Les taux obligataires se tendent !

Les taux grecs à 10 ans ont atteint un nouveau record mardi 27 Avril, dans la matinée, entraînant dans leur sillage les rendements des autres pays fragiles de la zone euro. Les credit default swaps (CDS) à cinq ans sur la dette grecque ont grimpé à 718 points de base, un nouveau record, portant à 718.000 euros le coût de la protection sur 10 millions d’euros d’emprunts d’Etat grecs contre 708.000 euros lundi à la clôture de New York, Les taux d’intérêt à 10 ans à 9,49% et à 10,4% à deux ans.

Parallèlement, les rendements des pays périphériques, les moins « sûrs » de la zone euro, se sont fortement tendus, faisant craindre une contagion de la crise à d’autres pays. Ainsi, les CDS du Portugal ont inscrit un nouveau record à 316,6 points de base, contre 311 pdb lundi, soit des taux d’intérêt à 10 ans de 5,20% et de 4,1% à deux ans. Le coût de protection contre un risque de défaut de l’Irlande et de l’Espagne a également progressé.

Il convient de noter que, bientôt, ces pays dits « périphériques » ne pourront emprunter qu’à un taux supérieur au 5% prévu dans le plan européen. Prêter aux Grecs et affecter sa signature est une chose, prêter aux Grecs et générer des coûts de financement pour les contribuables portugais, espagnol, irlandais… en est une autre !. On aurait vite fait de voir les prêts bilatéraux européens réduits à des opérations franco-allemandes. Et puisque les allemands rechignent…

La situation n’a jamais été aussi grave ? Voire !

Selon un officiel du Trésor américain : «Si des pays de l’Union européenne devaient prévoir des ajustements à des problèmes d’ordre budgétaire, cela pourrait entraver la croissance de la zone euro et les exportations américaines vers cette région». De plus, conséquence mécanique à la baisse de l’euro, le dollar grimpe, ce qui pourrait «nuire à la compétitivité des exportations américaines» et favoriser les pays exportateurs naturels tels que l’Allemagne, les Pays-Bas…

Tout n’est donc pas si grave? Voire !

Notre « officiel estime que la possibilité que la crise budgétaire grecque débouche sur un grand choc des marchés financiers est réelle et cela pourrait se manifester dans le système bancaire ou sous la forme d’un mouvement de retrait général des investisseurs du marché de la dette des Etats»,
Alors, dans ces conditions la période serait grave mais nous n’en sommes pas là.
Pourquoi cette date du 9 mai ?

Elle correspond à la date d’une élection régionale en Rhénanie-Westphalie que la Chancelière pourrait perdre ce qui conduirait à un éclatement de la coalition politique au pouvoir outre-Rhin. Il convient de noter que le fatidique refinancement grec de 8 milliards intervient le 19 Mai. Il est donc tout à fait improbable que nos amis d’outre-rhin cèdent quoique ce soit sur le dossier d’ici le 9 mai. Nos gouvernants doivent trouver les mots pour acheter du temps vis-à-vis de leurs électeurs…car les marchés ne sont plus dupes qui écoutent ce que leur disent le ministre allemand de l’économie et des finances Wolfgang Schaüble : « la Grèce ne sera pas en défaut de paiement, mais la première tranche du prêt bilatéral n’est pas encore débloquée et peut être refusé si les Grecs ne poursuivent pas leurs efforts » jusqu’à un point satisfaisant le FMI… et les Allemands.

Qu’est ce qui pourrait satisfaire le gouvernement allemand ?

– Sachant que les prêts du FMI font l’objet d’un traitement privilégié par rapport aux autres prêts, une exigibilité plus grande, les conditions d’une gestion en « père de famille » conduisent les Européens à ne prêter à la Grèce que lorsqu’elle aura adopté une politique lui permettant de rembourser le FMI PUIS les pays européens. C’est-à-dire que les efforts demandés aux Grecs doivent excéder ceux qui satisfont le FMI !
– Une gouvernance économique adéquate de l’Europe monétaire.
A l’évidence ces deux conditions ne seront pas satisfaites avant le refinancement grec de fin-mai.

