Volkswagen + réfugiés : le choc keynésien tant attendu de la part de l’Allemagne ?
Ce billet est la reprise, légèrement modifiée, d’une tribune initialement publiée dans Le Monde du 8 octobre 2015. [ndlr].
On ne sait encore le montant des indemnités et amendes que le groupe Volkswagen (VW) devra acquitter suite au scandale de la manipulation des tests. Les chiffres les plus divers circulent, dont certains dépassent aisément les 80 Md€. Le montant est gigantesque. Le cout pour BP pour la marée noire dans les Caraïbes est estimé à « seulement » 40 Md$ (35,7 Md€), dont 20,8 Md$ qui vient de faire l’objet d’un accord au titre de dédommagement pour les administrations américaines. Si certains ont pu parler, sous le choc de l’évènement, d’une possible faillite de VW, ses actionnaires l’empêcheraient, sachant le rôle qu’y joue le Land de Basse-Saxe, voire du gouvernement fédéral. Il ne faut pas désespérer Wolfsburg, pour reprendre un mot célèbre.
Les dommages économiques et industrielles pour l’Allemagne sont considérables et dépassent de loin le seul cas du groupe VW. L’incertitude générée n’est pas une bonne nouvelle. Mais pour le reste, une addition qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros ne serait-elle pas une bonne chose, la manne céleste qu’on attendait ?
Il faut ajouter à cela une estimation entre 5 et 10 Md€ pour le nécessaire accueil des réfugiés syriens (cet apport de main d’œuvre, vital pour la machine économique allemande, est un gain important sur la durée, mais coute évidemment à court terme).
Reprenons les termes d’une histoire connue et répétée, mais que la crise grecque et le drame des réfugiés ont fait passer à l’arrière-plan. L’Allemagne a eu en 2014 un solde commercial de 217 Md€, soit plus de 7% de son PIB, un chiffre qui risque fort d’approcher les 9% en 2015 et qui pulvérise le record de tous les pays (la Chine est désormais quasiment à l’équilibre, pour donner une référence). Les réserves de la Bundesbank auprès de la BCE (son compte dit Target 2, une sorte de substitut de réserves de change) s’élèvent à 555 Md€.
En bref, si VW est Das Auto, l’Allemagne est Das Export, forte d’une compétitivité et d’une qualité industrielle hors pair (au détail près des trucages de tests). Mais aussi, d’une stratégie résolue, initiée au début des années 2000, de restriction de sa demande intérieure. Une stratégie qui se maintient aujourd’hui, précisément à un moment où la zone euro aurait besoin d’éléments de relance pour faciliter sa remise sur pied budgétaire.
Il y a ainsi une dissymétrie entre l’Allemagne et la plupart des autres pays de la zone euro, voire de l’OCDE : l’ajustement des conjonctures, aux fins de rétablissement des comptes publics, se fait par le bas, c’est-à-dire par austérité en dehors de l’Allemagne, et non par le haut, c’est-à-dire par un partage raisonnable entre austérité chez les pays en déficit et relance dans les pays en excédent. Il n’y avait pas cette dissymétrie au début des années 2000 : le rétablissement de l’Allemagne, appelée à l’époque l’homme malade de l’Europe, s’était fait par austérité en Allemagne, mais très largement par la forte croissance (bien imprudente) des autres pays européens.
Les +80 Md€ font plus du tiers de l’excédent commercial d’une année. C’est du pouvoir d’achat pour les pays qui recevront cette somme, y compris pour les États-Unis qui n’en ont pas forcément besoin, mais qui montrent comment rétablir rapidement leurs comptes publics à cout d’amendes sur les grandes multinationales fautives. C’est un véritable plan de relance. On dit qu’il n’y pas loin d’un million de voitures VW concernées en France. Si on prend le chiffre conservateur de 5.000 € par véhicule, entre l’amende, le dédommagement, le cout de remise aux normes (qui fait de la valeur ajoutée française dans les garages du groupe Volkswagen), cela fait une somme de 5 Md€ pour le pays.
Un vrai plan de relance, donc.