La comparaison est ressassée, pour autant n’en reste pas moins pertinente. L’économie française a connu, relativement à l’Allemagne, une très mauvaise décennie 2000, en liaison avec une très mauvaise performance de compétitivité. Une compétitivité faible se lit forcément dans les chiffres du commerce extérieur : si les entreprises françaises ne sont pas « compétitives » par rapport aux allemandes, elles perdront des parts sur les marchés où elles affrontent les entreprises étrangères, c’est-à-dire sur le marché intérieur et sur les marchés à l’export. Même si les entreprises allemandes bénéficient structurellement d’un « avantage qualité », l’effet se neutralise quand on voit les choses en évolution[1]. La balance commerciale devient donc un bon indicateur de compétitivité relative.

Et le constat est celui-ci :

Balance commerciale Allemagne et France

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Ce graphique est le départ de l’article de Mathilde Le Moigne et Xavier Ragot publié dans la dernière – et remarquable – livraison de la revue de l’OFCE : « France et Allemagne : une histoire de désajustement européen », n°142, 2015. Suivent les explications, ou à tout le moins les autres facettes d’un phénomène plus profond. On note en particulier la dérive en France de certains couts du secteur non exposé à la concurrence internationale, dont au premier chef l’immobilier. Parce que la réalité est celle-ci : les couts forment un ensemble indissociable. Si par exemple l’inflation de l’immobilier est beaucoup élevée en France qu’en Allemagne, la part du budget des travailleurs français consacré au logement sera beaucoup plus grande que pour le travailleur allemand, y compris dans le secteur exposé, et nourrira donc des hausses de salaires plus importantes. De la même façon, il sera plus intéressant pour les entreprises françaises d’investir en immobilier qu’en autres biens d’équipement, au lieu de l’inverse en Allemagne. Comme le montre le graphique qui suit, la répercussion sur les marges des deux secteurs est immédiate.

 

Évolution de la marge brute des entreprises françaises et allemandes selon le secteur d’activité

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Il faut donc lire le papier. On pourrait ajouter, mais l’article ne le dit pas, que dans ce contexte de compétitivité tendue, il n’était probablement pas très malin pour la France, du point de vue de sa politique économique, de se lancer dans la grande réforme des 35 heures au tournant des années 2000, ni, pour le gouvernement qui a suivi, dans le grand rattrapage du SMIC horaire. Mauvaise décennie !

[1] Sauf à penser que l’Allemagne jouit d’un avantage croissant au fil du temps en matière de qualité de ses produits, ce qui est une hypothèse hardie.