Non, émettre des BSA n’est pas neutre pour le patrimoine des actionnaires, même si le prix d’exercice du BSA est supérieur au cours de l’action. Il n’y a pas de création de richesse, ni destruction ; mais un possible transfert des actionnaires vers les souscripteurs de BSA, ou l’inverse, si le BSA est mal « pricé ».

Dans un post précédent, j’expliquais pourquoi l’Offre Publique d’Echange visant des BSAAR Bonduelle était préjudiciable pour les actionnaires compte tenu d’une parité de l’offre qui ne compensait pas correctement pour les actionnaires les effets des modifications des paramètres des BSAAR. Parmi les réactions que j’ai reçues, plusieurs soutenaient que l’existence de BSAAR à un prix d’exercice plus proche du cours, donc avec une probabilité d’exercice plus forte, était une bonne chose pour les actionnaires au motif que la société avait plus de chance d’augmenter son capital. Affirmation logique pour nombre de non spécialistes de théorie financière et des options ; mais il s’agit clairement d’une contre-vérité pour tout expert sur ce sujet.

Il m’est donc apparu nécessaire de chercher à construire une illustration simple (et nécessairement caricaturale) qui permette au plus grand nombre de bien comprendre les conséquences en terme de partage de richesse de l’émission d’un bon de souscription par une société sur ses propres titres.

Prenons le cas d’une société dont le capital est composé de 1 000 000 d’actions qui cotent chacune 100 €. La société a une probabilité p de valoir 104 000 000 € et une probabilité (1-p) de valoir (98 000 000 €) à l’issue d’une période donnée, soit, toutes choses égales par ailleurs une action qui a une probabilité p de coter 104 € et une probabilité (1-p) de coter 98 €.

Cette société décide d’émettre 1 000 000 de BSA qui permettront chacun de souscrire 1 action à 102 € à l’issue de la période.

En utilisant la méthode binomiale, méthode qui consiste à construire un portefeuille d’arbitrage qui assure à son détenteur un montant certain quel que soit le cas de figure dans lequel se situera la société et compte-tenu d’un taux de l’argent sans risque de 3 % sur la période donnée, un tel BSA vaut 1,39* € (* les calculs, sur une seule période par simplification pour aider à la compréhension, sont donnés en annexe). Et si les souscripteurs des BSA paient effectivement ce prix de 1,39 €, les actionnaires se trouvent dédommagés du nouveau partage de richesse induit par l’existence de ces BSA.

En effet à la fin de la période :

– soit la valeur de la société (hors produit des BSA) est passée à 104 000 000 € et les porteurs de BSA auront intérêt à exercer, multipliant par deux le nombre d’actions qui vaudront chacune à présent 103,71 €* ;

– soit la valeur de la société (hors produit des BSA) est passée à 98 000 000 € et les porteurs de BSA ne deviendront pas actionnaires de la société et le cours des actions, qui auront tout de même profité de l’apport en cash des souscripteurs de BSA, sera alors de 99,43 €*.

L’émission de BSA ne change pas la probabilité de réalisation de chacun des deux scenarii d’évolution de la société. Grâce au prix d’émission du BSA, l’espérance de gain pour l’actionnaire demeure inchangée, le gain plus faible en cas de scénario favorable d’évolution de la société (un cours passant de 100 € à 103,71 € au lieu de 104 €) étant compensé par une perte plus faible en cas de scénario défavorable (un cours passant de 100 € à 99,43 € au lieu de 98 €). Ce prix vérifie également qu’un souscripteur de BSA pouvait obtenir un résultat identique par l’achat d’un certain pourcentage d’action* et l’emprunt à taux sans risque d’un certain montant.

Il ressort donc bien au travers de cet exemple qu’il existe un juste prix du BSA qui assure une neutralité totale entre les acteurs. Il est aisé d’en conclure que tout autre prix (sur la base des hypothèses posées ici) entraînerait un transfert de richesse, des actionnaires vers les porteurs de BSA si le prix est inférieur à 1,39 € et à l’inverse des porteurs de BSA vers les actionnaires si le prix est supérieur à 1,39 €.

De la même manière un BSA de prix d’exercice inférieur (par exemple 101 € au lieu de 102 € supposerait un prix de souscription supérieur pour conserver l’équilibre exposé précédemment sous peine d’entraîner un transfert de richesse des actionnaires vers les souscripteurs de BSA).

La création d’un BSA joue un rôle comparable au droit préférentiel de souscription (DPS), voire identique s’agissant de BSA de courte durée et à prix d’exercice d’emblée inférieur au cours, à savoir compenser entre actionnaires existants et actionnaires potentiels un écart de prix de revient d’une action à un instant donnée. Mais à la différence du DPS, le BSA long permet de compenser une augmentation de capital possible mais non certaine.

Créer un BSA n’apporte pas de richesse à son émetteur (ni donc à ses actionnaires), sauf à l’émettre à un prix supérieur au prix du marché ; et pour ne pas détruire de valeur, il ne doit pas être émis à un prix inférieur à sa valeur de marché. Déterminer sa valeur de marché alors que ses perspectives ne se limitent pas à deux scenarii possibles est un autre sujet…