Les comités d’audit sont devenus un rouage essentiel des conseils d’administration des sociétés cotées. Fonctionnent-ils bien ? Interrogés par diverses enquêtes, les P-DG, qui n’y participent pas, répondent en général oui. Les auditeurs, qui les vivent de l’intérieur, sont beaucoup plus réservés : ils ne marchent pas si bien, souvent parce que les administrateurs qui en sont membres manquent de la solidité technique qui convient pour suivre pleinement les sujets techniques (de comptabilité, de contrôle interne…) qui y sont discutés. La surveillance et l’aiguillon du management s’exercent moins efficacement.

Une solution consiste à mettre davantage de profils à compétence financière dans ces conseils. Mais qui donc ? Beaucoup d’administrateurs indépendants ont une bonne expérience de management, mais manquent d’habitude financière. Les banquiers ont la compétence, mais, sauf à prendre les retraités, sont jugés commercialement intéressés. Banquier-conseil est un oxymore. Les Britanniques, aidés il est vrai par la proximité outre Manche entre la City et les grandes entreprises non financières, ont résolu le problème : ils font largement venir des directeurs financiers en poste, qui apportent le savoir-faire acquis dans leur société.

Mais voilà ! Les patrons français sont mal à l’aise pour enclencher le mouvement. On ne compte aucun directeur financier en poste ayant mandat d’administrateur indépendant dans une entreprise du CAC 40, quasiment aucun dans le SBF 120. Cela vaut pour les banques, dont la complexité de gestion exigerait pourtant du conseil d’administration des compétences financières pointues. Pourquoi cette défiance ? La position et le prestige du directeur financier sont moindres dans les sociétés françaises qu’en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons. On ne peut aussi exclure un motif psychologique : les présidents n’aimeraient pas voir à leur conseil des gens qu’ils voient chez eux comme de simples collaborateurs. De la sorte, les administrateurs français des grandes sociétés se recrutent encore dans le cercle finalement assez étroit du Gotha parisien des affaires. S’il y a ouverture aujourd’hui, elle joue à favoriser l’arrivée de personnalités étrangères pour accroître l’ouverture internationale du groupe. Mais la partie financière reste en retard.

C’est pourtant un avantage pour l’entreprise, à la fois pour celle qui reçoit le directeur financier comme administrateur indépendant et donc profite de son expérience et pour celle qui le « prête » et en tire prestige et aussi expérience. C’est une fausse sécurité de ne pouvoir être « challengé » par un comité technicien. Le directeur financier de l’entreprise qui participe au comité d’audit (alors que la direction générale n’y participe pas) trouve une forme de confort à parler à un comité d’audit solide, où figurent des gens qui vivent les mêmes expériences que lui. On peut être concurrent, mais jamais tellement sur ce qui fait une bonne gestion. En plus de sa fonction de surveillance et de préparation des conseils, le comité d’audit pourrait être ainsi le lieu où s’échangent, comme on aime à le faire à la DFCG, les bonnes pratiques en matière de choix comptables, de mise en place de systèmes de contrôle de gestion, d’information, d’audit, etc. Nul doute que c’est un domaine où le private equity a un avantage de gouvernance sur les sociétés cotées à capital éclaté : les conseils d’administration des entreprises détenues par les fonds privilégient (parfois jusqu’à l’excès !) le profil financier de l’organe de surveillance, laissant la gestion de l’opérationnel au manager.

De plus en plus de sociétés non cotées adoptent la bonne pratique des comités d’audit, les conseils d’administration voyant l’avantage d’être plus incisifs dans la surveillance financière de l’entreprise. Ce sera d’autant plus efficace que ces comités, et donc les conseils, importeront de l’expertise financière. On ne peut exclure même un retour à court terme sous forme d’économies de frais de consultants, les meilleurs conseils s’échangeant le plus souvent entre pairs autour d’une table.

La culture financière est un bien public et la surveillance exercée dans un comité d’audit bénéficie par diffusion à l’ensemble de la place. Les directeurs financiers doivent être sollicités sur des postes d’administrateurs indépendants. Il en va de la qualité de la gouvernance en France et de la qualité de sa place financière.

Contribution originale de la DFCG pour Option Finance (07/10)