« La spéculation est une attaque contre la zone euro » « Nous avons besoin de renouveler la confiance, de revenir à des finances publiques saines », a indiqué le Premier ministre français qui a ajouté que les dernières mesures budgétaires annoncées aujourd’hui forment « Un train de mesures qui ne saurait toutefois être considéré comme un plan de rigueur ».
Le même premier ministre avait maladroitement indiqué en 2007 lors d’un déplacement en Corse qu’il « était à la tête d’un pays en faillite virtuelle » !
Quel monsieur Fillon croire ? Les marchés financiers nous répondent aujourd’hui. Qu’allons-nous leur dire?
Après la faillite de Lehman Brothers, les filets de sécurité traditionnels étaient présents: les états, les banques centrales, le FMI.

Cette année, il devient clair que la barrière de protection (permettant de nationaliser les dettes privées bancaires) que représentent les états est rompue. Aussi, restent disponibles les instituts d’émission et le FMI.
Concernant les premiers, force est de constater que la FED et la Banque d’Angleterre ont outrancièrement gonflé leurs bilans en acceptant de refinancer les titres souverains détenus par les banques et ont aussi acheté directement des emprunts d’état américains et britanniques. Plus de place de ce côté ce qui n’est qu’ennuyeux pour les américains mais est dramatique pour nos amis anglais et par extension les pays européens hors zone Euro.

Le FMI a renforcé ses réserves en 2009 afin de pouvoir faire face à des demandes de pays périphériques mais en aucun cas d’assister un pays majeur. Le FMI dispose actuellement de capacités proches de 750 milliards d’USD qu’il faut comparer au total de bilan de BNPP qui est d’un montant triple !
Restent donc disponibles pour assister les grands pays de la vieille Europe la BCE et… la Banque centrale de Chine, les fonds souverains pétroliers…

Comme au même moment, les BRIC sont dans une santé insolente au point que certains ont instauré une taxe sur l’importation de capitaux, et ont toute latitude pour mettre leurs ressources financières au service de leurs propres économies qui prendraient le relais d’exportations déclinantes vers l’Europe, on voit mal pourquoi leurs banques centrales viendraient nous aider.

La BCE est donc la dernière digue avant un marasme retentissant. Au fond l’Europe doit se sauver elle-même ! Or le temps n’est plus d’envisager de modifier les traités en cours. A tort ou à raison la Banque Centrale Européenne, a annoncé qu’elle ne ferait pas fonctionner la planche à billet, il n’y aura donc pas de remède inflationniste.
Si les déficits européens se poursuivent à ce rythme, la crise de liquidité se transformera en assèchement généralisé conduisant à des situations non pilotables. A certains égards, mais sans catastrophisme excessif, le choix est celui de Daladier à Munich en 1938 : le déshonneur ou la guerre. On connait la suite, les européens ont eu à la fois le déshonneur et la guerre. L’Europe actuelle a connu le déshonneur avec la crise grecque et celle des pays périphériques, elle aura la guerre économique.

Après avoir trop longtemps et coupablement tergiversé sur la gouvernance économique de l’Europe et sur la gestion de la crise grecque, chacun se voilant les yeux, et piétinant les traités, le fameux 3%, pour ne pas mentionner le ratio d’endettement de 60% que tous les pays fondateurs ne respectaient déjà plus en 1999, il reste donc à organiser le marasme.
On peut certes arguer que les critères de convergence sont/étaient trop strictes, qu’il fallait les imaginer dynamiquement (fourchette entre 2% et 5% selon l’état de l’économie par exemple)… Tout est à reconstruire, et prendra du temps.
Dès lundi 10 Mai, seront derrière nous les élections générales britanniques et régionales allemandes et les vrais sujets pourront être abordés. Il est donc urgent de trouver des solutions souples hors traités et, surtout, convergentes.
Tous les pays européens vont devoir faire des efforts budgétaires et la France n’est pas dans une situation si florissante pour co-diriger l’orchestre ! Les recettes macro-économiques utilisées par les pays les plus méditerranéens devront être appliquées partout, avec plus ou moins de force, mais fermement. Car au fond, toute l’Europe vit depuis de nombreuses années au-dessus de ses moyens, laissant ses richesses filer vers les pays émergents.

Au-delà des actions nécessaires de faire rendre gorge à la spéculation, non pas par efficacité mais par équité, il est temps d’affirmer que la France a besoin d’un plan de rigueur. De même que les Allemands ne comprenaient pas que l’âge de la retraite en Grèce était à 53 ans, de même les Espagnols, qui ont fixé la barre à 67 ans, n’accepteraient pas que les Français restassent à 60 ou même 63 ans.
Pareillement, les impôts vont augmenter à tous niveaux et les dépenses baisser. La suppression des niches fiscales pour un montant de 5 milliards d’euros sera insuffisante techniquement et politiquement. Comme les anglais l’ont fait, l’IRPP devra augmenter ainsi que la TVA et la CDS/CRDS car leur assiette est large. Bien sûr l’IS également devra être accru en prenant garde de cibler les mesures afin qu’il n’y ait pas d’atteinte à la productivité internationale du pays et que soit préservé voire renforcé l’effort de recherche. Parallèlement, et au-delà d’une stabilisation en valeur des dépenses publiques nationales, des efforts complémentaires devront être consentis sans impacter les dépenses d’investissement visant à améliorer notre économie sur la scène économique mondiale.

Est-ce possible en France ? Le Parlement, à l’unanimité moins les députés communistes, a voté le plan de soutien à la Grèce. Ne saurait-on nous sauver nous-mêmes ?
On a voulu « solder mai 68 » sur les principes. Il faut solder le « mai 68 économique » celui qui a conduit une génération à vivre en tirant des traites sur celle de ses enfants.

Certes, l’impact sur la croissance d’une hausse drastique de la fiscalité est mal connu, ou tout au moins fait l’objet d’avis divergents. Mais la situation actuelle est devenue sans contrôle et personne n’en connaît la résultante économique.
Plus que la chasse, nécessaire, aux spéculateurs, le discours de la rigueur au fond, aura une certaine noblesse, comme un devoir. C’est « l’Espoir » de Malraux : Tcheng choisit de conserver son destin en main, jusqu’au bout. C’est « l’homme en marche » de Giacometti qui ne plie pas. C’est Mishima ou Montherlant !

Le suicide en moins !