Nous sommes au cœur (ou peut-être au début ?) de la deuxième grande révolution industrielle. La première a vu l’émergence de l’industrie de masse assise sur les ressources fossiles. La deuxième est sans doute celle de la dématérialisation et de la production d’énergie non polluante. Ce sont des phénomènes de destruction créatrice complexes. Ils créent d’immenses opportunités, mais aussi d’immenses problèmes. Des activités se créent (la musique en ligne, la voiture électrique), d’autres disparaissent (la distribution de disques, les raffineries). Il ne faut pas regretter ces évolutions. Elles constituent le prix du progrès économique. Il ne faut pas non plus tomber en pamoison devant. Avant que les nouvelles innovations aient reconfiguré le système productif, la phase de transition sera douloureuse pour les plus faibles. Ceux qui, en particulier, ne disposent pas d’une formation en phase avec les nouveaux besoin. La transition sera également longue (je développe ce dernier point dans mon nouvel ouvrage, Le Capitalisme idéal, publié chez Eyrolles).

Ces phases de transition sont stimulantes intellectuellement. Elles posent des problèmes sérieux qui semblent ne pas admettre de solutions. Voici trois exemples, par ordre décroissant de gravité.

1/ La faim
Nous seront 9 milliards d’individus d’ici 2050. Déjà, tous les êtres humains ne mangent pas à leur faim. Problème : les surfaces cultivées diminuent (conséquence directe de l’urbanisation) ; les rendements agricoles, après avoir beaucoup progressé, stagnent ; les engrais sont de plus en plus coûteux, et leur rôle néfaste sur la santé, inquiète. En France, on refuse même la recherche sur les OGM. Alors comment faire ?

2/ La dépendance des personnes âgées
Il y aura, en France, d’ici quelques années, plus de 1 million de personnes âgées dépendantes. On découvrira peut-être rapidement des traitements pour soigner la dépendance (qui est, comme le rappellent les médecins, une maladie et non une conséquence directe de la vieillesse). Mais ce n’est pas certain. Or la dépendance en maison médicalisée coûte très cher. De 1500 euros mensuels en province jusqu’à 5000 euros dans certains endroits de la région parisienne. La puissance publique ne peut couvrir ce coût (les départements, qui distribuent l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, sont déjà en difficulté). L’assurance privée non plus, en raison d’un problème bien connu des économistes contemporains : la probabilité de devenir dépendant est relativement faible et, pour la plupart des personnes, éloignées dans le temps. Le taux d’actualisation des individus est alors trop élevé pour les inciter à ce couvrir contre ce risque si abstrait. Alors comment faire ?

3/ La politique monétaire
Pour empêcher l’économie de tomber dans une spirale déflationniste (comme le Japon dans les années 1990), les banques centrales du monde entier ont considérablement diminué leurs taux directeurs en 2008 et 2009, pour les amener, en termes réels, au voisinage de 0%. Les banques ont pu augmenter leurs marges d’intermédiation, et le crédit bancaire, même s’il a souffert, ne s’est pas effondré. Problème, le maintient de taux d’intérêt extrêmement bas envoie un signal erroné au marché en engendre la formation de bulles sur les prix d’actifs. La remontée des taux d’intérêt est donc de ce point de vue urgente. En même temps, augmenter le coût de refinancement des banques revient à diminuer leurs marges, leurs fonds propres, à un moment où elles en ont plus que besoin (en raison du niveau élevé du coût du risque et des nouvelles contraintes réglementaires qui se profilent). Alors comment faire ?

Nous vivons sans doute un mouvement économique colossal, semblable à ce qu’à connu l’humanité au 19e siècle. Ce sera à la fois douloureux et intéressant. C’est une grande porte ouverte à ceux qui savent faire preuve d’imagination.