Sur le privilège des greffiers des tribunaux de commerce

En ces temps de préparation du budget de l’État, nous lui suggérons une mesure de simplification qui fera gagner du temps à beaucoup, tout en permettant le respect d’une réglementation très moyennement suivie, alors qu’elle est bénéfique.
Il existe en France l’obligation pour la plupart des sociétés de déposer au greffe du tribunal de commerce leurs comptes annuels. Les créanciers peuvent mieux apprécier la solidité de leurs débiteurs, les entreprises vérifient à l’avance la solvabilité de leurs prospects, les tribunaux de commerce détectent à l’avance les entreprises en difficultés qui peuvent être conseillées en amont de problèmes plus graves, l’investisseur y trouve des cibles d’investissement et le quidam y assouvit sa curiosité.
En pratique, force est de constater qu’entre la moitié et les deux tiers des entreprises, selon les départements, déposent effectivement leurs comptes et que les autres s’en abstiennent. La sanction du non-dépôt est de 1.500 €, mais dans certains départements comme à Paris, à part une lettre de rappel, il ne se passe rien ; là où dans d’autres départements, comme à Lyon, l’étourdi conscient ou non risque ni plus ni moins que la radiation du registre du commerce et des sociétés.
Il est vrai que l’acte de dépôt est irritant puisque payant (un peu moins de 50 € par comptes annuels), alors que les données vont ensuite être vendues par les greffiers des tribunaux de commerce, qui les cèdent à des entreprises spécialisées qui les commercialisent au détail, par abonnement, et comme support de publicités rémunératrices. Facebook et LinkedIn seraient moins populaires si, pour leur confier vos données, vous deviez d’abord payer chaque année…
Et les greffiers eux-mêmes ne déposent pas leurs comptes. Il est vrai qu’une enquête de l’Inspection générale des finances avait montré en 2013 que, propriétaires de leurs charges, leur revenu mensuel tangeantait les 30 000 €…
Ne serait-il pas plus simple que l’administration fiscale qui reçoit toutes les liasses fiscales de toutes les entreprises de France s’occupe de leur publication, soit directement, soit à travers des sociétés tierces à qui elle les céderait ?
Ainsi les comptes de sociétés seraient, conformément à la loi, tous disponibles, dans les meilleurs délais puisqu’ils sont transmis à l’administration fiscale dans un délai maximum de 4 mois. Les entreprises s’allégeraient d’une formalité devenue gratuite pour elles, et l’administration fiscale en commercialisant les données à des sociétés spécialisées y trouverait de nouvelles recettes que ne percevraient plus les 134 greffiers de France ; quitte à ce que ces derniers soient indemnisés de cette perte de recette, et/ou que leurs charges soient rachetées.
En attendant, nous vous conseillons d’utiliser le site www.pappers.fr pour trouver gratuitement les comptes d’entreprises, leurs statuts, PV d’assemblées, dirigeants, etc. qui, jour après jour, jour érode la rente indue des greffiers des tribunaux de commerce.
Cet article a été publié dans la lettre Vernimmen. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.
Vos réactions
Dans le même registre, il y a le RBE, Registre des Bénéficiaires Effectifs, qui résulte d’une réglementation européenne destinée à lutter contre l’évasion fiscale.
Toute société est obligée de déposer les informations sur ses actionnaires au RBE, tenu moyennant finances par les greffes, alors que ces informations sont indiquées dans les déclarations fiscales. Le boulanger au coin de la rue constitué en SARL à 2 associés doit donc payer pour cela.
Cela est valable aussi pour les SCI, y compris familiales constituées entre 2 époux par exemple, bien que là aussi l’information figure explicitement sur la déclaration fiscale de la SCI.
Environ 4 millions de sociétés sont concernées en France, pour un coût unitaire de l’ordre de 50 €, soit un chiffre d’affaires pour les greffes de l’ordre de 200 millions d’euros. Par rapport au coût de développement informatique du RBE, l’affaire a été très rentable pour les greffiers …
Report comment