La situation financière et économique de la zone Euro est à haut risque. Nous le savons tous, nous le craignons tous, mais la peur n’évite pas le danger… On a progressivement assisté au transfert d’une crise de financiarisation de l’endettement privé vers le public, des doutes sur les économies américaines (avec le débat sur le plafond d’endettement) et japonaises vers la zone euro… D’ailleurs, le président Obama serait tenté de laisser les choses en l’état dans l’attente des élections de 2013. Comme dans tout bon roman policier, posons-nous la question : à qui profite le crime ?

Depuis 2008, la structure des marchés a été mise sous contrôle mondial par le G20, lui-même renforcé par le Comité de stabilisation financière dont le rôle est un secrétariat technique pour un organisme politique le G20. Et le FMI s’est fixé comme objectif de surveiller le déséquilibre des comptes pour assurer une meilleure financière. Au niveau européen, trois agences de supervision (une pour les banques, une pour les assurances et la dernière pour les marchés) ont la responsabilité de travailler avec les organismes européens pour une meilleure compréhension et maîtrise des problématiques de ces secteurs financiers.

Mais devons nous aller au-delà pour créer une véritable union bancaire et financière ? Le Conseil européen des risques systémiques, à mettre en parallèle avec la même structure américaine, fut un premier pas vers un renforcement d’une architecture financière européenne. Ensuite, le renforcement du contrôle prudentiel des institutions financières via Bâle 3 ou Solvency 2 sont des étapes importantes.

On ne peut donc pas nier que des régulations financières avancées sont en place, mais il reste à savoir non seulement quelle est la distorsion de concurrence Europe/Etats-Unis sur l’application de ces règles, mais aussi si ces règles prudentielles sont pleinement adaptées à la conjoncture économique ? Ainsi l’accélération de Bâle 3 pour une mise en application en 2013 versus 2017 ne sera pas neutre dans le financement de l’économie. Cette guerre des modèles industriels et de compétitivité des systèmes bancaires est déjà existante : le ratio de liquidité va être imposé aux banques françaises et européennes, mais les Etats-Unis et l’Asie ne l’appliqueront pas. Ce probable affaiblissement des banques européennes va renforcer la prédominance des banques anglo-saxonnes et renforcer la dépendance de la zone euro vis-à-vis de la gestion de la dette obligataire. Mais aussi, Solvency 2 va avoir des conséquences dramatiques sur les comptes des compagnies d’assurance, lesquelles ont déjà vendu entre 400 à 450 milliards d’actions d’entreprises privées depuis ces dernières années… cela ne va pas dans le sens d’un financement long terme de notre économie…

De même, le politique a voulu mieux réguler les transactions off-shore, mais rien ou peu de choses ont été entreprises contre ces centres financiers off-shore, ils continuent d’exister sans réel contrôle des transactions. Seulement 10 % des marchés de capitaux sont considérés comme transparents, les 90 % restant sont totalement opaques, traités de gré à gré via les fameuses « dark-pool ». Et tous ces fameux produits dérivés sont gérés par un oligopole inavoué de banques anglo-saxonnes ; celles-ci essayent par tous les moyens de sortir nos banques européennes de ces marchés extrêmement profitables et spéculatifs… elles ont défendu la théorie des marchés efficients qui s’efforce de démontrer que les marchés se régulent sans intervention extérieure. Tout cet oligopole est au service du renfort de la monnaie dollar… Et cerise sur le gâteau, 80 % de cette opacité des transactions est directement gérée par la Bourse de Londres, pays membre de l’Union européenne !

Si l’Europe veut vraiment passer à l’offensive, il va falloir aller très loin sur le plan institutionnel pour restaurer la confiance des investisseurs. La mutualisation de la dette à travers les fameux Eurobonds (encore faudrait-il savoir qui doit les gérer !) doit aboutir à une fédération d’États indépendants, mais solidaires avec une ligne de partage claire entre Parlement européen et parlement national. Et ne faudrait-il pas aller vers une véritable union européenne bancaire et financière pour lutter contre la fragmentation des marchés qui ne concoure pas assez au financement de l’économie au profit d’opérations de spéculations ?

Penser et croire que la solution puisse venir du dehors de la zone euro, de nos alliés dollar, yuan ou yen (lesquels yuan -ou renminbi- et yen viennent de créer une zone monétaire locale pour les transactions) est une erreur dramatique, nous ne sommes pas dans le monde des « bisounours »… le mouvement tectonique entre les plaques dollar et yuan-yen a commencé au détriment de l’Euro.

Le dernier véritable actif européen c’est la zone euro ! Nous avons un PIB européen supérieur à celui des États-Unis, mais la naïveté n’a plus lieu d’être dans cette lutte de géants, lutte dans laquelle tous les coups sont permis !