Zone euro : toutes les interrogations ne sont pas levées
Le communiqué publié par la Commission Européenne est disponible en français.
Il y a trois volets dans le schéma proposé à l’issue de la réunion du 21 juillet
- Un plan de soutien à la Grèce
- La mise en place d’instruments pour limiter le risque de contagion
- Le rappel de la nécessité d’une consolidation budgétaire en zone euro
Ce deuxième plan de soutien à la Grèce correspond à un montant de près de 160 Mds d’euros à l’horizon mi-2014. 109 viendront de financements officiels, 37 du secteur financier (sur la période 2011-2014)1 et 12,6 de rachat de dette (dont les modalités sont encore à définir).
L’aide officielle proviendra essentiellement du fonds de stabilisation européen (EFSF), mais aussi du FMI qui dans un communiqué de presse s’inscrit dans ce programme sous réserves d’approbation par son conseil. Si la clé de répartition du premier plan est maintenue, cela se traduira par une part de 73 Mds à la charge de l’EFSF et de 36 pour le FMI soit un total de 109 Mds.
Le support via le fonds européen est modifié par l’allongement des maturités des prêts et une réduction des taux d’intérêt qui y sont attachés. La maturité passe de 7,5 années à minimum 15 ans et maximum 30 ans avec un délai de grâce de 10 ans. Le taux d’intérêt passe à 3,5 % contre 4,5 % actuellement (conditionné néanmoins par le coût de financement de l’EFSF). Cela concerne les nouveaux prêts mais également ceux déjà en cours.
Cette situation permet de reporter dans le temps les échéances de la Grèce, de limiter les contraintes de liquidité de court terme qui ont été pour partie à l’origine des difficultés actuelles et d’alléger la dette grecque.
Au-delà des montants évoqués, l’aide du secteur financier est peu développée dans le communiqué (point 5). Cette aide se fera sur une base volontaire et ne sera applicable qu’à la Grèce.
L’Institut of International Finance (IIF)2 a fait une proposition qui permettrait d’allonger et de rouler les échéances jusqu’à 30 ans. Les modalités reprennent en partie des éléments qui avaient été avancés dans la proposition française il y a quelques semaines. Le communiqué de presse de l’IIF est disponible ici. Elle fait l’hypothèse d’une participation du secteur bancaire de 90 % et considère alors que le secteur privé permettra le financement de 54 Mds d’euros entre mi-2011 et mi-2014 et de 135 Mds entre mi-2011 et fin 2010. Dans ce cadre, la maturité des titres détenus par le secteur privé passera de 6 ans à 11 ans et l’allègement de la dette sera de 13,5 Mds. Dans son calcul, l’IIF indique que la Valeur Actuelle Nette sera réduite de 21 %. Ce point devrait se traduire par une mise sous défaut sélectif de la dette grecque. Compte tenu des garanties offertes par l’EFSF, cela ne devrait pas gêner les banques grecques lors de leurs opérations auprès de la BCE.
Pour limiter les risques de contagion, l’EFSF a vu ses capacités d’intervention élargies. Il pourra intervenir de façon préventive sous des conditions précises qui restent à définir afin d’éviter l’apparition de conditions fragilisant un marché. Il pourra également intervenir pour aider à la recapitalisation du secteur bancaire y compris dans les pays n’étant pas sous un plan de soutien. On pense ici forcément à l’Espagne.
Surtout mais sous des conditions exceptionnelles, l’EFSF pourra intervenir sur le marché secondaire de la dette. Il pourra alors servir de coussin amortisseur pour éviter la propagation d’un risque d’un pays à l’autre. Les interventions se feront sur la base des analyses menées par la BCE et avec l’accord des pays participants à l’EFSF. Il faudra aussi définir les conditions exceptionnelles évoquées dans le communiqué.
Toujours pour faciliter la situation des pays bénéficiant d’un plan de soutien, le taux d’intérêt et l’allongement des maturités dont bénéficie la Grèce bénéficieront aussi au Portugal (taux d’intérêt actuel de 4,5 %) et à l’Irlande (taux d’intérêt actuel de 5,5 %)3.
Sur le plan macroéconomique, le communiqué indique que des efforts particuliers seront mis en oeuvre pour favoriser le retour de la croissance en Grèce. Depuis le dernier trimestre 2008, le PIB a reculé de 10 %. Une telle dynamique n’est pas compatible avec la stabilisation des finances publiques. Il faut donc trouver et de mobiliser les moyens permettant de faciliter la reprise de l’activité en Grèce.
Dans le même temps, il est renouvelé, fermement, l’engagement des pays de la zone euro non bénéficiaires d’un plan de soutien, d’avoir un déficit public inférieur à 3 % en 2013 au plus tard. Cela doit s’accompagner de règles budgétaires plus rigoureuses (nouveau pacte de stabilité) et de la mise en place de règles nationales plus précises pour jauger de la politique budgétaire dans le temps.
Les éléments qui sous tendaient la réunion de Bruxelles étaient de :
- Trouver les caractéristiques d’un nouveau plan d’aide à la Grèce. Le plan mis en place avec l’implication du secteur privé permet de diminuer le cout de la dette, d’en reporter les échéances et de réduire son encours. Ces réponses devraient permettre un répit à la Grèce. Celle-ci fera l’objet d’une surveillance toujours très importante et le gouvernement grec devra toujours mettre en oeuvre les mesures d’austérité sur lesquelles il s’est engagé à la fin du mois de juin. La Grèce est toujours sous perfusion. Par ces interventions, l’encours de la dette grecque va être réduit. Les premiers calculs imaginent une dette tendant vers 130 % du PIB. Est-ce soutenable ? Pas sûr si la croissance ne redémarre pas très rapidement et très fortement.
