La réforme du secteur public est bel et bien en marche en Europe, même si son rythme et son style diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre.

Ces divergences trouvent leur origine dans des attitudes très différentes selon les pays, notamment suivant la taille et le rôle de l’État. Ainsi, en Suède, on insiste sur la prestation directe par le secteur public, alors que le modèle anglo-saxon est plus orienté vers la privatisation.

Mais les services publics, dans presque tous les pays européens, font actuellement l’objet de pressions pour gagner en efficacité, atteindre leurs objectifs budgétaires et, dans de nombreux cas, réduire leurs coûts.

 

Financer les investissements : une pression accrue pour le DAF

Pour effectuer les investissements majeurs dont il a besoin, le secteur public doit attirer le financement privé. Cela représente une pression particulière pour leurs directeurs financiers qui doivent prendre des décisions quant à la prestation directe ou à l’impartition1 des services publics, ainsi que, si besoin est, sur le choix et la structure des partenariats public-privé.

Ces derniers peuvent être définis comme des accords faisant intervenir un élément de partage des risques entre les secteurs public et privé, dans la prestation de services publics.

Ont récemment été étudiées les tendances d’investissement et de financement dans les divers secteurs de services publics2 de six pays européens – la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Espagne et le Royaume- Uni – qui ont mis en place des modèles de partenariats public-privé faisant pour beaucoup appel à des capitaux privés.

Actuellement, même si tous les pays européens étudiés en sont à des stades de développement et de mise en place de la réforme très divers, on observe des tendances communes : les contribuables et les gouvernements exigent des services publics un investissement qui, dans de nombreux cas, ne peut provenir uniquement des coffres de l’État. Le financement des investissements peut aujourd’hui être assuré par des solutions de location et de partenariat public-privé. Il est donc primordial, en cette époque de contraintes budgétaires, d’exigences accrues en matière de transparence et de responsabilisation au sein des services publics de tous les pays d’Europe ou presque, de disposer au sein des services publics de directeurs financiers hautement qualifiés connaissant et ayant déjà expérimenté une gamme plus complète d’outils de financement, actuellement utilisés par le secteur privé en vue de faciliter l’investissement en période de contrainte budgétaire. Le directeur financier new look jouit donc d’un statut bien plus élevé que son prédécesseur et dispose de l’expertise et de l’expérience nécessaires pour maîtriser tous les outils de financement à la disposition du secteur privé.

 

Une participation accrue du DAF aux processus de décision stratégique

La réforme du secteur public entraîne donc la création d’une nouvelle « espèce » de directeur financier dans les services publics. Efficacité, responsabilisation et transparence sont désormais à l’ordre du jour, et ce même dans les économies où le rôle de l’État va probablement rester dominant, en raison du contexte politique général.

Auparavant, le responsable financier des services publics jouait un rôle de gardien des finances publiques, avec pour mission d’examiner scrupuleusement les dépenses, sans réellement s’impliquer dans la formulation stratégique. Cette fonction connaît une profonde mutation. Il est aujourd’hui un « facilitateur » d’investissement dans l’innovation technologique, les infrastructures et les services destinés à réduire les coûts des services publics tout en améliorant la qualité. En outre, sa place au sein de l’équipe de direction a évolué. Dans l’ensemble, deux tiers des experts financiers du secteur public européen pensent que leur “participation et influence sur le processus de décision stratégique”, tout comme leur “connaissance des détails opérationnels”, se sont considérablement accrues. En France, jusqu’à 71 % des directeurs financiers estiment que leur “participation au processus de décision stratégique” a augmenté.

 

Priorités et objectifs du DAF

De manière générale, l’objectif numéro un des directeurs financiers reste les économies de coûts, fait peu surprenant puisque la plupart des pays étudiés sont actuellement confrontés à de fortes pressions budgétaires. La « conformité réglementaire” constitue également l’une des premières priorités en France et en Espagne3. Au Royaume-Uni et en Suède, les systèmes de budgétisation du secteur public fondent leur stratégie sur les résultats et « l’amélioration de la responsabilité financière ».

 

Les passages entre privé et public

Ainsi, contre toute attente, 57 % des décideurs financiers interrogés indiquent être issus du secteur privé et 25 % d’entre eux y ont travaillé plus de cinq ans.

Cette double expérience4 paraît très recherchée au Royaume-Uni, l’économie la plus orientée, parmi les pays étudiés, vers la privatisation et les PPP.

Le fossé salarial entre le secteur privé et le secteur public pour les postes de responsables financiers s’est de toute évidence suffisamment réduit pour rendre le secteur public attractif auprès de candidats hautement qualifiés.

Cela témoigne de l’adoption délibérée par le secteur public d’une stratégie visant à attirer des directeurs financiers ayant acquis une expérience dans le secteur privé. Néanmoins, 60 % des responsables financiers français ne possèdent aucune expérience du secteur privé, ce qui contraste avec la tendance générale en Europe.

 

1 NDLR : terme équivalent à celui, plus usité dans le langage courant, d’externalisation.

2 Définis comme : gouvernement, services d’urgence, éducation, santé, transports, eau, services environnementaux et énergie.

3 Audit national dans l’Union européenne, Cour des comptes, 2006, “À compter de 2007, la Cour des comptes française va soumettre au parlement un rapport certifiant les comptes de l’État.”

4 The Shareholder Executive and Public Sector Businesses, National Audit Office, 28 février 2007.

 

Contribution originale pour la revue échanges, n° 248, novembre 2007.