Rafik Smati, le fondateur et président de Dromadaire.com, le numéro 1 mondial de la carte de vœux en ligne (et, accessoirement, l’un des mes camarades de débat sur BFM Radio) avait, il y a quelques mois, attiré mon attention sur le fait que les traders étaient quasiment tous des hommes. Il émettait l’hypothèse que la crise financière que nous vivons n’aurait peut-être jamais été si les salles de marché avaient été remplies de femmes. Il est vrai que le secteur financier est dominé par les hommes. Aux Etats-Unis, 2,5 % des CEO du secteur sont des femmes et seulement 17 % des postes de direction sont occupées par des représentantes du deuxième sexe.

 

Les recherches empiriques sur le rôle des femmes dans les performances des entreprises ont fait l’objet d’une large littérature depuis plus d’une dizaine d’années. En règle générale, les études vont dans le même sens : la valeur boursière des entreprises conduites par des femmes surperforme celle des entreprises dirigées par des hommes (cf., pour une bonne synthèse, A business case for women, The McKinsey Quarterly, septembre 2008). De même, la place faite aux femmes dans le « upper management » a aussi un impact positif sur la performance.

 

Plus complexe est l’analyse des raisons de ces régularités. Une idée, au moins, ne souffre pas de contestation : les entreprises qui savent faire une large place aux femmes ne discriminent pas ; elles se contentent donc de maximiser leurs profits (d’autant qu’embaucher des groupes discriminés, et donc moins payés, permet de bénéficier d’un coût salarial plus faible !). Seule compte pour elles la capacité des individus, sans considération pour le sexe, l’origine, la religion, les idées politiques… A l’inverse, les entreprises qui discriminent, par exemple en recrutant majoritairement des hommes, se privent d’un profit. Plus généralement, il est démontré (et assez intuitif) que les entreprises qui font une grande place aux femmes sont plus ouvertes aux idées nouvelles que les autres et savent mieux capter l’air du temps.

 

Autre point, qui suscite davantage de débats : les qualités intrinsèques des femmes, et en particulier celles dont les hommes ne disposent pas. Le terrain est glissant car, du point de vue éthique, il est toujours délicat de souligner les caractéristiques, positives ou négatives, de tel ou tel groupe d’êtres humains. Néanmoins, les recherches tendent à monter que les femmes sont plus adverses au risque que les hommes. Plus encore, la sur-confiance des hommes n’est pas justifiée par de meilleures performances. Dans un travail qui a fait couler beaucoup d’encre (Endogenous steroids and financial risk taking on a London trading floor, Proceedings of the National Academy of Sciences, 2008),  Coates and Herbert ont montré le rôle central de la testostérone ! L’étude, menée à Londres, montre que lorsque les traders hommes obtiennent des performances supérieures à leurs performances moyennes, leur taux de testostérone est significativement plus élevé. Autrement dit, le niveau de testostérone permet de prévoir la performance ! Plus gênant, si ce niveau élevé de testostérone subsiste plusieurs jours ou semaines, les traders sont enclins à prendre des positions plus risquées qu’à l’habitude.

 

Jetez également un coup d’œil aux mémoires de Muhammad Yunus, l’inventeur du micro-crédit aux Bangladesh. Il vous expliquera pourquoi, très tôt, il a privilégié les prêts aux femmes plutôt qu’aux hommes. Très tôt, Yunus a remarqué que les hommes avaient tendance à utiliser les fonds prêtés pour eux-mêmes, alors que les femmes, souvent, les affectent au bien être de leurs enfants, à la sécurité de leur foyer et au développement de leur outil de travail.

 

Nicolas Bouzou