Ce n’est pas le passage le plus frappant de la décision du Conseil Constitutionnel du 4 décembre 2013 (n° 2013-679 DC), qui censure partiellement le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (LFFGDEF), dont on rappellera qu’il avait été adopté après mise en œuvre par le Parlement d’une procédure accélérée.

L’article 1844-5 du Code civil traite des sociétés unipersonnelles, et il prévoit que lorsque l’associé unique est une personne morale (cas de la société mère et de sa filiale à 100%), la dissolution de la société entraîne transmission universelle du patrimoine (TUP) à l’associé unique. Cette TUP intervient, avec la disparition de la personnalité morale de la société unipersonnelle, uniquement lorsque les créanciers des sociétés concernées – essentiellement ceux de la société qui va disparaître – ont eu l’occasion de faire opposition, c’est-à-dire de saisir un juge pour demander le remboursement de leurs créances ou la constitution de garanties, s’ils estiment que leur situation se trouve menacée du fait de la dissolution. Les créanciers font rarement opposition, mais dans tous les cas, la TUP ne peut intervenir qu’à l’expiration du délai d’opposition.

Celui-ci est actuellement de trente jours à compter de la publication de la décision de dissolution dans un journal habilité à recevoir les annonces légales (art. 8 du décret n° 78-704 du 3 juil. 1978).

Le projet de loi LFFGDEF comporte un article 29 qui prévoyait de passer ce délai de trente jours à soixante jours.

 

Cette mesure est censurée par le Conseil constitutionnel pour avoir été adoptée selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Précisément, l’article « ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi » (considérant 81).

 

Les praticiens seront rassurés. Beaucoup d’opérations de dissolution-confusion interviennent en fin d’année, et leurs organisateurs comptent sur une TUP intervenant avant le début d’un nouvel exercice. Or, allonger de trente jours le délai aurait pu conduire à prolonger jusqu’en 2014 la vie de sociétés dissoutes mais non encore disparues. Cela aurait été gênant, et aurait reproduit les difficultés suscitées à la fin de l’année 2011 par le décret du 9 novembre 2011 qui était venu remplacer la publicité des projets de fusion, scission et apport partiel d’actif (à partir de laquelle démarrait le délai d’opposition des créanciers) dans un journal d’annonces légales par un avis inséré au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Ce changement rendait les délais de publicité plus difficiles à maîtriser et menaçait les opérations en cours.

 

Le modus operandi du projet de loi LFFGDEF est différent, puisqu’il y avait cette fois-ci allongement du délai d’opposition. Se posait la question de l’application de ce délai aux opérations où la dissolution était déjà intervenue, et où le délai était en cours d’acquisition. L’article 2222 du Code civil dispose qu’en cas d’allongement du délai d’une prescription, le nouveau délai se substitue au délai en cours d’acquisition. Mais le délai de l’article 1844-5 n’est vraisemblablement pas un délai de prescription stricto sensu…

 

En toute hypothèse, la question ne se pose pas (pas cette année, du moins !), puisque l’article 1844-5 demeure inchangé.