La crise financière de 2007-08 interroge en profondeur le fonctionnement des marchés du crédit. Cet article, repris aimablement de la revue Risques n°73-74 de juin 2008 et actualisé, montre que la crise et son ampleur résultent dans une large proportion d’un sous-investissement massif de l’industrie financière dans la gestion des risques de crédit. Il a manqué avant la crise, et il continue à manquer encore, des investisseurs puissants, avertis et « impliqués » dans les produits de dette, sur le modèle – finalement bien plus solide – des investisseurs en actions.

Il est difficile d’organiser un marché de dette

Un fait de base est souvent ignoré : les produits de dette se prêtent moins facilement que les produits « actions » à une finance directe, c’est-à-dire à un financement non intermédié par un bilan bancaire. L’histoire le montre. Si l’on oublie la dette souveraine – qui a été à l’origine des marchés financiers modernes –, les marchés de la dette d’entreprise se sont développés très tardivement. Il y avait certes du financement obligataire d’entreprise (corporate) lors de la première vague de mondialisation, avant la guerre de 1914, et principalement aux États-Unis. Mais il a disparu dans les tourments de la crise de 1929 et il a fallu attendre la fin des années 1980 pour qu’il vienne en Europe. En contraste, l’apport de fonds propres aux grandes entreprises passe depuis longtemps par des marchés d’actions ouverts et liquides.

Cela est une sorte de paradoxe pour qui pense que les actions sont plus risquées et donc a priori plus complexes que les produits de dette. Comme l’expliquer ? Je vois quatre raisons :

  • La complexité supposée des actions est trompeuse. Les contrats de dette sont d’une variété et d’une complexité beaucoup plus grande, ce qui rend plus difficile la standardisation nécessaire à la mise sur le marché. Des contrats aussi simples en apparence qu’une ligne de liquidité bancaire se mettent difficilement sous format financier, comme le montre bien Tirole (2008). La surveillance des produits de dette est à deux vitesses : ordinaire lorsque tout va bien, très difficile quand tout va mal.
  • L’information sur la solvabilité est souvent de nature privée et confidentielle parce qu’elle peut être à la fois intrusive et une arme donnée aux concurrents.
  • Le coût de collecte d’information est lourd par rapport à la rémunération offerte par la dette, alors que le plus fort rendement des actions le rend économiquement supportable. Il en résulte pour les actions une recherche et une analyse de risque considérablement plus importantes.
  • Le droit commercial, pourtant si riche en matière de contrats et d’obligations, protège parfois moins les obligataires que les actionnaires quand ils sont dispersés sur un marché ouvert. Pensons à une grosse acquisition financée par dette qui va changer le profil de risque de l’entreprise… Qui protège contre la dilution les obligataires en place ?

Au fond, quand il s’agit de financement direct, les actionnaires sont aujourd’hui mieux lotis que les obligataires. Ce déséquilibre a des conséquences dommageables ; c’est d’une tension bien réglée entre ces deux classes d’intérêt qu’une entreprise tire sa bonne gestion :

  • les actionnaires sont davantage intéressés à la croissance et aux perspectives de profit ; ils regardent vers le haut ;
  • les obligataires, par la solvabilité et la capacité pour l’entreprise de tenir à tout moment ses engagements, veillent à ce que l’entreprise n’aille pas vers le bas.

De cette difficulté de négocier des titres de dette résulte le rôle historiquement majeur du système bancaire. Les banques ont été et restent encore l’intermédiaire dominant. Elles sont mieux placées pour structurer ou garantir un financement et pour faire valoir leurs intérêts en cas de difficulté, mieux placées aussi pour collecter l’information qui a besoin souvent d’une relation privée et confidentielle pour être obtenue. Si l’on considère qu’une entreprise affirme sa solvabilité quand elle obtient son crédit bancaire, elle diffuse ainsi une information et participe, en quelque sorte malgré elle, à la transparence d’ensemble. Les banques sont donc aussi des agents de transparence. Leur fonction primordiale (en dehors de la gestion du système de paiement) est d’ordre informationnel comme l’observent les économistes depuis au moins Diamond (1984). Elle consiste à assumer pour elles-mêmes, et indirectement pour la collectivité, le coût de sélection et de surveillance des risques de crédit.

