Le 11 janvier 2011, le Crédit Suisse a durci ses règles sur les bonus en décidant de baisser le seuil (de 125 000 à 50 000 francs suisses, ou 40 000 €) au-delà duquel les dits bonus de ses salariés seront sujets à paiement différé au titre de l’année 2010. Le complément sera versé sous forme d’actions ou de « cash », apporté progressivement entre 2012 et 2015, en supprimant l’effet de levier des actions ou en réduisant la partie « cash » – en cas de pertes de la division concernée. Mécanisme novateur ou simple effet d’annonce au pays de la Banque par excellence ? Déjà en 2008, le Crédit Suisse avait revu les outils et mécanismes de calcul de l’attribution des bonus.

 
Au Royaume-Uni, la Financial Services Authority (FSA) avait largement transposé la directive européenne CRD3 et les indications du Comité Européen des Superviseurs Bancaires (CEBS) dans un code dont les principes ont été publiés en décembre 2010. Sous la pression des régulateurs, des hommes politiques et de l’opinion publique, la place de Londres pouvait difficilement rester immobile. Plusieurs décisions ont été promulguées, dont l’arrêt des bonus garantis ou le versement différé des deux tiers de leur bonus sur 3 ans. La Securities and Exchange Commission (SEC) a également proposé une réglementation analogue.

 
Force est de le constater : le 18 février 2011, nos grandes banques françaises étaient toujours fort silencieuses sur le sujet… se contentant de pointer, directement ou via les organisations adéquates, le risque sur leur compétitivité et sur la perte possible de leurs meilleurs traders, au profit d’autres pays qui n’appliqueraient pas les mêmes réglementations. Allant jusqu’à émettre l’idée d’un risque de délocalisation de ces activités !

 

 

Dans ce contexte, il est instructif de prendre connaissance d’une étude réalisée sur les bonus des dirigeants de banque par PwC et la London School of Economics, publiée dans les colonnes du Financial Times le 27 février 2011 : « Lorsqu’on demande s’ils préféreraient une réduction de 75 pour cent de chances de recevoir 250 000 £ immédiatement, ou de 75 pour cent de chances de recevoir 400 000 £ en trois ans, plus de la moitié des 100 cadres interrogés ont choisi la plus petite somme disponible tout de suite ».

 

 

L’interprétation littérale de ce résultat pourrait être que les dirigeants pensent obtenir un meilleur rendement de leurs bonus sur la même période de trois ans, en les plaçant par le biais d’investissements personnels. Ce qui pourrait expliquer le moindre attrait déclaré par ces dirigeants pour des bonus différés.

 
Mais une autre interprétation est possible : manque de confiance dans l’avenir, désir de prendre leur « dû » rapidement sur la base de résultats de court terme, absence de volonté de s’associer à la performance à long terme de leur entreprise…
Alors, pour compenser cette perception négative des dirigeants des bonus différés, force a été de trouver des éléments de parade tout en préservant les apparences : hausses du salaire fixe compensant habilement les baisses de prime de performance, création de « primes de performance exceptionnelle » comme motivation à court terme.

 

 

Résultat : la rémunération globale (différés inclus) des banquiers a augmenté de 6 % en 2010 par rapport à l’année précédente, nous dit le rapport de Thomas DiNapoli, contrôleur démocrate de l’Etat de New York, au sujet des bonus de Wall Street, publié le 23 février 2011 (même si la fraction payée en cash a diminué de 8 % pour la même période).

 

 

Rien n’a vraiment changé, on a habillé la mariée différemment.