Euro ou banques, il faudra choisir
Le débat sur la pérennité de l’euro se concentre sur la création d’un système fédéral pour la politique budgétaire, l’extension du rôle du Fonds européen de stabilisation financière ou l’émission d’euro-obligations. Mais le volet bancaire de la crise représente un défi tout aussi considérable.
Cela fait plus de quatre ans que l’Europe traverse une crise bancaire systémique, de plus en plus inséparable de la crise de confiance dans les finances publiques qui s’étend en tache d’huile à travers la zone euro. Il n’y a plus guère d’espoir que cette crise puisse être résolue avec un retour au statu quo d’avant 2007. La pérennité de l’euro impose désormais des partages de souveraineté financière d’une ampleur inédite, une redéfinition du pacte politique qui sous-tend l’intégration européenne, et des modifications importantes des traités.
Le débat actuel tend à se concentrer sur la création d’un système fédéral pour la politique budgétaire, passant par l’expansion du rôle du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), l’émission d’euro-obligations, ou ce que Jean-Claude Trichet a appelé début juin un ministère des Finances pour l’Union. Mais le volet bancaire de la crise représente un défi tout aussi considérable.
Les liens intenses et multiples entre États membres et systèmes bancaires nationaux sont au cœur de la dynamique actuelle de contagion. L’Union économique et monétaire exige que ces liens soient rompus et remplacés par un « fédéralisme bancaire » qui assure une véritable intégration du marché européen.
Certains pays ont déjà évolué dans cette direction en s’ouvrant aux groupes bancaires étrangers, notamment en Europe centrale, en Belgique et en Finlande. Mais la plupart des grands États d’Europe occidentale, dont la France, restent dans une logique de protection de leurs champions bancaires nationaux, créant un couplage fatal entre risque souverain et risque bancaire systémique.
La détérioration rapide de la situation appelle une approche radicale, à la mesure de la vague de consolidation bancaire qui s’annonce. Pour éviter que celle-ci se solde par une refragmentation du système financier, il faudra mettre en place au niveau européen les outils de surveillance qui n’existent actuellement que dans le cadre national. Plus précisément, il faudra conférer à l’Autorité bancaire européenne (ABE) récemment créée une mission directe de supervision des établissements de crédit et de résolution des banques en difficulté, quitte à déléguer une partie des tâches correspondantes aux autorités nationales existantes.
La gouvernance de l’ABE devra à terme être réformée. Le FESF devra garantir explicitement les systèmes nationaux de garantie des dépôts dans la zone euro, afin de prévenir le risque de paniques bancaires catastrophiques dans les pays en difficulté comme la Grèce.
Les États devront renoncer aux mécanismes qui leur permettent de bloquer les fusions bancaires transfrontalières, et de forcer « leurs » banques à acheter leurs obligations avec les conséquences désastreuses en termes de stabilité financière qu’on constate aujourd’hui en Grèce ou en Italie.
En parallèle ou en anticipation de ces changements structurels, les pays de la zone euro devront mener en commun la tâche ingrate mais indispensable de restructuration du secteur bancaire.
[quote type= »center »]La construction d’un fédéralisme bancaire européen ne sera pas suffisante pour résoudre la crise, mais elle est une condition nécessaire à la survie de l’euro.[/quote]
Une société fiduciaire européenne pourrait être créée pour une durée temporaire et chargée, en liaison étroite avec l’ABE, de prendre le contrôle des banques qui n’arriveraient pas à satisfaire leurs besoins en capital auprès d’investisseurs privés, de réorganiser leurs opérations, et de les revendre dès que les conditions de marché le permettraient.
Cela implique, entre autres, de gérer la tension grandissante entre le périmètre de la zone euro et celui de l’Union européenne, en d’autres termes la position du Royaume-Uni dans cette transformation du monde bancaire européen. Plus généralement, les défis à relever sont colossaux, particulièrement au plan politique. Certains appels récents à la recapitalisation des banques ont tendance à sous-estimer à la fois l’importance et la difficulté d’une reprise en sous-œuvre de tout l’édifice institutionnel de la politique bancaire en Europe.
La construction d’un fédéralisme bancaire européen ne sera pas suffisante pour résoudre la crise, mais elle est une condition nécessaire à la survie de l’euro.
Il est grand temps de prendre pleinement la mesure de ses enjeux.
Vos réactions
Pour qu’il y est une cohésion et motivation des peuples (et non des politiques), il faudrait déjà que les hommes politique en place permettent aux peuples de comprendre ce qu’est le fédéralisme. Il faudrait que le sujet face débat dans les journaux, les magazines, les JT et les émissions de télé et que certains partis encore inconnus puissent débattre sur ce sujet pour que tout le monde soit bien informé. Mais je pense qu’ils ont peut être un peu peur de nous réveiller !
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La planche à billet n’a rien en soi d’amoral, mais économiquement pensant, les Etats-Unis ont optimisé de par leur fédération ce mécanisme.
Du fait de politiques membres divergentes en intérêts au sein de l’UE, dues à une absence de consensus global et de gouvernance concertée tant au niveau administratif/fiscal, écologique (notre taxe carbone franco-française n’a rien à voir avec celle soustendue par le Grenelle puisqu’elle ne met pas sur un plan d’égalité la France et les autres Etats ‘eurozone’ d’une part, et les concurrents internationaux d’autre part), qu’industriel (initié par des alliances – partenariats tout de même, e.g. Entremont détenu initialement par le groupe Albert Frères et repris par SODIAAL)et financier moyen-long terme, l’U.E. est en panne.