Pour prolonger le paradoxe noté plus haut, on observe qu’il n’y a pas de banque pour l’intermédiation « action ». Pourtant, on pourrait imaginer une économie idéalisée où le système de paiement serait géré par des banques se limitant à l’investissement dans les fonds propres de leurs clients, et, exclues par réglementation de l’activité de crédit. Les produits de dette, réputés moins risqués, seraient réservés à la finance directe. L’idée est saugrenue – pas forcément d’ailleurs en ce qui concerne la gestion du risque de liquidité – mais permet de bien mettre en valeur la complexité inhérente aux produits de dette.

La finance directe et les agents de transparence

Pour autant, la finance directe s’est implantée étape par étape dans le monde de la dette : dette souveraine d’abord, obligations du secteur public ensuite, puis obligations corporate simples. Sont venus ultérieurement les produits obligataires sur émetteurs privés à risque, et, plus récemment, quittant le domaine des entreprises, les titres de créances sur dette des particuliers, dette hypothécaire, cartes de crédit, crédit à la consommation, etc. Dans ce dernier cas, la mise sur le marché requiert une structuration par lots de créances, ce que l’on appelle la titrisation. Ces avancées de la finance directe ont été indéniablement positives, élargissant l’accès au crédit et réduisant le coût macro-économique de gestion des risques, notamment en économisant les fonds propres nécessaires à leur couverture.

Un des exemples les plus frappants a été l’innovation des obligations à haut risque (junk bonds) apparues aux États-Unis à la fin des années 1980, en quelque sorte les ancêtres dans le monde des entreprises des « subprimes » dans le monde du financement de l’immobilier pour les particuliers. Elles ont ouvert plus largement l’accès du crédit des entreprises à bilan fragile, notamment les entreprises de technologie. Nombreux sont ceux qui attribuent à cette avancée financière, parmi beaucoup d’autres, le dynamisme de l’économie américaine depuis cette époque. Comme toujours avec les innovations en finance, le succès initial s’est converti en une ruée des investisseurs sur le nouveau filon, avec les débordements habituels. Combinée à la crise des savings and loans, la naissance des junk bonds a déclenché la crise financière de 1991. Mais ce segment a désormais acquis sa maturité. Au plus fort de la crise de crédit de 2007, les spreads sur ce marché se sont envolés, mais sans que le marché perde sa liquidité. Il compose aujourd’hui plus de la moitié du financement obligataire des entreprises américaines et près du tiers en Europe.

Comment alors la finance directe va-t-elle régler les questions informationnelles liées à la dette ? Il faut qu’apparaissent aux côtés des banques d’autres « agents de transparence ». On citera les agences de notation, les investisseurs spécialisés dans l’investissement en produits de dette et au-dessus de cela, une réglementation qui force les agents économiques à la transparence. Les banques continuent à jouer un rôle, y compris de façon indirecte par la sécurité qu’elles donnent aux créanciers finals. Par ailleurs, le crédit interentreprise – qui lie fournisseurs et clients à partir de leurs relations commerciales et porte sur des montants financiers très importants – tient un rôle considérable de producteur d’information et de confiance dans les échanges, y compris au profit des banques.

Le passage hasardeux à un nouveau modèle bancaire

Les banques ont pris acte de cette nouvelle donne et se sont coulées dans le moule de la finance directe. Tout d’abord sur le schéma initial de quasi-courtage dit « originer et vendre », sur des actifs financiers simples – actions et obligations – dont la banque assurait la collecte et la distribution. C’est le modèle de la banque d’investissement (années 1980 en Europe, bien avant aux États-Unis).

Ce modèle s’est élargi quand les banques commerciales ont voulu rivaliser avec ces nouveaux acteurs et en raison de la fin de la réglementation américaine, mise en place à la suite de la crise de 1929 (Glass Steagall Act), préservant l’étanchéité entre les métiers de banque d’investissement et les métiers de crédit. Les banques continuent à offrir leurs crédits, dans leur complexité contractuelle, mais pour les sortir de leurs bilans en s’appuyant sur les marchés financiers. Les départements de crédit ont donc rejoint la banque d’investissement, donnant ainsi le modèle de banque de financement et d’investissement (BFI) dans les années 1990. Des techniques financières nouvelles, dont les titrisations dites synthétiques et les dérivés de crédit, ont permis cette cession de risques bancaires.