Wait and See

Sur ce blog, nous avions expliqué la situation du bouc-émissaire telle que décrite par René GIRARD et Hannah HARENDT et indiqué que ce rôle devait être tenu par le FMI afin que Bruxelles ou Berlin ne jouent pas ce rôle. Ce point de vue reste fondé. En conséquence, Madame MERKEL doit très logiquement attendre, sans s’en mêler d’avantage, que soient achevées les négociations entre Athènes et le FMI. Pendant ce temps, chacun y va de son idée dont la dernière d’entre elles est probablement la plus savoureuse. Il s’agit de faire valider par la Commission et l’Eurogroupe, préalablement à toute présentation devant leurs représentations nationales respectives, les projets de loi de finances des pays membres ! Allemands et Français compris ! La réaction allemande a été immédiate, celle de la France plus silencieuse ! Pourtant, qui accepteraient une telle mesure alors que le traité de Lisbonne a été adopté au forceps ?

Chacun y va aussi de son propos telle Madame LAGARDE qui précise que si les Grecs remboursent, le Trésor Français gagnerait 150 Millions d’Euros faisant ainsi fi de la rémunération du risque de crédit et des conditions de financement des autres prêteurs ! La ministre française est trop brillante pour avoir fait un lapsus d’une telle taille : cette phrase en dit donc long sur les difficultés actuelles des gouvernants à imaginer et jouer un rôle actif en cette période de « wait and see ».
Les choses devraient être plus claires après le 9 Mai sauf s’il n’y avait plus de combattants !
Et si les Grecs décidaient de ne plus solliciter l’Europe ?

Après tout, si le gouvernement grec en venait à approuver et mettre en œuvre les mesures, incontournables du FMI, pourquoi devrait-il emprunter à 5% aux Européens alors qu’il pourrait ne payer que 3,5% au FMI (taux acceptés par toutes les parties à date) ?

Plus on attend, plus, paradoxalement, la position de négociation de la Grèce face aux autres membres de la zone Euro se renforce. A condition que les parties prenantes désirent sauver notre maison monétaire commune, ce qui n’est plus certain tant pour l’Allemagne que pour la Grèce.

En effet, si les prêts bilatéraux devaient atteindre la somme de 90 milliards d’Euros comme évoqué ici et là, au lieu des 30 milliards d’Euros retenu pour l’instant et que les marchés estiment que cet argent ne pourrait être raisonnablement remboursé, alors, le cas grec, avatar moderne du tonneau des Danaïdes, pourrait générer un effet de contagion envers les plus fragiles des pays européens et conduise l’Europe vers des terrae incognitae dangereuses. La solution du FMI devrait être raisonnablement retenue.

De son côté, la Grèce, oubliant les hausses de niveau de vie que l’Europe lui a apportées, s’éloigneraient de Bruxelles et se rapprocherait de Washington à double titre, les Etats-Unis d’une part (la Turquie n’est pas loin !), le FMI d’autre part.
On a beaucoup évoqué ici et là les ravages politiques en Europe d’une telle décision, mais le risque croit. Et c’en serait fini de l’Euro car pourquoi à l’avenir faudrait-il respecter les critères de Maastricht ? Qui resteraient légitimes pour les faire appliquer ? Et que deviendrait l’Euro sans ces critères de convergence ou plutôt de saine gouvernance économique ?
Une monnaie sans l’Allemagne et la Grèce ? Dans cette situation, ces deux pays ne seraient pas les plus affectés. Tout reste donc possible !

Le Traité de Maastricht, tout le Traité de Maastricht !

Le Traité d’union monétaire « de Maastricht » a été rédigé afin que la situation actuelle ne survienne pas. Raté ! S’agit-il d’un vice caché du Traité ? Des coups de couteaux ont été portés dans le contrat à partir de 2005, et cela n’a pas entrainé de réactions virulentes des gardiens du temple bruxellois qui n’en pouvaient mais ! De nombreux pays de la zone Euro ont alors suivi leur ligne de plus grande pente.

Chacun comprend que dans l’urgence, plus aucune construction institutionnelle en Europe ne verra le jour.
Il ne reste donc qu’une issue, la plus évidente, consistant…à ne rien changer sauf à ce que l’Europe applique et ait les moyens de faire appliquer scrupuleusement, aux prix d’amendes renforcées, le traité d’Union Européenne.
Un programme acceptable par l’Allemagne avant et après le 9 Mai, qui sera entériné par les chefs d’état et de gouvernement européens qui se réuniront à Bruxelles le…10 Mai !