Quant à franchir le pas gouvernemental européen, s’il n’est pas initié, il ne sera jamais finalisé.
Sincèrement vôtre,
Véronique-Marie Palun
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Pendant longtemps, j’ai été séduit par le discours du fédéralisme qui idéalise la diversité des formes de pensée pour les rassembler dans une pensée commune européenne(ou pensée unique). Or le fédéralisme ne peut réussir qu’avec une cohésion et motivation des peuples (et non des politiques) à vouloir oeuvrer ensemble à un destin et une identité commune. Quelle est cette identité ? Elle n’est définie nulle part..parce qu’elle est indéfinissable hors des principes universels déjà connus dans nos propres états.
Vous citez les exemples de fédéralisme réussis aux USA ou la réunification allemande. Ces exemples ne peuvent s’appliquer aux états européens qui n’ont pas la même langue, culture, intérêts economiques,histoire (2000 ans pour la France ou autres états contre 250 ans pour les USA !!)…Plus on fédère à un haut niveau et plus on priviligie les mouvements locaux, régionalistes voire indépendantistes (corses, flamands, wallons, écossais, roms..etc..) ou encore religieux qui réagissent pour préserver leur identité qui donne un sens à leur vie. On risque de fragmentiser l’europe en minorités locales.
C’est pourquoi avant d’aller tête baissée vers le fédéralisme, il faut franchir au préalable d’autres étapes. Avant d’unifier, il faut rassembler quelques états souverains reponsables de leur peuple pour construire le futur (et non refaire le passé !)sur des secteurs nouveaux (aviation, espace, recherche, énergie, etc..) une europe économique solide (c’était l’origine de l’europe avec l’acier ou le charbon..). Ce n’est qu’ensuite que fort de cette richesse commune, les peuples convergeront progressivement vers une nouvelle « identité européenne » …que l’histoire définira aux rythmes des générations. L’euro n’est pas un but, mais seulement un moyen.. et heureusement il y a en a d’autres !
Enfin pour la formule de la planche à billet, dont je réprouve la méthode, les USA ne se sont pas privées de le faire récemment avec la FED. Comme quoi, un grand état fédéraliste mondial n’est pas la vertu….
Cordialement
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L’Euro montre certes actuellement ‘les limites de son fonctionnement’ et non de son évolution potentielle vers un fédéralisme, somme toute réussi aux Etats-Unis… et en Allemagne, si l’on considère comme laboratoire, sa réunification. Tout espoir est ainsi permis…et tarder ne ferait qu’amoindrir la résistence de tout les pays la composant, notamment par une non optimisation du mécanisme de la ‘planche à billets’. Il s’agit de transformer un cercle vicieux en vertueux.
Sincèrement vôtre,
Véronique-Marie Palun
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Depuis 30 ans, l’Europe s’est déjà engagée dans un processus de fédéralisme de fait, notamment par l’avènement de l’euro, qui aujourd’hui montre les limites de son fonctionnement.
Cette construction est le fruit d’une politique « facile » qui a conduit à rassembler le plus grand nombre d’états dont la seule vertu était qu’elle soit démocratique. En revanche, personne ne s’est souciée en amont des conditions préalables sur le plan économique, financier et culturel pour en faire une zone citoyenne, homogène et solidaire.
De ce fait, le fédéralisme que vous prônez aujourd’hui, est voué à l’échec et ceci en raison:
– d’un trop grand nombre d’états à gérer.
– des états de moins en moins responsable pour agir sur leur destinée locale à cause de la centralisation des grandes décisions (BCE, fiscalité, droit etc..)..
– Des économies trop hétérogènes sachant que l’euro a fait croire à un « eldorado » fédéralise à partager.
– du dogme à la « mondialisation » qui expose d’abord l’Europe à la concurrence avant de la protéger.
– des institutions démocratiques souveraines mais qui ont l’avantage d’être proches et comprises par leur peuple.;
– de fortes différences culturelles (notamment entre nord et sud)
etc..
Le Royaume uni, qui n’est pas dans l’euro, est le meilleur exemple d’un état qui a pris des mesures pour faire face à la crise. Pourquoi chaque etat « euro » doit attendre une décision « fédérée » pour appliquer des mesures de bon sens ?
Votre position conduit à une fuite en avant et dans un processus qui n’en verra jamais la fin. Cette Europe « fédérée » dans les faits est morte…ou va nous faire mourir.
En revanche, c’est bien une nouvelle Europe qu’il faut construire avec un nombre limité d’états forts et puissants (4 ou 5) sur la base de projets fédérateurs exigeant de grands moyens, de recherche et de volonté (énergie,environnement,social, compétitivité etc..)et ceci afin d’établir les bases de son avenir. Ensuite interviendra sa consolidation par une constitution commune qu’il faudra mettre à l’épreuve pendant une dizaine d’années. Enfin dans un troisième temps, son élargissement ne sera possible que progressivement,à condition que le nouvel entrant soit financièrement gérable, politiquement et culturellement assimilable aux valeurs européennes. Cela demandera beaucoup de temps…mais une citoyenneté européenne ne se décrète pas, elle se construira pas avant plusieurs générations.
C’est pourquoi « il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs » et votre précipitation au fédéralisme aujourd’hui tue l’Europe politiquement et économiquement !
Bien cordialement.
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