Cette financiarisation des banques a correspondu chez elles à un désinvestissement industriel de l’analyse crédit. À déverser facilement les risques sur le marché, on ne garde ni les incitations ni la capacité économique de bien les gérer. L’externalisation devient la solution. Autrefois, pour les dossiers de crédit importants, il y avait dans les banques des équipes chevronnées d’analyse du risque, appelées en France les ingénieurs-conseil, dont la fonction – pour employer le jargon moderne – était celle d’analystes crédit buy-side. Dans un modèle de pure distribution, ces équipes sont superflues. On les remplace par des équipes sell-side chargées de noter les titres à placer sur le marché et intéressées à la vente. Ce déport de compétence réduit évidemment la production de bonne information et donc, indirectement, la transparence du système financier.

En contrepartie, la connexion entre les marchés et les banques s’est approfondie, d’une façon finalement éloignée du modèle de courtage originel. D’un côté, les marchés sont devenus des compléments incontournables des banques quand elles veulent gérer activement leurs risques. De l’autre, sachant la complexité des produits, des adhérences nouvelles se sont créées entre les marchés et les bilans bancaires, par exemple via la fourniture de lignes de liquidité aux véhicules de titrisation. Du point de vue de la transparence, ce mouvement est souhaitable, mais à la condition de laisser en place l’outil industriel de gestion des risques. À défaut, l’extension des marchés génère de nouveaux risques bancaires et la diversification qu’opère la banque sur les marchés devient illusoire : chaque établissement bancaire est mieux protégé grâce à un risque mieux réparti ; mais le risque total de l’économie s’accroît. Si de plus, par mimétisme ou similitude des modèles de risque, la diversification est conduite à l’identique dans les grands établissements bancaires, les bilans finissent par se ressembler et sont exposés pareillement à des chocs transversaux. Il est frappant à cet égard de constater que la crise de 2007 a frappé de façon assez homogène la plupart des établissements bancaires, petits ou grands, d’un pays ou d’un autre.

Le rôle de la réglementation et de l’internationalisation des marchés

À son corps défendant, les superviseurs bancaires ont aidé ce mouvement. Ils ont légitimement imposé des ratios de solvabilité contraignants afin de sécuriser le système. Simples au début avec le ratio Cooke (de la fin des années quatre-vingts), plus complexes, mieux reliés aux risques portés, avec Bâle II. On se félicite de la sécurité apportée, mais pour observer aussitôt qu’on introduit ainsi une « taxe » à la finance indirecte (liée au fait que le financement par fonds propres est plus coûteux que celui par dette), ceci alors que les coûts de gestion du risque du crédit sont élevés en regard du gain et que les marchés ont imposé des exigences de rendement, et donc un coût des fonds propres, plus élevés qu’autrefois (ce qui accroît la taxe). Comment financer un suivi nécessairement coûteux de la solvabilité des clients si les plus importants d’entre eux vont directement sur les marchés et si les agences de notation remplissent le service à coût moindre ? La fuite vers le modèle BFI s’est accélérée. À l’été 2007, on estime que les banques américaines ne portaient plus sur leur bilan que 30 % des crédits qu’elles avaient générés, le reste étant disséminé via les marchés.

L’ouverture mondiale des marchés a, elle aussi, amplifié ce déficit de gestion des risques. La titrisation aide à rompre le lien entre nationalité du débiteur ultime et du porteur de risque ultime. C’est en quelque sorte la fin de l’« habitat préféré », une constante jusqu’à nos jours des systèmes financiers, par lequel les investisseurs sont plus enclins à investir dans des actifs proches d’eux, en particulier de leur propre pays ou de leur propre entreprise s’agissant des salariés. La même dualité apparaît : c’est une bonne chose du point de vue de la diversification, une moins bonne chose si l’anonymat créé distend le lien entre investisseur et débiteur, générant une moindre qualité des risques individuels. La crise financière a inversé le mouvement, ce qui a démontré que l’investisseur éloigné est un investisseur moins fidèle, ce qui crée des problèmes de liquidité sur les marchés.

