L’Observatoire des délais de paiement vient de sortir son rapport annuel, celui de l’année 2017. Le paysage est connu, mais il est toujours utile d’avoir la photo la plus récente.

La baisse des délais semble se ralentir, sinon s’interrompre, depuis deux ans s’agissant des délais clients et six ans pour les délais fournisseurs. Voir graphique G1 ci-dessous. Pas de raison encore de penser qu’un plancher est atteint et que la tendance observée depuis 15 ans est désormais à l’arrêt. Inquiétude toutefois.

Le solde commercial, quant à lui, reste à son même niveau, de l’ordre de 11 jours de chiffre d’affaires sur toute la période. Rien d’étonnant, il faut se rappeler que le système est globalement équilibré et que les délais clients des uns sont les délais fournisseurs des autres. La dette commerciale net, au niveau de l’économie, est nulle, si ce n’est le solde du commerce extérieur B2B et les problèmes de mesure statistique.

Cet équilibre d’ensemble cache bien sûr des déséquilibres sectoriels : les entreprises B2C profitent globalement du système par rapport aux entreprises amont, dont les clients sont des entreprises. Plus gênant, les PME subissent le système davantage que les grandes entreprises, comme le montre le graphique G5. C’est l’indice que les délais de paiement clients sont largement subis par les premières et que les grandes entreprises utilisent leur force commerciale pour les imposer. Voici un cas de position dominante. Plutôt que tordre le bras sur les tarifs, on impose subrepticement des délais étendus. Ou l’on fait les deux.

Une chose les délais de paiement contractuels, autre chose les retards par rapport à ces délais. Ici, la situation est plus satisfaisante, d’autant que cela ne semble pas résulter uniquement de la conjoncture plus favorable de ces dernières années. En gros, 70% des entreprises respectent les délais du contrat, tant pour les fournisseurs que pour les clients, contre un chiffre de 50 à 55% au début des années 2000 (graphique GA).

Le rapport reproduit enfin un graphique très intéressant, tiré des bases de données de la société de recouvrement Intrum pour 2017. Il montre la relation très étroite, à l’échelle européenne, entre les retards de paiement et les délais de paiement. En clair, plus on vous autorise à payer tard, plus vous en profitez pour tirer sur la corde.

Graphique : Retards de paiement (horizontal) et délais contractuels ou légaux de paiement (vertical, pour 2017)

Source : Intrum

La position de la France est mise en rouge et n’est pas d’un grand confort pour les petites entreprises françaises. On fait mieux que la Grèce et le Portugal (EL et PT sur le graphique) mais moins bien que l’Allemagne (DE).

On ressort de cette lecture avec une impression forte. Au fond, le plafond de 60 jours imposé par la loi LME aux délais de paiement a assez peu mordu : la réforme s’inscrivait dans une tendance lourde de baisse. Les entreprises s’en sont plaintes parce qu’elle advenait en pleine période récessive, autour de 2009, mais tout cela est passé au final comme une lettre à la poste.

Or, il est gênant de voir l’inflexion récente dans la tendance de réduction des délais. Ce qui oblige à rappeler qu’il y a beaucoup d’arguments pour une nouvelle initiative législative sur les délais de paiement. C’est par exemple ce que soutenait Vox-Fi avec force dans un de ses billets précédents : « Des délais de paiement légaux à 45 jours, point. », repris d’une tribune DFCG dans Option Finance).

Cette demande trouve de nouveaux arguments dans une étude que deux chercheurs, Paul Beaumont et Clémence Lenoir, ont présentée lors du congrès 2018 de l’AFSE (Association française de sciences économiques) : « Does trade credit provision dampen firm growth? Evidence from customer-supplier exports ». Les auteurs soutiennent que des délais de paiement longs signifient un coût d’acquisition client assez élevé, les entreprises devant financer toute croissance de leur chiffre d’affaires. Les grandes entreprises s’en accommodent, les plus petites moins. Les auteurs observent que la réduction autoritaire des délais de paiement lors de la loi LME de 2009 avait donné un peu d’oxygène à de nombreuses entreprises, qui en ont profité pour accroître fortement leurs démarches à l’export.

Intéressant : si on veut que nos PME exportent, débarrassons-les de délais de paiement trop longs !

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 13 juin 2018.