Pour réduire les fonds propres et jouer la relution des actionnaires qui le souhaitent, il existe une bien meilleure solution que le rachat d’actions.

De nombreuses sociétés interviennent au fil de l’eau sur le marché de leurs titres, et ce pour différentes raisons : à l’achat et à la vente pour améliorer la liquidité de leurs actions, et à l’achat seulement pour disposer d’un stock d’actions pour répondre à des exercices de stock options ou de bons d’acquisition d’actions, pour payer en actions des petites acquisitions ou pour « reluer les actionnaires ».

De temps en temps une société se lance dans une démarche beaucoup plus lourde d’Offre Publique de Rachat d’Actions (OPRA) pour réduire significativement son capital. A titre illustratif nous pouvons citer les motifs exposés par Groupe Diffusion Plus dans son projet d’OPRA déposé auprès de l’AMF le 3 mars 2010 : « Cette opération permettra à la Société d’optimiser sa structure financière via un ajustement de sa trésorerie disponible aux besoins de Groupe Diffusion Plus afin de conduire sereinement sa stratégie (…). Enfin, compte-tenu de la faible liquidité du titre cette opération constitue une opportunité pour l’ensemble des actionnaires de réaliser tout ou partie de leur investissement, en fonction de leur propre stratégie vis-à-vis de la société, du cours de bourse et de ses perspectives à court et moyen terme… ». Il existe un dernier motif, le seul à nos yeux qui justifie l’OPRA, lorsque la société envisage un retrait de la cote et souhaite utiliser sa trésorerie pour « sortir les minoritaires ».

Lorsque la société achète au fil de l’eau, le supplément d’ordres à l’achat qui en découle influe à court terme positivement sur le cours. Dans le cas de l’OPRA, puisque l’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, la société doit offrir une prime significative sur son cours. Ainsi le prix offert par Groupe Diffusion Plus extériorise une prime d’environ 50% (53% sur le dernier cours, 47% sur le cours moyen pondéré 6 mois ou 52% sur le cours moyen pondéré 12 mois selon les données indiquées dans le projet d’offre).

Les sociétés qui réalisent des rachats d’actions considèrent donc le marché de leur action comme inefficient puisqu’elles prétendent réaliser un investissement intéressant pour les actionnaires en intervenant sur le marché. Cette considération est implicite dans le cas du rachat au fil de l’eau, et clairement explicitée dans celui de l’OPRA puisqu’un expert indépendant se prononce sur le caractère équitable du prix proposé et valide donc la prime significative payée par la société sur son propre titre. Et cette inefficience est mise sur le compte d’une faible liquidité, ce qu’un rachat d’actions ne saurait corriger, bien au contraire.

Or, il existe un moyen relativement simple de répondre aux mêmes objectifs de relution tout en améliorant la liquidité potentielle de l’action : effectuer des distributions de dividendes supérieures à celles qui sont habituellement réalisées en cash par la société, avec le choix pour les actionnaires de recevoir du cash ou des titres. Il est ainsi possible de diminuer la trésorerie excédentaire au bénéfice de tous les actionnaires. Ceux qui préfèrent se reluer recevront des actions en paiement du dividende et les autres choisiront d’être dilués en échange de cash. Ce mécanisme mis en place régulièrement par quelques grandes sociétés dans le cadre des distributions de dividendes annuelles peut tout à fait être utilisé pour des distributions exceptionnelles. Le résultat est nettement plus intéressant pour les actionnaires qui souhaitent se reluer si l’on considère cette relution d’un point de vue global, c’est-à-dire tant politique (en droit de vote) qu’économique (en patrimoine actionnarial).

Illustration :
Prenons un exemple volontairement caricatural d’une société qui souhaite utiliser une part significative de ses actifs disponibles pour offrir des possibilités de relution à ses actionnaires. Cette société capitalise 400 000 000 € répartis en 2 000 000 d’actions qui cotent chacune 200 €.

  • La société décide de lancer une OPRA à un prix de 300 € sur 20 % de ses actions. Compte-tenu du cash ainsi décaissé, à l’issue de l’offre, la société devrait valoir 120 000 000 € de moins, soit 280 000 000 €, qui se répartissent alors entre 1 600 000 actions, qui devraient valoir chacune 175 €. Un actionnaire qui a conservé ses actions se trouve relué en droit de vote mais dilué en patrimoine. Certains arguent que le cours, parce que de nombreux titres ont été rachetés à 300 €, devrait au contraire se situer largement au dessus de son niveau avant l’offre… mais cela suppose une forte inefficience des marchés…
  • Si au lieu de lancer une OPRA, la société propose une distribution de dividende exceptionnelle de 200 000 000 €, avec la possibilité de recevoir des actions ou du cash. Pour garder une illustration simple, nous retenons ici des actions remise en paiement du dividende valorisées 100 €, soit leur cours avant la distribution, diminué du montant par action de la distribution. (La loi permet que les actions apportées en paiement du dividende soit valorisées 90 % de la moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédant le jour de la décision de mise en distribution diminuée du montant net du dividende ou des acomptes sur dividende). En supposant que 60% des actionnaires choisissent le paiement en cash, pour être dans un cas parfaitement comparable avec l’OPRA (une diminution de la trésorerie de la société de 120 000 000 €), les actionnaires qui ont opté pour le paiement en actions se retrouvent avec 800 000 actions nouvelles. Le capital est donc alors réparti en 2 800 000 actions, qui devraient valoir chacune (280 000 000 / 2 800 000 =) 100 €.
    Les actionnaires qui sont relués en droit de vote, le sont sans aucune dilution en patrimoine. Le nombre d’actions est augmenté ; le marché de l’action n’est donc pas asséché comme c’est le cas à l’issue de l’OPRA.

Ainsi, pour une même utilisation de la trésorerie, un actionnaire qui choisit la relution augmente son pourcentage de capital de 25 % dans le cas de l’OPRA et de 43 % dans celui de la distribution de dividende en cash et actions. De plus l’OPRA entraîne une amputation du patrimoine pour l’actionnaire qui se relue, de 12 % dans notre exemple, contrairement à la solution de la distribution de dividendes en cash et en action, neutre en valeur.

Les rachats d’actions n’ont de sens que pour préparer une sortie de la bourse en utilisant les fonds de la société. Il s’agit dans ce cas de réduire le capital pour minimiser le flottant et d’approcher les 95 % nécessaires pour un retrait obligatoire. Dans les autres cas de rachats d’actions exposés en introduction, répondre à des exercices d’options donnant droit à des actions, payer en actions des acquisitions, et surtout reluer les actionnaires en utilisant le cash excédentaire, l’émission d’actions nouvelles apparaît plus pertinent.

Et au-delà de la gestion de la relution, d’une manière plus générale, pour toutes les distributions régulières de dividendes, les sociétés devraient offrir le choix aux actionnaires d’être payés en cash ou en action. Plutôt que de se voir imposer un choix unique, même si celui-ci repose sur un vote à la majorité d’une assemblée générale souveraine, les actionnaires disposent ainsi d’une liberté de choix individuelle.