Les agences de notation : un substitut très imparfait

Les agences de notation ont occupé la place libérée. Elles font bénéficier efficacement les investisseurs de leurs capacités d’analyse et de leurs économies d’échelle ; elles protègent la confidentialité tout en surveillant le management. Leur réputation est à ce point précieuse qu’elles se doivent – et ont les moyens – d’être indépendantes des émetteurs notés. Mais leur modèle souffre d’au moins deux défauts. Précisément à cause de leur réputation, elles ont indirectement entraîné la démission d’autres acteurs de la chaîne de confiance, y compris des superviseurs prudentiels qu’elles ont parfois remplacés.

C’est donc d’une certaine manière le succès des agences qui a fragilisé le système. À leur corps défendant, là aussi, leur hégémonie dans la prise de parole sur le crédit a été déstabilisante puisqu’elle a permis un sous-investissement partout ailleurs dans l’analyse crédit – voir ce billet de Vox-Fi sur la question. Les agences ont ensuite imprudemment transporté cette réputation dans des domaines nouveaux, notamment dans la notation des véhicules de titrisation et des produits complexes, sans disposer de la technicité et de l’expérience adaptées. L’abus de réputation a permis l’abus de confiance.

Insistons en second lieu sur le volet « surveillance » d’une bonne gestion des risques. Autant une agence peut, lors de ses revues régulières, s’assurer assez efficacement qu’un management ne néglige pas les intérêts des créanciers, autant il est impossible de « surveiller » un véhicule de titrisation qui, en tant que personne juridique, n’est qu’une boîte vide sans management responsable, sans comparaison aucune avec une entreprise.

Des créanciers trop faibles

Une conclusion s’impose : n’investit vraiment dans l’analyse du risque que celui qui a un intérêt fort à la bonne fin du risque. La finance désintermédiée n’est viable que si les investisseurs prennent leur autonomie et développent en interne les capacités requises de gestion de risque. Les investisseurs en produits de dette ont-ils été à la hauteur de cet enjeu de nature industrielle ?

La comparaison avec les investisseurs en produits « action » conduit à une réponse négative. Ici, on voit des fonds de pension et des investisseurs institutionnels puissants, ayant investi dans des départements d’analyse importants. L’analyste buy-side y est roi. Il peut se passer à la fois des analystes sell-side et des agences de notation (il n’y a pas ou peu de bureaux indépendants sur la notation actions). Il est frappant que les dirigeants d’entreprises cotées, qui en général ne lèvent pas de capital sur les marchés action, soient soumis à l’examen très exigeant des investisseurs professionnels, par exemple lors de road shows réguliers, et que, en contraste, leurs fortes levées d’emprunts se fassent de façon anonyme, quasiment automatique. Les Sicav (société d’investissement à capital variable) obligataires ont peu de capacité d’analyse, reçoivent peu les émetteurs, et sont souvent contraintes par des codes d’investissement basés sur des ratings d’agence. Le voudraient-elles que leurs marges le leur interdiraient économiquement.

Au travers de crises répétées, les marchés d’actions ont dû bâtir l’infrastructure appropriée. Ils n’ont pas eu l’appui encombrant de l’intermédiaire bancaire ou des agences de notation. Les avancées considérables en matière de gouvernance d’entreprise ont aidé, mais elles se sont surtout faites au profit des actionnaires. Certains critiquent le capitalisme moderne pour donner trop de pouvoir à l’actionnaire, avec la religion de la « valeur actionnariale ». En réalité, il y a insuffisance du contrepoids de la « valeur obligatoriale ». Selon le vieux principe du droit romain, c’est à l’acheteur, à l’investisseur, de prendre garde. Le caveat emptor vaut toujours. Il faut simplement un potens emptor.

La transparence doit à cet égard être distinguée de la simple information financière (disclosure ou divulgation, en bon français). La transparence, c’est de l’information financière active, c’est-à-dire remise entre les bonnes mains. Les créanciers doivent être nourris en bonne information sur la solvabilité, y compris sur les institutions financières qui sont des emprunteurs d’un type particulier (les déposants ou les assurés pour les sociétés d’assurances sont en quelque sorte des créanciers malgré eux). La transparence n’est donc nullement incompatible avec une information propriétaire, construite par l’investisseur lui-même.

