AMF précise un point majeur, à savoir le point de départ du délai pour l’élaboration du rapport par l’expert, délai qui ne peut être inférieur à quinze jours de négociation selon l’article 262-1 II du règlement général. Le régulateur précise, dans ses nouvelles recommandations, que ce délai minimum s’entend à compter de la réception de l’ensemble de la documentation nécessaire à l’élaboration de son rapport. Dans les faits, ce délai avait en effet tendance à se réduire de plus en plus, ce qui limitait la capacité de l’expert à procéder à une véritable évaluation.

En second lieu, l’expert doit justifier dans son rapport, en des termes adaptés aux caractéristiques de chaque évaluation, la décision d’exclure toute méthode ou toute référence de valorisation (en particulier s’il s’agit des cours de bourse historiques ou d’une moyenne des cours de bourse) en exposant, lorsque cela est possible, les résultats auxquels la méthode ou la référence exclue aurait conduit Sur ce sujet des principaux critères écartés dans le cadre des offres publiques, on se reportera avec intérêt au site Internet de l’APEI qui expose les conclusions du groupe de travail constitué à cet effet.

S’agissant de l’appréciation du caractère pertinent du plan d’affaires établi par la direction de la société visée par l’offre, l’expert peut demander à la direction, s’il l’estime nécessaire, de modifier ses prévisions. Si ces demandes sont acceptées par la direction, le régulateur précise que les modifications correspondantes sont mentionnées dans le rapport. A défaut, l’expert peut choisir de retenir un plan d’affaires modifié par ses soins à l’appui de ses travaux d’évaluation. Dans ce cas, il confronte les résultats ainsi obtenus à ceux auxquels conduirait une évaluation basée sur le plan d’affaires de la direction.

S’agissant enfin des synergies entre la société cible et initiatrice, l’AMF reprend sa recommandation de 2006, énonçant que l’expert a accès aux données nécessaires à l’appréciation des synergies attendues dans le cadre de l’opération étudiée, notamment si le montant des synergies a été rendu public. Le régulateur ajoute que, lorsqu’il est fait état de synergies susceptibles de résulter du rapprochement avec la société visée, l’expert indique, le cas échéant, comment il a pris en compte ces synergies. Sur ce sujet, on pourra également se reporter aux recommandations du groupe de travail de l’APEI sur « les synergies ».

 

Les experts doivent être véritablement indépendants et professionnels

Enfin, une satisfaction pour l’APEI, l’expert doit dorénavant indiquer dans son rapport s’il adhère à une association d’experts indépendants. A défaut, il en explique les raisons, recommande le régulateur. A ce jour, l’APEI et l’ANDEFI (Association nationale des experts financiers indépendants) sont les deux seules associations reconnues par l’AMF.

La question qui doit surtout être posée est en effet celle des compétences et de l’indépendance de l’expert. La bonne gouvernance opère un premier tri en obligeant à formaliser les règles et à être en mesure d’en justifier le respect vis-à-vis du régulateur. Attention cependant au formalisme qui tend parfois à l’emporter sur le fond : aucun corps de règles ou de recommandations ne saurait remplacer la vertu nécessaire des acteurs.

 

Pour en savoir plus :
site Internet de l’APEI
www.apei-experts.org/