Alors que tous les signaux étaient au vert il y a 12-18 mois pour anticiper une remontée rapide des taux d’intérêt euro à l’instar des taux US, la situation est aujourd’hui bien différente. Revenue à ce que l’on connaissait il y a plusieurs années, elle mène certains à penser que les taux ne remonteront pas avant longtemps.

Toutefois, il faut garder en tête que toute anticipation peut s’inverser rapidement. Le cas américain est un bon exemple. De plus, pour surveiller une remontée des taux, il faut distinguer les indicateurs. Premièrement, l’Euribor, indicateur des « taux courts » qui s’applique au calcul des intérêts des emprunts à taux variables. Il est proche des taux administrés par la BCE. Deuxièmement, le taux de swap à 5 ans, référence pour les entreprises car souvent proche de la duration des dettes. Il permet de calculer le prix des couvertures d’une maturité similaire, swaps ou caps.

Autant l’Euribor 3 mois est stable (entre -0.33% et -0.30% depuis fin 2016) car plus étroitement piloté par la BCE, autant le taux à 5 ans est volatil (allers-retours entre 0.48% et -0.34% depuis 2015) car lié à l’offre et la demande au gré des anticipations d’activité et d’inflation, et au Quantitative Easing actuellement. Autrement dit, sauf inversion brutale de la courbe des taux (scenario de « stagflation »), le taux à 5 ans sera probablement remonté avant que les Euribor ne redeviennent positifs, entrainant le coût des couvertures dans leur sillage.

En termes de stratégie de couverture, nous voyons deux tendances. Ceux qui pensent que les couvertures sont inutiles, utilisant leurs anticipations comme critère de couverture ; et ceux qui se couvrent en logique d’assurance, pour protéger les frais financiers et la trésorerie de l’entreprise contre les scénarios défavorables.

Dans ce but d’assurance, il faut toutefois choisir une stratégie : (i) non pénalisante si les taux montent fortement ou restent négatifs (attention aux swaps en période d’Euribor négatif lorsque les financements incluent un plancher sur l’Euribor !), (ii) dimensionnée correctement sur chaque année du financement en fonction de la cible de frais financiers et (iii) « portable » en cas de refinancement anticipé.

Certaines stratégies personnalisées de cap sont très adaptées à ce contexte. A titre purement illustratif, un cap avec plafond à 0,30% et une échéance à 4 ans vaut actuellement 0,08%/an. Ce coût (prime lissée du cap) s’ajoute aux frais financiers en contrepartie d’un plafonnement de ces mêmes frais financiers si l’Euribor dépasse 0,30% d’ici 4 ans. A titre de comparaison, le même cap coûtait respectivement 0,16% et 0,19%/an fin 2018 et fin 2017.

A contrario, la stratégie de ne pas se couvrir créera probablement un dilemme lorsque les Euribor seront revenus autour de 0% : le DAF devra choisir entre rester à taux variable en risquant de voir l’Euribor monter en zone dangereuse, ou couvrir avec un coût probablement bien supérieur à 0,08% à ajouter à un taux déjà renchéri lui aussi. Le « timing » de mise en place d’une couverture est donc primordial, idéalement juste avant la remontée des Euribor projetés (et non pas du seul Euribor 3 mois). Mais comme il est impossible d’anticiper les marchés à coup sûr, la logique assurance présente de nombreux avantages.

L’option de recourir à un financement à taux fixe est parfois demandée par les DAF dans un but de simplicité. Toutefois, si un taux fixe est en théorie identique à un taux variable couvert, les clauses de débouclement anticipé d’un emprunt bancaire à taux fixe (en cas de refinancement) sont souvent défavorables par rapport à celles d’une dette à taux variable swappée ou capée.

A noter : il est possible de couvrir des dettes futures hautement probables avec des couvertures à départ décalé. Le reporting sera important pour justifier aux auditeurs l’efficacité anticipée de la couverture.

Autre point d’attention : il est courant de confondre la probabilité d’occurrence d’un évènement défavorable et le fait de ne pas y croire. Il faut identifier les signaux qui indiquent la probabilité réelle ou croissante d’un risque, par exemple un sondage proche de 50% avant une élection type Brexit ou US, ou l’augmentation du prix des options de change et les taux d’intérêts négatifs quelques semaines avant la crise du franc suisse en janvier 2015. En logique d’assurance, une stratégie de couverture s’impose quand la conséquence d’un évènement présente un risque majeur pour l’entreprise.

 

Cet article a été initialement publié dans la revue Option Finance n°1510. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.