Depuis 1981 nos gouvernements ont cédé à la facilité de l’endettement, avec une dette publique passée de 21% du PIB au début des années 80 à près de 100% aujourd’hui. La dette au sens de Maastricht, qui s’élevait à 2 220 Md€ au 31 décembre 2017 (soit 97% du PIB), regroupe l’ensemble des engagements financiers des administrations publiques, et surtout de l’Etat qui à lui seul porte un endettement de 1 780 Md€. Cet endettement représente près de six fois les recettes annuelles de l’Etat budgétées pour 2018, alors que nous sommes au bout du bout de la pression fiscale avec les prélèvements obligatoires les plus élevés d’Europe (45,4% du PIB en 2017 contre 46,6% en 2016), mettant ainsi à mal la compétitivité de nos entreprises et la position extérieure de la France (déficit de la balance commerciale de 62 Md€ en 2017).

La dette maastrichtienne est certes une dette publique brute non corrigée des actifs possédés. Mais la dette publique, nette des actifs financiers, s’établissait en tout état de cause à 87,7% du PIB au 31 décembre 2017 et il ne serait pas pertinent de déduire de la dette publique, qui est exclusivement financière, des actifs publics non financiers, d’autant que ceux-ci ne sont pas toujours rentables et ne peuvent pas toujours être vendus facilement. Surtout, la dette publique notifiée par la France à EUROSTAT ne comprend pas la partie des engagements hors bilan qui deviendra exigible progressivement, dont les engagements de retraite des fonctionnaires et assimilés non provisionnés chaque année (droits acquis estimés entre 2 000 et 2 500 Md€), et les dettes de divers organismes publics (SNCF, RATP, UNEDIC, …) que notre Etat dispendieux sera bien obligé de reprendre un jour à son compte pour tout ou partie.

Selon la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, la dette va continuer à croître jusqu’au 1er janvier 2020, alors que celle des pays de la zone euro baisse. Le déficit public, qui ne s’est amélioré en 2017 que grâce à l’accélération de la croissance économique, est encore attendu à 2,9% en 2019, avant de chuter fortement en seconde partie de quinquennat, au moment où la croissance aura décéléré et où l’exécutif devra préparer l’élection présidentielle. Autant dire que la trajectoire des finances publiques ainsi retenue est irréaliste. Pourquoi ne pas profiter de l’amélioration actuelle de la conjoncture, qui n’aura qu’un temps, pour commencer enfin à réduire la dépense publique ? Hors intérêts sur la dette, celle-ci a augmenté l’an dernier de 2,7% ! Cette renonciation est d’autant plus surprenante que les dépenses régaliennes (défense, sécurité, justice) sont appelées à augmenter.

Un endettement public important est acceptable s’il sert à financer des investissements à effet de levier susceptibles de produire un retour de revenus et de richesses, mais ce n’est plus le cas. L’endettement actuel sert surtout à couvrir des salaires, des frais généraux et une bureaucratie de plus en plus pesante, bref à couvrir de la consommation publique. Selon l’économiste Patrick Artus, c’est la capacité d’investissement de l’Etat et des administrations publiques qui est grevée par cette « mauvaise dette ». La soutenabilité de notre dette repose pourtant, en dernière analyse, sur l’économie marchande et sur la valeur ajoutée qu’elle dégage, qui pour l’essentiel est le fait des entreprises.

La loi de finance pour 2018 prévoit de placer sur les marchés financiers de nouveaux emprunts à un niveau record de 195 Md€, soit 115 Md€ pour rembourser les emprunts échus et 80 pour couvrir le déficit prévisionnel de l’Etat. Notre pays recourt toujours un peu plus à la cavalerie budgétaire, comme le rappelait le sénateur Philippe Marini : « Que l’on cesse enfin de faire de la cavalerie en empruntant de nouveau pour rembourser les emprunts qui financent les dépenses de fonctionnement » (+ 2,2% en 2017). L’argent bon marché procuré par la politique accommodante de la BCE a malheureusement agi comme un anesthésiant aux réformes structurelles. Mais attention, la hausse des taux de refinancement de l’Etat qui s’est amorcée début février, aura un effet mécanique sur le coût de notre dette. L’Agence France Trésor a calculé qu’une hausse de 1% augmenterait la charge de la dette de 2,1 Md€ la première année et de 6,9Md€ au bout de trois ans.

Si la confiance des marchés financiers commençait à s’éroder dans un contexte de resserrement monétaire, notre Etat providence n’aurait guère de marge de manœuvre pour éviter le dérapage du déficit public et la perte de notre souveraineté, sauf à demander à sa population de payer sur plusieurs années l’addition d’une dépense publique toujours non maîtrisée. La progression de la dette française devient enfin un obstacle majeur pour que les Etats européens puissent s’entendre sur l’architecture qu’ils souhaitent à terme pour la zone euro afin d’assurer la pérennité de la monnaie commune. Il est vraiment temps de concrétiser les ambitions affichées par Emmanuel Macron en termes de retour à l’équilibre des comptes publics. C’est à l’aune d’une définition stricte des missions de l’Etat et de l’efficacité de la dépense publique que sera jugée, sur la durée, son action transformatrice.

 

Cet article a été initialement publié par Option Finance le 12 mars 2018. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.