L’électricité est une onde électromagnétique. C’est embarrassant, parce qu’on ne sait pas stocker une onde. Par analogie, une vague de la mer est une onde transmettant l’énergie du vent et personne n’a encore réussi à stocker une vague.

Pour stocker l’énergie électrique, il faut donc la transformer en une autre forme stockable : principalement énergie gravitaire dans les stations de pompage, et en énergie chimique par production d’hydrogène, ou, chimique encore et sujet du graphique de la semaine, dans des batteries.

On trouve dans la toujours excellente « La revue de l’énergie », éditée par le Conseil français de l’énergie, n°640, de sept-oct. 18, deux très bons articles sur le stockage de l’énergie comme élément de stabilisation du système électrique. Voir « Le stockage d’énergie dans le système électrique » et « Le stockage, un levier de flexibilité parmi d’autres ». (La revue n’est pas disponible librement.) Le besoin de stabilisation prend une importance croissante depuis que la venue du solaire et l’éolien comme sources majeures d’énergie décale de façon croissante les profils temporels de l’offre et de la demande sur les différentes échelles de temps (journée, semaine et année).

Par chance, la popularité des téléphones portables et à présent de la voiture électrique ont stimulé d’une façon incroyable la recherche sur les batteries. On reste sur la technologie dominante lithium-ion et il n’y a pas à ce jour de percée technologique de rupture. Pourtant, de simples progrès incrémentaux ont fait baisser considérablement le coût des batteries. Le graphique qui suit, tiré du premier article cité, montre que les prix ont été divisé par 5 entre 2010 et 2017, à puissance identique.

Mais cela va se poursuivre. Tesla annonce un prix de 100$ au kwh quand l’usine de batteries qu’il construit dans l’Utah sera à pleine capacité. Les Chinois construisent des usines plus grandes encore. L’Europe se met en branle et les gouvernements français, allemand et polonais viennent d’annoncer une initiative conjointe et de grande ampleur dans ce domaine. Bloomberg New Energy Finance annonce dans son dernier rapport annuel un prix de 70$ par kwh pour 2030, et chacun de ses rapports annuels fait baisser cette prédiction. On en tire le graphique suivant :

Le véhicule électrique sera bientôt la première source de stockage électrique : un million de véhicules, c’est 40 à 70 GWh de capacité de stockage, si l’on sait bien gérer les pointes de rechargement. On imagine aujourd’hui que cette capacité pourra être renvoyé au réseau (système dit Vehicle to Grid ou V2G) avec des protocoles à mettre en place de rachat d’électricité, ou encore Vehicle to Home, où le ménage récupèrera l’énergie du véhicule les jours où il ne s’en sert pas. Charger une batterie sans autre usage physique que de la décharger plus tard peut sembler une opération à la Shadock. Cela n’a de sens que si le chargement se fait en période d’abondance de la production et le rechargement en période creuse. L’opération peut rester rentable, probablement moins que l’opération de pompage puis turbinage dans les barrages de stockage gravitaire qui détruit quand même 30% de l’électricité produite initialement.

Il faut se persuader que le stockage de l’électricité est l’enjeu vital de demain. On aura sinon de plus en plus des phénomènes tel que le fameux « canard californien », illustré par le graphique suivant. Les habitants de Californie mettent de plus en plus de panneaux voltaïques (PV) sur leur toit et les orientent tout naturellement vers le midi, pour capter un maximum de soleil.

Erreur ! c’est le moment de la journée où on a le moins besoin d’énergie, de sorte que la production du reste du réseau s’affaisse toujours davantage en milieu de journée, ce qui occasionne même des prix négatifs de l’électricité. Il faut stocker ou à tout le moins ne pas orienter son panneau vers le sud, mais plutôt vers l’ouest : moins d’énergie produite, mais à un moment plus idoine.

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 13 mars 2019.