Alors que l’économie mondiale commence à émerger de la crise de la Covid-19, le moment sera bientôt venu pour les dirigeants de regarder au-delà de la sauvegarde des vies et des moyens de subsistance et de se tourner vers un défi plus profond : les améliorer par la croissance, la durabilité et l’inclusion. Ce défi sociétal pourrait être dix fois plus grand que la pandémie et durer dix fois plus longtemps.
Or, dans le processus de réponse aux défis environnementaux et climatiques, il existe à la fois des opportunités et des vulnérabilités pour les entreprises, les institutions financières et le système financier dans son ensemble et ce sera le plan de ce dossier.
Sandra Bernard-Colinet et Henri Fraisse nous exposeront les différentes stratégies de la Finance pour aller de l’ESG à l’impact ou D’une obligation de moyen à une exigence de résultats. Comment les investisseurs dont le rôle est de financer les entreprises et de rémunérer le capital, s’approprient et analysent le concept évolutif de la RSE consistant à se recentrer sur la logique socio-écologique.
Avec Jean-Jacques Pluchart[1] nous verrons que la valorisation des impacts des activités de l’entreprise s’inscrit dans un triangle dont les pôles « profitabilité – responsabilité – durabilité » présentent des dimensions respectivement économiques, sociales et temporelles. La rentabilité et la responsabilité sont les leviers de la durabilité. La mesure des impacts montre le caractère réducteur du paradigme dominant – toujours en vigueur – qui justifie la valeur d’usage par les notions d’utilité et de rareté et la valeur marchande par le jeu de l’offre et de la demande. Elle révèle que la valeur socio-économique d’un impact est construite par des processus conjuguant des choix stratégiques, des recherches académiques, des expertises techniques et des raisonnements économiques.
Philippe Robert-Tanguy nous indiquera ensuite que le monde qui vient repose sur des besoins de confiance accrus entre les acteurs compte tenu des promesses et engagements pris notamment en termes de responsabilités sociale et environnementale. Créer les conditions de la confiance nécessite de développer des pratiques individuelles, collectives et organisationnelles de sincérité.
Puis Alain Schnapper[2] confirmera que le déploiement du modèle de la société à mission, aboutissement logique de l’inscription statutaire de la raison d’être, est vécu par les dirigeants qui le décident comme une transformation en profondeur du rôle de l’entreprise dans la société et la fin d’une conception réductrice de celui-ci visant à maximiser son profit.
Tout ceci doit faire l’objet d’un reporting commun actualisé – que les Autorités européennes ont formalisé dans la Directive CSRD (Corporate Sustainibility Reporting Directive) – qui introduit des changements importants au cadre existant puisqu’elle s’appliquera à un périmètre plus large que celui étudié par l’EFRAG et celui de la Directive de 2014 et inclura une exigence de publier un reporting « durable ». Elle confirme et consolide aussi le socle existant en :
En France, les nouvelles dispositions remplaceront la déclaration de performance extra-financière (DPEF) à partir du 1er décembre 2022.
David Wray fera le point sur l’avancement des travaux et des propositions de l’Autorité des normes comptables sur ce sujet visant :
Le financement de la transition vers une économie verte et sobre en carbone conforme à l’objectif « bien en dessous de 2° Celsius » fixé dans l’accord de Paris et la promotion d’une croissance durable sur le plan environnemental font partie des défis majeurs de notre époque. Il est donc majeur de comprendre comment les Banques centrales et le secteur financier envisage de modifier leurs stratégies et cadres de réglementation, de supervision et d’actions. Sans aucun doute, les décisions auront un impact sur la liquidité et le coût de financement des entreprises industrielles et commerciales européennes. En effet, avoir accès ou pas – selon le respect des normes de soutenabilité par les emprunteurs – aux financements et refinancements des Banques centrales conditionnera fortement les conditions qualitatives et quantitatives de financement des économies.
L’objectif du Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System (NGFS) est d’aider à renforcer la réponse mondiale nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et d’améliorer le rôle du système financier dans la gestion des risques et la mobilisation de capitaux pour des investissements verts et à faible émission de carbone dans le contexte plus large du développement durable sur le plan environnemental. Jean Boissinot[3], fera un état des lieux et des travaux du NGFS.
Ce dossier est bien loin d’être exhaustif, mais il tente d’indiquer les enjeux et les pistes de travail des directeurs financiers liés au développement impératif de la finance durable.
[1] Professeur émérite à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
[2] Praticien associé à la Chaire « Théorie de l’entreprise – Modèles de gouvernance & Création collective » de l’École des MINES ParisTech PSL. Cette chaire est à l’origine des propositions reprises dans le rapport Notat-Sénard et le projet de loi Pacte.
[3] Secrétaire général du Network for Greening the Financial System (NGFS), Secrétaire général du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF, Directeur adjoint, Direction de la stabilité financière de la Banque de France.