Il est probable que l’industrie financière ira vers un renforcement du poids des investisseurs dette, notamment en réponse à la crise de 2007. À défaut, ce sera de la responsabilité des régulateurs, passant par :

  • la standardisation des produits de dette, y compris pour faciliter les transactions sur des marchés organisés, mieux sécurisés ;
  • l’obligation pour les fonds d’investissement crédit à disposer in situ d’équipes de recherche ; à cet égard, les hedge funds en disposent et la crise de 2008 a montré qu’ils n’ont pas forcément été le maillon le plus faible de l’industrie financière ;
  • d’indispensables progrès dans la gouvernance au profit des créanciers externes, à la fois dans les entreprises pour la surveillance de la solvabilité, et, surtout, dans les véhicules d’investissement avec des conseils de surveillance plus présents, moins anonymes ; la « masse obligataire » – pour employer ce terme quelque peu dépréciatif retenu par le droit français – doit avoir des droits pour protéger son patrimoine, pas uniquement en cas de faillite, mais quand le management ou les actionnaires prennent des décisions qui changent par trop le profil de risque de l’entreprise ; de même, suivant les recommandations du Conseil d’analyse économique dans une note importante de 2013 rédigée par Plantin, Tirole et Thesmar, il faut un droit de la faillite qui protège moins l’actionnaire en place, comme c’est le cas en France, et davantage le créancier.
  • la remise en cause de clauses d’éligibilité des titres obligataires sur base de notations externes d’agence pour éviter les effets d’automaticité et de démission ;
  • l’encouragement aux produits obligataires à risque ou subordonnées (mezzanine) ; il s’agit là de titres de dette, avec donc la perspective du créancier, qui sont les premiers frappés en cas d’insolvabilité de l’entreprise ; ils compensent ce risque accru par des rémunérations beaucoup plus fortes ; c’est cette rentabilité qui leur donne les moyens d’une bonne supervision.

Le dernier point de cette liste mérite un accent particulier. L’utilité de ces titres apparaît de plus en plus évidente comme barrière de protection de la dette classique, mis entre les mains d’investisseurs attentifs, rémunérés pour cela. C’est peut-être le troisième pied dans la gouvernance d’entreprise, placé entre les actionnaires et les obligataires dispersés. Cette classe d’actifs donne un sens nouveau à l’intermédiation bancaire quand on s’interroge pour savoir si les banques sont bien un « investisseur puissant » dans le sens défini précédemment. Le régulateur bancaire peut continuer à admettre la cession des risques bancaires sur les marchés financiers mais en demandant que la banque soit tenue d’en garder une première tranche, la plus exposée. De la même façon, les banques et assurances elles-mêmes, suivant les recommandations de certains économistes de la régulation devraient être encouragées par le superviseur à se financer par dette subordonnée. On met ainsi en prise sur l’institution des investisseurs qui ont un intérêt qualifié à superviser la solvabilité, dans l’esprit du pilier 3 des nouvelles réglementations des banques et des assurances. Au final, les investisseurs professionnels devront avoir les moyens de se passer de l’avis des agences de notation, en ayant les mêmes compétences et le même accès à l’information qu’elles.

Le retour de la titrisation ?

Avec la gouvernance et la régulation appropriées, il n’est pas illégitime que la finance directe poursuive ses avancées dans le domaine du financement des particuliers. Il s’agit probablement d’une matière plus complexe à surveiller que le financement des entreprises : si la diversification joue mieux que pour la finance d’entreprise, les difficultés viennent à la fois du souci de protection juridique des particuliers et de la nécessité de structurer le financement par lots de créances et par titrisation. Nul doute que les investisseurs professionnels peuvent acquérir pour compte propre la capacité d’analyser le profil de risque de ces produits. Ces techniques ont été mises en cause lors de la crise financière, mais il s’agit pourtant d’une réelle innovation financière une fois qu’elle sera revenue à sagesse.

Le débat est ouvert pour savoir s’il faut revenir à une intermédiation bancaire mieux réglée. Mais il est certain que la sécurité financière gagnera à disposer d’investisseurs puissants dans le champ du crédit, prenant modèle sur l’avance prise par les investisseurs action.