Les crises économiques survenues depuis 2008 ont entraîné une multiplication des absorptions et des liquidations de start-up. Leurs repreneurs et leurs financeurs ont dû adapter leurs méthodes d’évaluation financière. Les méthodes basées sur l’évaluation d’actifs immatériels et sur la projection de performances ou de flux de trésorerie sont désormais complétées ou remplacées par des modèles mieux adaptés aux types d’avantages concurrentiels maîtrisés, de financements mobilisés et de risques encourus par les start-up à chaque stade de leur cycle de vie. L’évaluation mobilise ainsi des compétences de natures technologique, managériale et financière.

 

La première étape de l’évaluation de la start-up consiste à juger des capacités d’innovateurs et de stratèges de ses fondateurs, et à apprécier la faisabilité de son modèle d’affaires, la solidité de son avantage concurrentiel, la profondeur de sa chaîne de création de valeur et la dynamique de ses marchés amont (emplois, ressources) et aval (débouchés). Le sens de l’entrepreneuriat et les compétences techniques des fondateurs et de leurs équipes sont de plus en plus observés et testés. L’objectif pour l’évaluateur est notamment de sonder l’« antifragilité » de l’organisation mise en place ou projetée, c’est-à-dire sa capacité à franchir chaque étape du projet et à surmonter des crises. Cette capacité détermine la robustesse du plan d’affaires de la start-up, qui projette un scénario de base et une ou plusieurs variantes probabilisées testant sa sensibilité (flexing) à des chocs exogènes. Les évaluateurs s’efforcent aussi de mesurer le sens des responsabilités des fondateurs par une exploration des impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) du projet de la start-up sur sa rentabilité future.

 

La deuxième étape de l’évaluation vise à apprécier les qualités managériales des fondateurs. Elle vérifie la pertinence du découpage du cycle de vie de la start-up en phases de conceptualisation, de création de la start-up, d’amorçage, de changement d’échelle (scaling) et d’expansion. Ces agendas varient selon les technologies développées (deeptech, biotech, fintech, climitech…). Les milestones des étapes diffèrent selon les activités : proof of concept, dépôt de brevet, autorisation de mise en marché, entrée en production, lancement d’un produit… L’évaluateur s’efforce de juger de la capacité de la start-up à franchir ces jalons et à poursuivre (go/no-go) le projet. Les méthodes d’évaluation diffèrent selon les phases du cycle de vie de la start-up. Les méthodes basées sur la projection de performances (EBIT, Ebitda, valeur ajoutée économique, etc.) ou de flux de trésorerie disponible (free cash flow) restent dominantes, mais les flux sont de plus en plus probabilisés ou actualisés à des taux variant selon les phases et les prévisions d’inflation. Dans les secteurs les moins innovants, les méthodes des comparables et des multiples d’indicateurs-clés de performances sont encore appliquées, bien que parfois biaisées. Ces modèles sont croisés avec des méthodes basées sur l’appréciation des facteurs clés de succès de la start-up (méthode Berkus), de ses facteurs de risque (RFS method) et de ses sources de création de valeur (méthode scorecard). L’évaluation par la méthode des options réelles est peu pratiquée.

La troisième étape de la démarche vise à apprécier la capacité des financeurs à accompagner le projet à chaque stade de son développement. L’évaluation exige une expérience des réseaux et des pratiques de l’écosystème financier adapté à l’activité de la start-up. Elle est rendue difficile par la spécificité des montages et des instruments financiers : des apports en fonds propres (seeding capital) de la part des fondateurs et de leurs proches (love money) en phase de conceptualisation et de lancement du projet ; des financements participatifs (crowdfunding) ou en communautés (par des plateformes dédiées) de la part de business angels et/ou des aides de la part d’institutions publiques, en phases d’amorçage et de scaling ; des levées de fonds successives et l’émission de titres standard ou hybrides auprès de sociétés de capital-risque ou de banques spécialisées (comme la SVB ou la BPI) ou une introduction en bourse (initial public offering) en phase d’expansion. Le mode de financement dépend également du niveau de dilution acceptable par les fondateurs.

 

Chacune de ces approches n’est pas nouvelle, mais la recherche de leur meilleure intégration et de leur adaptation aux critères ESG est en soi novatrice.

 

Cet article a été publié sur Option Finance le 7 avril 2023.