Les normes comptables internationales, IFRS, font l’objet de critiques importantes en ce moment sur la place parisienne, en particulier de la part du président de l’Autorité des normes comptables (ANC), comme en témoigne l’abondance d’articles de presse publiés sur ce sujet (dont une interview importante dans la revue Échanges de décembre 2012. Dans ce contexte singulier et, de mon point de vue, largement propre à notre pays, je souhaite revenir sur quelques-unes des critiques récurrentes. Un dirigeant d’entreprise cotée, un administrateur, qui rendent compte en suivant le référentiel IFRS, s’interrogent de façon légitime sur ce qui se passe en France dans le domaine comptable et peuvent trouver utile de recevoir l’éclairage de quelqu’un  qui participe directement à l’établissement des IFRS.

Certaines critiques émanent de la profession bancaire, d’autres de professionnels de la comptabilité. Dans bien des cas, leurs affirmations, révèlent soit une inexcusable méconnaissance de la réalité des normes IFRS, soit une volonté délibérée de désinformer le public. Le G20 continue à insister auprès de l’IASB pour qu’il travaille activement à créer une seule norme comptable mondiale de qualité, et la Commission européenne s’est vu confirmer par les ministres, lors du sommet ECOFIN du 13 Novembre 2012, qu’il n’était pas question de revenir sur la décision d’adopter les IFRS, prise en 2002. Dès lors, l’incohérence de certaines prises de position avec ces objectifs adoptés au plus haut niveau, y compris par la République française, pose un sérieux problème et affecte la crédibilité de notre pays dans les enceintes internationales, notamment celles où se déroule le travail de normalisation. Les normes IFRS, une fois adoptées par Bruxelles, sont juridiquement des règlements européens et constituent pour les sociétés cotées françaises, la loi de la République ; l’application de celle-ci est vérifiée par leurs commissaires aux comptes, sous le contrôle de l’AMF. L’émetteur soucieux de légalité ne peut donc qu’être troublé par une hostilité quasiment de principe affichée par ces commentateurs.

Le lecteur trouvera  en référence internet une note qui répond aux dix critiques qui me semblent être le plus souvent formulées en France. J’ai délibérément limité son champ aux questions techniques, sans méconnaitre que des questions importantes existent sur les voies et moyens à suivre pour atteindre les objectifs assignés à l’IASB et à son homologue américain le FASB,  lors du sommet du G20 de Washington en 2008, et qui sont toujours d’actualité. Le lecteur trouvera également sur le site web de la Fondation IFRS un document, mis à jour régulièrement, qui expose par le détail les actions entreprises par l’IASB en réponse au rapport du G20. Dans une large mesure, les compléments et amendements apportés aux IFRS depuis 2009 répondent au plan de route fixé par le G20. Mais le monde change constamment. De nouveaux problèmes économiques apparaissent périodiquement, qui imposent de revoir les normes. Aucun référentiel comptable ne peut jamais être considéré comme parfait et « achevé ». Il en va de même des IFRS. Certains chantiers importants ne sont pas encore achevés, notamment parce qu’il est compliqué d’assurer à la fois la convergence avec les normes américaines et la prise en compte des besoins des différentes économies de la planète, auxquelles s’adressent des normes internationales. Je ne nierai donc pas que certains problèmes doivent encore être réglés, que les IFRS sont encore perfectibles. Mais la stabilité absolue du référentiel, réclamée par certains, est un rêve impossible. Je sais aussi que certains projets de normes en cours de discussion ne sont pas populaires. Un processus complet et transparent de consultation par l’IASB d’abord, par l’EFRAG ensuite, permettra d’aboutir à des solutions assurant un bon équilibre entre les coûts de mise en œuvre et les avantages au plan de la transparence financière. En dernier ressort, la Commission européenne consultera les Etats Membres et décidera (ou non) de leur adoption.

Regardons avec réalisme ce qui existe aujourd’hui, et mesurons le chemin parcouru en dix ans. Plus de 100 juridictions requièrent ou autorisent l’application du référentiel IFRS pour la communication financière. Les deux tiers des pays du G20 l’ont adopté. Ceux qui ne l’ont pas encore adopté (USA, Japon, Inde…) permettent aux émetteurs étrangers d’y recourir pour accéder à leur marché financier national. Le Japon et l’Inde permettent à leurs sociétés cotées de communiquer en IFRS. Environ la moitié des sociétés de la liste des Global 500 du magazine Fortune communiquent en IFRS, et ce nombre augmente chaque année.

Il me faut naturellement préciser que les vues exprimées ici n’engagent que moi, et ne sauraient être considérées comme une prise de position officielle de l’IASB ou de son personnel.

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