Vers une reprise des opérations de fusions-acquisitions
Comme souvent en France, l’on parle beaucoup de macroéconomie (l’auteur de ces lignes tombant lui aussi régulièrement dans ce panneau) en oubliant parfois que la crise n’est pas seulement affaire de recul du PIB, de risque de déflation et d’augmentation des déficits publics, mais aussi de restructurations industrielles massives. Le propre de la crise, c’est en effet de révéler un phénomène de surproduction dans certains secteurs. Pour cette crise-ci, il s’agit essentiellement de la banque/finance, de l’automobile, des biens intermédiaires (chimie ou matériaux de construction, par exemple) et de la fabrication de matériels informatiques…
Ce phénomène de surproduction devra se résoudre par une réduction de l’offre qui passe, soit par des faillites d’entreprises, soit par des rapprochements entre acteurs. C’est pourquoi, dans ces secteurs, il faut s’attendre à un vaste mouvement de restructurations qui devra passer notamment par des fusions-acquisitions. C’est ce que l’on a commencé à voir dans le secteur bancaire européen avec la fusion Caisse d’Epargne / Banques Populaires ou avec le rachat de Fortis par BNP Paribas. Le même mouvement devrait toucher l’automobile, d’autant plus que, dans ce secteur, l’effort de recherche et développement devra certainement s’intensifier, ce qui milite également pour davantage de concentrations. Enfin, dans l’informatique, la chute de la demande ainsi que le recul continu des prix de vente (et donc des marges) devrait également déboucher sur une diminution du nombre d’acteurs. La Commission Européenne pourrait à cet égard adopter ces prochaines années une approche plus pragmatique que par le passé, en assouplissant le droit européen de la concurrence (en tout cas, on l’espère).
Il est important de noter que ce mouvement de concentration, qu’on attend très intense, pourrait se faire au moins partiellement via des F&A transnationales. Nouveauté : il pourrait s’agir de F&A Sud-Nord, c’est-à-dire d’acquisitions d’entreprises occidentales par des entreprises à capitaux issus des pays émergents, parfois effectuées de manière hostile. Ainsi, Mittal a racheté Arcelor et Tata a acquis Jaguar. Il arrive que les entreprises acheteuses aient un chiffre d’affaires inférieur aux entreprises cibles, mais une capitalisation boursière beaucoup plus élevée. Les F&A Sud-Nord devraient se multiplier pendant la crise dans la mesure où l’épargne, et donc la capacité d’achat est généralement aujourd’hui plus forte dans les pays émergents que dans les pays riches.
Nicolas Bouzou