Il n’y a pas de mot plus fréquent aujourd’hui dans la bouche des dirigeants d’entreprise que celui de risque. Au risque parfois de faire perdre son sens à cette notion en effet essentielle. Rattachons-la ici à tout événement, interne ou externe, dont la survenance affecterait la marche anticipée de l’entreprise, tout en reconnaissant qu’avec une définition aussi large, il n’y a guère de choses qu’on ne puisse regarder sous le prisme du risque.

Beaucoup de ressources de l’entreprise y sont désormais consacrées. Si on excepte le risque d’entreprise lui-même, la plupart des risques portant sur les actifs matériels, immatériels et humains de l’entreprise peuvent faire désormais l’objet d’identification, de mesure et de surveillance. On tente de les classer en risques opérationnels, en risques financiers et en risques dits de conformité.

La notion n’est pas nouvelle. De longue date, l’industrie manufacturière a mis au point des contrôles de qualité de ses chaînes industrielles. La nouveauté, c’est qu’ils rentrent désormais dans le champ des métiers de services, avec l’appui, comme pour l’industrie financière, de dispositions légales sophistiquées et contraignantes.

Du coup, beaucoup de métiers de l’entreprise se pressent autour de ce nouveau bébé. Les contrôleurs internes ou auditeurs prennent un poids nouveau et grimpent indiscutablement dans la hiérarchie de l’entreprise. Les directions juridiques s’affirment dans la surveillance des risques de conformité, conformité avec la législation mais aussi avec les règles éthiques ou les règlements internes à l’entreprise, ce qui couvre un champ assez large. Les risk managers ont le rôle d’atténuer les risques portés par les actifs de l’entreprise en s’appuyant sur le marché de l’assurance. Ils ont donc toute légitimité à revendiquer une place plus grande dans leur mesure et dans la décision de les céder ou de les conserver en « auto-assurance ». Les credit managers aussi, pour le poste client. Le directeur de la production rappellera son ancienneté dans la gestion du risque en matière manufacturière ; le directeur commercial dans celle du risque commercial (qui peut venir d’une mauvaise qualité du produit)… Le directeur financier n’est pas en reste, lui qui est chargé des grands équilibres du bilan et qui passera, selon le mot à la mode, à une logique d’Enterprise Risk Management, cherchant les cas où un bon adossement des risques économisera les fonds propres. Les fonds propres eux-mêmes ne sont-ils autre chose qu’une assurance tout risque, de dernier recours, et donc la plus coûteuse ? Ce foisonnement est sain ainsi que les enjeux de pouvoir qui vont avec. Les entreprises tâtonnent : faut-il rattacher l’audit interne à la direction générale, au juridique, au financier ? Le risk manager est-il un directeur de plein rang ou rattaché au financier, à l’audit ou au secrétariat général ? Inutile de dire que les excellentes associations qui regroupent ces professions (dont la DFCG) s’activent pour pousser leurs champions respectifs.

Tant qu’à faire, faisons-le pour les contrôleurs de gestion. En raison d’une mauvaise traduction de l’anglais à l’origine (control veut dire surveillance, au sens de « tour de contrôle », et non au sens français de « contrôle des billets »), le métier n’est pas toujours bien perçu dans son rôle de pilotage et d’anticipation. Ce qui est certain, c’est qu’un bon contrôle de gestion est forcément décentralisé, capillaire, proche des unités opérationnelles de l’entreprise. Il fonctionne comme un système nerveux, capable de capter la bonne information et de la remonter sous forme synthétique et systématique pour aider à la décision managériale. Il s’agit d’un dispositif coûteux, composé de cadres très qualifiés, ayant la confiance des gens auprès de qui il travaille. Il est capable de collecter l’information financière comme d’établir et de suivre des indicateurs de qualité ou de défectuosité opérationnelle. En clair, de faire lui aussi du suivi du risque.

La collecte et la synthèse de l’information ne suffisent pas bien sûr. Certaines tâches sont plus spécialisées et relèvent d’un métier d’audit ou d’actuaire. Les risques de conformité suivent une logique différente. Mais l’entreprise doit réfléchir à deux fois avant d’investir dans des systèmes de collecte parallèles et souvent concurrents. Le bon sens voudrait qu’elle tire pleinement partie des ressources en place, dont celles du contrôle de gestion, quand il s’agit de mieux surveiller les risques opérationnels.

Cet article est une reproduction de l’analyse de la DFCG publiée tous les mois dans le magazine Option finance. Extrait du numéro daté du 21 février.