Les comptables représentent une bonne partie des effectifs de nos directions financières, et ils font un beau métier. Lire que ce métier disparaîtrait d’ici 2030 pour être remplacé par des ordinateurs n’est pas pour me réjouir. Ajoutez à cela que selon Gérard BERRY « L’ordinateur est complètement con » et faites 1 + 1 = 2 …  

 

Comptable, une disparition annoncée … depuis longtemps déjà 

Dans la suite du coup d’éclat d’AlphaGo, Laurent Alexandre et Romain Van Steyvoort prédisent la disparition des comptables pour 2030, au motif que les logiciels sauront mieux analyser la complexité des règles fiscales et comptables. 

On leur répondra sans doute que l’annonce de la disparition du métier n’est pas nouvelle, et que les comptables ont su s’adapter à l’arrivée des ordinateurs, puis des ERP. Néanmoins, ces « attaques » ont pour l’instant toujours concerné les activités à faible valeur ajoutée du métier : la saisie, la codification, les rapprochements et les pointages. Bon nombre d’entre nous étant d’ailleurs plutôt favorables à leur automatisation pour se consacrer à des travaux à plus forte valeur ajoutée.  

Les menaces présentées aujourd’hui sont d’une autre nature. Elles concernent les fonctions d’analyse, celles qui mettent en œuvre les connaissances et compétences qui font de nous des professionnels reconnus. En envisageant de faire réaliser l’optimisation fiscale où l’établissement des comptes annuels par une intelligence artificielle, le risque n’est-il pas de voir apparaître un ordinateur comme plus proche conseiller du dirigeant ? 

 

AlphaGo, un logiciel apprenant … 

AlphaGo est un logiciel qui a la capacité d’apprendre, ce qui lui a permis de devenir numéro 1 mondial au jeu de Go le 18 juillet 2016.  Le jeu de Go constituait un défi majeur pour les éditeurs de logiciel car le nombre de possibilités à explorer pour gagner à coup sûr est tel qu’aucun ordinateur n’est en capacité de les traiter.  

Pour cet exploit, les ingénieurs de DeepMind ont donc fait appel au hasard et aux statistiques, en se basant sur les algorithmes dits « de Monte-Carlo » . AlphaGo apprend en trois temps : d’abord en essayant au hasard une combinaison, ensuite en calculant la probabilité que cette combinaison conduise à la victoire ou à une position dominante, enfin en réutilisant les combinaisons ayant les plus fortes probabilités de victoire dans les parties suivantes. 

 

… mais pas forcément intelligent 

Si l’on en croit Gérard Berry, chercheur en informatique récompensé par le CNRS, l’ordinateur serait « super rapide, très rigoureux, mais complètement con ». Selon lui, la victoire d’AlphaGo sur les champions mondiaux ne démontrerait pas que l’ordinateur est intelligent, mais au contraire que le jeu de go est simple. 

Il a son franc-parler qui peut surprendre pour un professeur au collège de France, mais il n’a peut-être pas tort !  

Les règles du jeu de go ne sont en effet pas très compliquées : seulement quelques paragraphes dans Wikipedia. C’est la quantité de combinaisons possibles qui en font un jeu difficile pour l’être humain. C’est donc un jeu difficile, mais simple, exactement ce pour quoi l’ordinateur est plus performant que l’être humain. 

D’autre part, ces règles sont stables dans le temps, ce qui a permis à AlphaGo de les intégrer et de se constituer une expérience. Rappelons qu’il lui a fallu 6 ans pour atteindre les sommets.  

 

Applicable aux travaux comptables ? 

AlphaGO et ses successeurs seront tout à fait en mesure de remplacer les comptables pour les travaux basés sur des règles stables. Ils apprendront à passer les écritures, à produire les comptes annuels, à rapprocher des opérations intra-groupe, etc, etc …  Associé aux objets connectés, l’inventaire physique pourra même être intégralement automatisé.  

Néanmoins, j’identifie plusieurs points sur lesquels s’appuyer pour ne pas disparaître en 2030. Le premier concerne l’inventivité de nos politiciens et leur capacité à modifier les règles fiscales plus vite que ne peut les apprendre AlphaGo. Mais est-il raisonnable de compter sur l’inconstance de nos élus ? 

Puisque qu’AlphaGo ne sais jouer que s’il connait les règles, réservons-nous les terrains ou les règles ne sont pas connue : le futur et l’humain. Le futur avec les prévisions et simulations, laissons l’ordinateur regarder dans le rétroviseur et occupons nous des virages à venir. L’humain en accompagnant les décideurs de tout niveau pour la maîtrise financière de leur unité, ainsi que les partenaires de l’entreprise.  

Si ce n’est pas en cours, un plan de formation des métiers du chiffre pour les accompagner dans ces changements semble s’imposer.

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 24 novembre 2016.