Dans un papier du journal The Guardian du vendredi 13 janvier, Danny Quah, professeur à la London School of Economics illustre par une série de graphiques le déplacement de l’activité globale vers l’Asie.
La carte ci-dessous montre ce point. La ligne de points noirs calculée sur la période 1980-2007 est extrapolée par l’auteur jusqu’en 2049 par les points rouges (voir le papier original pour les curieux).

 

S’interrogeant sur la situation du Royaume Uni et sa capacité à prendre en compte ce bouleversement, il compare le comportement de l’économie d’outre-manche avec celle de l’Allemagne.
Pour éclairer son propos il présente l’évolution des exportations vers l’Asie et vers les USA. (attention les échelles ne sont pas les mêmes)

Les 2 graphiques sont repris ci contre. Pour jauger la différence de situation entre les deux pays, on peut caler l’analyse par rapport aux exportations vers les États-Unis.

En Allemagne, les exportations vers l’Asie en développement sont supérieures à celles allant vers les États-Unis. Ce n’était pas le cas, loin de là, au début des années 2000.

Les exportations vers la Chine sont maintenant comparables avec celles allant aux États-Unis.
L’image n’est pas du tout la même lorsque l’on regarde la situation au Royaume Uni. Les exportations vers les États-Unis sont encore très largement au-dessus de ceux allant vers l’Asie en développement, sans parler des échanges vers la Chine qui sont ridiculement bas.

En conséquence, si le centre de gravité de l’économie mondiale se déplace vers l’Asie, il apparaît immédiatement que la situation anglaise est fragile puisque ses exportations ne bénéficient pas de la dynamique de la zone Asie. Le Royaume Uni n’a pas réussi à caler ses exportations sur les zones les plus réactives et les plus rapides de l’économie mondiale.
On peut alors se poser la question de la position de la France dans un tel cadre. Est-ce que la France est plus proche de l’Allemagne ou est-elle plus proche du Royaume Uni.
J’ai refait le même graphique, il est représenté à droite. Deux remarques :
1 – Son allure est spontanément proche de celle de l’Allemagne. Les exportations vers l’Asie en développement sont supérieures à celles allant vers les États-Unis. Il y a cependant un net retard sur les exportations vers la Chine.
2 – Cependant, l’échelle est très réduite par rapport à celle de l’Allemagne. Le rapport est de 1 à 3. Cette question de l’ampleur des exportations qui vont vers les pays émergents d’Asie est essentielle. La dynamique et le volume total des échanges auront un effet d’entraînement plus ou moins fort.
Pour jauger cet aspect, j’ai repris les exportations vers l’Asie en développement et calculé leur poids en pourcentage des exportations vers les pays avancés.
On constate que l’Allemagne est très en avance sur la France et le Royaume Uni.
On a ici une autre illustration du changement de stratégie de l’Allemagne au début des années 2000. La France a modifié la structure de ses exportations mais pas dans des proportions aussi flagrantes. De la sorte, l’effet d’impulsion du commerce mondial via la progression des échanges avec l’Asie n’a pas eu un effet fort et durable sur la croissance. La France privilégie les échanges vers les pays industrialisés, pas vers les pays émergents à croissance rapide.
Le constat sur cet indicateur est du même type pour le Royaume Uni. Le poids de l’Asie en développement est trop réduit pour infléchir la conjoncture anglaise dans la durée. En outre la perception sur les exportations anglaises est qu’elles n’arrivent pas à se vendre dans les pays asiatiques. Il y a là un problème de compétitivité prix et non prix à regarder de près. L’économie anglaise n’intéresse pas les économies qui progressent rapidement.

 

Conclusion

La France a réussi à réorienter ses exportations avec une structure proche de celle observée en Allemagne. Cependant les volumes en jeu sont trop réduits pour créer une impulsion favorable pour l’activité. Les exportations vers les pays avancés à faible croissance sont trop importantes. La France ne bénéficie d’un impact fort du commerce extérieur que lorsque l’économie européenne va franchement bien. Si cela n’est pas le cas, elle n’est pas capable de capter les impulsions puis de les internaliser. Ou tout au moins, les effets ne sont pas suffisamment forts et les volumes en jeu pas suffisamment importants pour suffisamment importants pour influencer durablement la conjoncture et l’emploi.
L’avantage comparatif de l’Allemagne reflète donc le changement dans la structure de ses exportations mais aussi un volume plus important provoquant un effet multiplicateur sur l’activité interne à l’Allemagne.
Au regard des discussions récentes en France, est ce que la mise en place d’une TVA sociale aurait un effet majeur ? Pas sûr compte tenu du poids sûrement trop important des échanges avec les pays européens. Une TVA sociale aurait le rôle d’une dévaluation compétitive avec les pays voisins mais sans engendrer un effet majeur sur les échanges avec le reste du monde et notamment les pays émergents compte tenu des volumes réduits. L’effet serait sûrement trop réduit pour avoir un effet durable et significatif.
Cela vaut-il alors la peine de se fâcher avec nos voisins alors que les rapports de force changent au sein de la zone Euro après la dégradation d’un grand nombre de pays. Le jeu n’en vaut pas la chandelle et une solution coopérative est à rechercher pour être plus efficace collectivement.