Le déficit budgétaire de la Grèce a atteint 10,5 % du PIB en 2010, selon les statistiques d’Eurostat publiées pour l’ensemble de la zone euro. C’est plus que la dernière estimation (9,6 %) de l’Union européenne et du FMI, et bien au-delà de l’objectif initial de 8 % que s’était fixé le Gouvernement.
Il ne faut pas pour autant considérer que la cause est perdue. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler quelques faits… qui m’ont été rapportés par des amis grecs !
Seuls 5 000 foyers fiscaux ont déclaré en 2010 des revenus 2009 supérieurs à 100 000 euros. Mieux – ou pire pour le pays, deux contribuables ont indiqué des revenus supérieurs à 1 000 000 d’euros. Ce qui, pour 8 millions d’habitants et environ 2 millions de foyers fiscaux placerait la Grèce dans un groupe de pays à peine émergents. Il est vrai que les armateurs grecs ne paient pas d’impôt, ce qui leur évite de s’expatrier dans des paradis fiscaux, puisque, pour eux, le paradis est à leur porte !
Dans le même temps, la Grèce compte plus de Porsche Cayenne et de BMW X5 (en nombre absolu !) que n’importe quel autre pays européen ; et les vêtements de luxe griffés de la jeunesse dorée abondent dans les discothèques du bord de mer.
La situation est tout aussi étonnante pour le citoyen lambda. La baguette chez « Paul » coûte 3,50 euros et il y a la queue tous les jours ! Si pour les touristes le café à Plakka vaut 4,50 euros, le moindre petit noir en terrasse dans Athènes est à un prix (3,50 euros) qui peut donner des regrets aux bistrotiers des Champs-Elysées (Ceux de Paris, pas ceux de l’Olympe !).
Avec les revenus qu’ils déclarent, nos amis grecs devraient logiquement se passer de café… !
Récemment, j’ai accompagné la fille d’un ami pour une opération bénigne d’une vingtaine de minutes dans un hôpital public. La surprise fut grande de nous entendre demander un paiement en argent liquide !
Enfin, on ne peut manquer de mentionner qu’à Athènes, les chaussures Christian Louboutin (500 euros la paire) se vendent bien… mais avec un crédit amortissable sur 12 à 18 mois. Il n’est pas certain que ce type de produit bancaire renforce la solvabilité des banques grecques !
Mais ce qui suscite l’opprobre – l’économie souterraine représente environ 30 % du PIB – est également un avantage pour autant que l’administration fiscale fasse appliquer strictement la loi. En effet, avec un taux de prélèvements obligatoires de 45 %, les rentrées fiscales sur ces opérations « au noir », représenteraient 13,5 % du PIB soit 4 % de plus que le déficit enregistré au cours de l’année 2009. Si, de surcroît, l’impôt sur l’économie visible était correctement perçu, on aurait une solution à l’équation qui est posée.

Le 25 avril 2011, à l’issue d’un déjeuner entre Nicolas Sarkozy et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, l’Élysée a indiqué que tous deux avaient « constaté leur accord sur la nécessité d’une action rapide et résolue contre la spéculation qui vise la Grèce afin d’assurer la stabilité de la zone euro ».

A la lecture de ces quelques exemples présentés ici, on conviendra que Messieurs Barroso et Sarkozy ont bien sûr raison. Mais, parallèlement, depuis que la Grèce a réclamé le déclenchement du mécanisme d’aide de l’UE et du FMI, les esprits ne cessent de s’échauffer outre-Rhin ; sans évoquer une forte proportion d’électeurs finlandais qui refusent de participer à tout nouveau financement de la dette grecque. On ne peut pas leur donner tort non plus…

La gestion de la dette grecque constitue autant une question de temps qu’un problème financier.

Oui, la Grèce aura les moyens de rembourser sa dette. Non, elle ne le pourra pas en 5 ans puisque, comme partout ailleurs, le temps d’une administration fiscale n’est pas celui des traders de Credit default swap (CDS). Il s’avère donc nécessaire de rallonger jusqu’à 10 ans la maturité des prêts consentis initialement à la Grèce pour 3-5 ans, par les pays européens et les institutions privées et d’être strict sur l’application – à tous les contribuables et pas seulement à ceux qui défilent dans la rue – des conditions du redressement fixées par l’UE et le FMI.

Les marchés ont déjà intégré cet élément puisque la courbe des taux des emprunts d’état grecs est inversée à partir de 2 ans, ainsi que l’a montré François Meunier dans un post récent !

Paradoxalement, compte tenu de ses réserves, la situation de la Grèce est plus prometteuse (!) que celles de l’Irlande et du Portugal qui paraissent avoir moins de marge de manœuvre.