- Trouver les instruments pour limiter les risques de contagion. L’EFSF devrait disposer des moyens d’intervenir soit préalablement (intervention préventive et aide à la recapitalisation bancaire), soit pour réduire les risques de contagion (intervention sur le marché secondaire de la dette). Sur ce dernier point, les objectifs de l’EFSF ne sont pas clairement définis. Doit-il être un instrument de défaisance et intervenir alors sur une grande échelle afin de réduire de façon significative la contrainte d’endettement de la Grèce. Mais dans ce cas, il faudra définir clairement les conditions exceptionnelles qui gouvernent son intervention. Il est clair que l’EFSF pour être efficace devra avoir une ampleur dans son action supérieure à celle de la BCE4.
[quote type= »center »]Si l’EFSF doit aider à la recapitalisation des systèmes bancaires en difficulté, intervenir de façon préventive et agir sur le marché secondaire pour être efficace, il n’est pas certain que l’habit qu’on lui donne soit suffisamment large.[/quote]
A ce stade, la taille du fonds d’intervention est posée. Compte tenu des missions nouvelles qui sont au programme de l’EFSF, il est probable que la taille de 440 Mds qui devrait être atteinte n’est peut-être pas suffisante. Pour l’instant, les montants levés sont de 255 Mds dont il faut défalquer les 26 Mds pour le Portugal et les 17,6 Mds pour l’Irlande. La partie du plan à la charge de l’EFSF sera directement de 73 Mds auquel il faudra ajouter le programme de rachat de dette par la Grèce et le financement des garanties pour l’aide du système bancaire (dans les propositions de l’IIF il y a un collatéral financé par la Grèce. Son montant est estimé par Citigroup à 24 Mds).
Si l’EFSF doit aider à la recapitalisation des systèmes bancaires en difficulté, intervenir de façon préventive et agir sur le marché secondaire pour être efficace, il n’est pas certain que l’habit qu’on lui donne soit suffisamment large. Cela sera un des points majeurs à surveiller.
L’autre point important est celui de la croissance. Les efforts européens viseront à améliorer les perspectives de croissance de la Grèce. Dont acte. Les efforts de compétitivité qui sont menées en Grèce devront permettre à celle-ci de retrouver une dynamique concurrentielle plus importante.
Dont acte, mais cela pose trois questions.
- Les ajustements par les coûts salariaux unitaires prennent du temps. Que les efforts soient mis en oeuvre, très certainement, qu’ils permettent à la Grèce de trouver rapidement une dynamique de croissance plus forte. Pas sûr car les mesures d’austérité sont immédiates et celles relatives à la compétitivité prendront du temps.
- Les pays européens se sont engagés à faire de la consolidation budgétaire avec l’objectif d’un déficit à 3 % en 2013 au plus tard. Cela indique que la demande interne des pays européens va continuer d’être fragile. On ne peut pas faire l’hypothèse qu’une phase de consolidation budgétaire rapide et à grande échelle puisse s’accompagner d’une croissance soutenue. Cela veut dire que les conditions de la croissance seront nettement moins robustes et que cet engagement formel et renouvelé nous incite à réduire la croissance pour 2012 au sein de la zone euro, probablement vers 1,5 %.
- Chaque pays cherchera alors à gagner en compétitivité pour améliorer sa position concurrentielle et gagner des parts de marché. Cela va se traduire en zone euro par une période complexe puisque les contraintes liées à la politique budgétaire seront plus fortes avec un renouveau de la concurrence marqué.
Pour la Grèce, cette situation va être compliquée puisque sa dynamique interne sera minée par la politique d’austérité menée par le gouvernement et à l’extérieur chaque pays de la zone euro va tenter d’améliorer sa compétitivité pour favoriser sa croissance. La dynamique des exportations grecques ne pourra pas directement dépendre du marché intérieur de la zone euro pour consolider la situation, il faudra prolonger les efforts d’exportations en dehors de l’UE pour disposer d’une impulsion robuste. C’est ce qu’indique le graphique ci-contre. Cela sera-t-il suffisant dans le temps ?
Cela repose aussi la question d’un instrument qui puisse intervenir de façon plus indépendante. L’EFSF n’a pas ces capacités pour l’instant puisque toujours soumis aux règles de l’unanimité. Cela repose aussi la question des obligations européennes (Eurobonds) pour dissocier une partie de la dette nationale de son attache locale.
On perçoit bien dans ces résultats que la logique d’intégration doit certainement changer de nature et d’échelle. La réunion du 21 juillet a buté sur ce point et n’a pas franchi ce pas d’un plus grand fédéralisme.
Philippe Waechter
[tabs slidertype= »top tabs »][tabcontainer] [tabtext]1.[/tabtext] [tabtext]2.[/tabtext] [tabtext]3.[/tabtext] [tabtext]4.[/tabtext] [/tabcontainer] [tabcontent] [tab]1. Sur l’ensemble de la période 2011-2019, la contribution totale nette du secteur privé sera de 106 Mds.[/tab] [tab]2. Association des institutions financières globales.[/tab] [tab]3. L’Irlande participera aux discussions sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Cela ne signifie pas néanmoins qu’elle souhaite spontanément changer sa fiscalité.[/tab] [tab]4. Celle-ci peut intervenir depuis le 10 mai 2010 sur le marché obligataire (programme SMP – Securities Markets Programme). L’encours de titres détenus est de 74,2 Mds au 15 juillet et concerne la Grèce (principalement), l’Irlande et le Portugal.[/tab] [/tabcontent] [/tabs]