Vive l’euro… à parité avec le dollar
L’Euro se craquèle! Cela signifie-t-il qu’il est proche de la fin? Pas vraiment. Si la situation est bien gérée, la dépréciation de l’euro ne sera rien moins que la suite du traitement administré à la Grèce et aux autres pays du sud de l’Europe. Paradoxalement, la faiblesse de l’Euro est une condition de sa survie !
Le propre des marchés est d’emprunter des voies de rupture impénétrables. Ils ont donc fait chuter l’euro plus par peur du lendemain que pour trouver une voie de sortie de crise ! On peut donc penser que les mouvements actuels de l’euro sont plus une bonne chose qu’une tragédie. C’est le rôle des décideurs politiques de corriger la maladresse des marchés dans de telles périodes de confusion collective.
Les premiers bénéficiaires d’un euro affaibli sont les pays d’Europe du sud qui souffrent tous d’une perte de compétitivité ; la Grèce n’en ayant été que l’archétype.
La Grèce se retrouve en face d’un choix: celui qu’a fait l’Irlande en 1982, et celui qu’elle a fait en 1987. En 1982, pris dans une profonde récession et lotie d’une dette croissant annuellement au rythme de 5 points de PIB, l’Irlande a réalisé des coupes sombres dans son budget. Le résultat a conduit à une dépression plus sévère et un endettement plus fort qu’auparavant. En 1987, l’Irlande a recommencé. La consolidation économique a cette fois été un succès, la dette se réduisant et la croissance excédant 4% par an. Comment expliquer la différence entre ces deux épisodes ?
La première raison tient dans la réponse fiscale à la crise qui a privilégié la réduction des dépenses (en 1982) aux hausses d’impôt (5 ans après). Cela ressemble à ce qui se passe en Grèce en ce moment… avec une différence majeure. En 1982, le punt s’est apprécié alors qu’il a suivi le sens inverse (-11%) en 1987. La même situation a été observée en Italie dans les années 90 et en Argentine en 2001. Question : comment la Grèce peut elle faire alors qu’elle n’a plus la maîtrise de sa monnaie ?
La Grèce appartenant à la zone euro, d’aucuns pensent que le redressement et le regain de compétitivité de la Grèce passera nécessairement par une déflation et une récession. Ceci n’est plus exact car l’Euro possède une importante marge de variation de sa parité contre le dollar US et les devises des pays émergents.
Pour la zone euro, ce mouvement de la devise aura un impact limité puisque une part importante de son commerce est intra-communautaire. Mieux, et comme par miracle, 56% des exportations grecques sont destinées à des pays hors de la zone Euro : 50% si on inclut dans le paysage le Royaume-Uni et deux autres pays ayant gardé leur devise propre.
Une dépréciation de 30% de l’euro comblerait le déficit de la balance commerciale grecque en augmentant les exportations et en renforçant les rentrées touristiques (70% des exportations) puisque 30% des touristes, sensibles au niveau de la devise, sont ressortissants de pays hors euro.
Par ailleurs, la dette grecque étant majoritairement libellée en Euro, le pays est fortement immunisé contre une dépréciation de l’euro.
Le second bénéficiaire de la baisse de l’euro sera l’Allemagne qui vend 40% de ses exportations à des pays “non-euro”. N’ayant pas besoin de gagner en compétitivité, l’Allemagne pourra se permettre de faire usage de cette nouvelle marge de manœuvre au profit d’une expansion domestique qui, à son tour, accroîtra les exportations vers l’Allemagne, de pays européens en difficulté.
Les gouvernants européens devraient encourager cette dépréciation actuelle de l’euro au lieu de la contrecarrer ! La BCE doit prendre garde à ce que ses interventions éventuelles ne mettent le clou final au cercueil de l’euro. Il faut baisser les taux d’intérêt au maximum et les conserver à ces niveaux pendant une période suffisante. Cette politique ne se substituerait pas aux réformes fiscales, elle les accompagnerait.