Dans un précédent billet, je m’interrogeais sur la valeur de l’engagement associatif. Chiffrée dans le cadre d’un dossier de subvention ou de mécénat, son résultat est bien souvent « pauvre » au regard de la réalité de l’implication des bénévoles qui revêt, elle, une valeur inestimable. Une visite de l’exposition « Icônes de l’art moderne, la collection Chtchoukine », à la Fondation Louis Vuitton à Paris nous permet, avec son initiative futée pour la dernière semaine d’exposition, de nous poser cette question : que vaut un acte gratuit ?

Littéralement prise d’assaut, cette collection russe battait des records de fréquentation et avait franchi le million de visiteurs. Pour les derniers jours d’exposition, les visiteurs pouvaient bénéficier d’horaires étendus avec une amplitude d’ouverture de 7h du matin à 23h. Cependant, il restait peu de places en vente : me voici donc, devant la Fondation Louis Vuitton, le dimanche 5 mars 2017 à 8h, soit le jour de fermeture définitive de l’exposition.

Première expérience cliente : arpenter les salles du célèbre bâtiment dessiné par Frank Gehry, à l’orée du bois de Boulogne, dès potron-minet pour y admirer des œuvres majeures. Magnifiques prémices d’une journée qui s’annonce formidable malgré la pluie battante.

Mais là n’est pas le propos ! Car c’est surtout la deuxième expérience cliente, intitulée fort à propos Morning Chtchoukine qui m’a interpellée : pour toute visite réservée entre 7h et 9h, le petit-déjeuner est offert. Un argument singulier qui séduit les grands comme les plus jeunes, dès la réservation de nos places sur internet, et se confirme par le café et les croissants qui n’attendaient (presque) que nous…

Pourtant, la Fondation Louis Vuitton n’avait nul besoin d’offrir quoi que ce soit pour attirer plus de monde à ces visites matinales, car dès 6h45 du matin c’est déjà l’effervescence, et à 8h l’attente pour les malheureux sans billet est estimée à plus de deux heures.

Mais alors, pourquoi ce geste ? Probablement, pour trois raisons. La Fondation se veut non seulement moderne, mais surtout différenciante, en réelle rupture avec les codes et les usages de l’offre culturelle française actuelle. C’est également un réel investissement sur l’avenir car la qualité de l’expérience vécue nous a procuré le sentiment d’être privilégiés. Nous saurons, chacun, nous en souvenir. Enfin, pour le pouvoir sans pareil du networking car, depuis lors, je partage cette « aventure éphémère » et la satisfaction ressentie avec tout mon entourage.

Bravo à la Fondation Louis Vuitton d’avoir conçu cette expérience mémorable, d’avoir trouvé de nouveaux leviers d’enchantement jusqu’alors assez peu explorés en France, et d’avoir su remettre à l’honneur les émotions dès l’entrée du musée, et ce avant même la découverte du premier tableau.

Quels outils de mesure pour ce type d’initiative ? Un indice de recommandation ? Un baromètre de la confiance dans la marque Fondation Louis Vuitton ? Un indicateur de suivi de visite et de retour sur les lieux ?

Les professionnels des études et du comportement consommateurs auront certainement des propositions à nous formuler. La seule certitude, c’est que la satisfaction naîtra également, à l’avenir, de la capacité de la marque à répondre à toutes mes attentes, latentes ou exprimées.

Mais la Fondation a déjà marqué un point majeur : il me tarde de découvrir la prochaine exposition… avec ou sans petit-déjeuner !

Cet article a été dans le numéro d’avril 2017 de la revue finance&gestion.